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CHAPITRE III : LES VIOLATIONS DES PRINCIPES DE L’ETHIQUE POLITIQUE Introduction

3.5 Les impacts négatifs des violations des principes de l’éthique politique

3.5.1 Sur le plan sociopolitique : crises cycliques interminables

Il n’y a ni fatalité ni malédiction. Une lecture historique des alternances fait apparaître que durant les cinquante premières années de la République (1960 à 2009), Madagascar n’a jamais connu d’alternance au pouvoir ayant suivi les règles constitutionnelles en vigueur.566

De plus, tous les chefs d’Etat malgaches ont eu affaire à une crise politique violente, soit pour arriver au pouvoir, soit pour le quitter, ou même pour certains d’entre eux, dans les deux cas. En effet, en 1991, 2002 et 2009, ce sont des mouvements de contestation nés dans la rue qui ont fini par aboutir au départ du chef d’Etat en exercice. Ces trois insurrections populaires ont

562 Cf. SEFAFI, Libertés publiques, op. cit., p. 94.

563 R. ANDRIAMBELOMIADANA, Libéralisme et développement à Madagascar, op. cit., p. 17.

564 Cf. Lettre de la Conférence épiscopale de Madagascar, La lutte contre la corruption et la promotion de la justice, op. cit.,

pp. 27-35.

565 Cf. SEFAFI, Quand les politiciens prennent les citoyens en otage, op. cit., pp. 46-47.

566 Cf. SEFAFI, Les pratiques politiques et les moyens d’accéder au pouvoir depuis 1972, Foi & Justice, Communiqué,

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abouti à des révoltes violentes avec perte de vies humaines et au renversement du pouvoir en place. Nous en avons parlé précédemment : reprenons en les principales données en synthèse.

Il n’est pas nouveau que les causes principales de ces crises à répétition se trouvent être la faiblesse des institutions et les carences en termes de gouvernance567, que ce soit la crise de 1991 et 2002 sous la gouvernance de Ratsiraka ou celle de 2009 au temps de

Ravalomanana. La chute des deux chefs d’Etat est également le fruit d’une incapacité à

analyser correctement une situation de tension politique.568 En 1991, comme nous en avons déjà fait état569, dans un climat troublé, l'opposition, appuyée par le Conseil des Églises, constitue et structure le Mouvement des forces vives, qui se radicalise contre Ratsiraka jusqu’à ce que ce dernier quitte le pouvoir. Le professeur Albert Zafy est porté au pouvoir suite à cet événement politique.570 Durant sa gouvernance, une petite élite s’enrichit, tandis

que le peuple s’appauvrit encore plus. Au cours du second semestre 1996, accusé d’avoir violé la Constitution, il est légalement destitué par un vote d’empêchement d’une majorité de députés, en août de la même année.571

Une deuxième contestation aura lieu en 2001, comme nous l’avons déjà présenté.572

L’élection présidentielle de décembre 2001, opposant le chef de l’État sortant, Ratsiraka à

Marc Ravalomanana, plonge le pays dans une crise politique de six mois. La cause principale

de cette crise est la contestation du résultat de l’élection présidentielle qui a été considérée comme entachée de fraudes électorales massives. Après quelques mois de crise,

Ravalomanana, soutenu par une partie importante de la population, s'autoproclame président

de la République le 22 février 2002.573 L’Union africaine et la France condamnent ce « coup de force ».574 Pour revenir à l’ordre constitutionnel, c’est-à-dire à la légalité, la Haute Cour

constitutionnelle organise une investiture légale le 6 mai 2002.575 Par contre, son opposant,

Didier Ratsiraka, quitte le pays le 5 juillet pour se réfugier en France.

La crise politique de 2009 à Madagascar est une série de manifestations, d’émeutes et de confrontations politiques qui secouent Madagascar à partir de la deuxième moitié du mois de janvier 2009. Elle oppose les partisans d'Andry Rajoelina, maire d’Antananarivo, capitale de Madagascar, aux partisans de Marc Ravalomanana, président de la République en exercice. Les manifestants reprochent à ce dernier la hausse des prix de tous les produits de première nécessité, sa mainmise sur l’économie malgache, notamment l’achat d’un Boeing présidentiel avec l’argent public en partie et la location en bail longue durée de la moitié de la surface cultivable à Madagascar à l’entreprise coréenne Daewoo.576 Après deux mois de

manifestations de rue dans la capitale et les grandes villes du pays, il a transféré ses fonctions

567 Cf. supra, Le non-respect de la politique de bonne gouvernance, p. 60.

568 A. NDIMBY, De 1991 à 2009, l’éternel recommencement, Journal Madagascar Tribune, 25 mai 2009, p. 5. 569 Cf. supra, La période transitoire de 1991 à 1993, p. 50.

570 Cf. P. RAJERIARISON et S. URFER, Madagascar, op.cit., p. 59.

571 Cf. R.W. RABEMANANARA, Géopolitique et problèmes de Madagascar, op. cit., p. 224. 572 Cf. supra, La mise en œuvre d’une politique économique désastreuse, p. 55.

573 Cf. P. RAJERIARISON et S. URFER, Madagascar, op. cit., p. 59.

574 Cf. G. RAHARIZATOVO, Madagascar 2002. Genèse et Silence d’une crise, op. cit., p. 199. 575 Cf. P. RAJERIARISON et S. URFER, Madagascar, op. cit., p. 59.

576 Il s’agit de 1,3 million d’hectares. Le Financial Times dénonce une location gratuite en titrant le 18 novembre 2008 :

« Daewoo se plaie Madagascar ». Le SEFAFI pointe « l’aliénation de la souveraineté économique » (8 décembre 2008). Cf. T. RALAMBOMAHAY, Madagascar dans une crise interminable, op. cit., p. 19.

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de président de la République et celles de premier ministre à un « directoire militaire », qui transmet aussitôt tous ces pouvoirs à l'opposant Rajoelina le 19 mars 2009.577 Le 21 mars 2009, la Haute Cour constitutionnelle légalise l'accession à la présidence de la République de

Rajoelina. Cette légalisation ne résout pas les conflits et rivalités politiques à Madagascar. Le

problème reste toujours en suspens et la crise ne cesse de s’aggraver quasiment dans tous les domaines, dont le domaine social avec l’insécurité.

Cette insécurité constitue un handicap pour le développement socio-économique et bien évidemment pour la réalisation du bien commun.578 Les actes d’insécurité n’épargnent aucun milieu ni aucune région. Dans les villes, la recrudescence de l’insécurité appréhendée à travers l’intensification des petits vols menés par les pickpockets dans les rues, des actes de banditisme, des cambriolages, des viols, voire éventuellement des actes de kidnapping et des meurtres, a sensiblement affecté la sérénité des populations. Dans la campagne, les vols de cultures sur pied prévalent partout, les vols de bovidés menés par les dahalo579 ou bandits constituent le principal acte d’insécurité qui afflige les populations rurales. Ces problèmes ont été amplifiés dans les régions où la crise institutionnelle s’est accompagnée d’un manque à gagner important. Ainsi dans le cas de l’Alaotra, la période difficile traversée par le pays a coïncidé avec la période de soudure580 dans cette région productrice de riz. Cette conjonction

de facteurs a favorisé les actes de détresse de la population. Avec la crise politique, le prix aux producteurs a chuté pour fragiliser encore davantage les conditions de vie déjà précaires des paysans, favorisant par conséquent la recrudescence des actes d’insécurité.581

En guise de Conclusion, le point commun de ces mouvements populaires n’est autre que la revendication de plus de justice sociale, de liberté, de légalité, de démocratie,582 en faveur de la majorité du peuple. Ainsi, « la mauvaise gouvernance, le monopole du pouvoir et de l’information, le non-respect des lois, les tricheries électorales, le népotisme et le tribalisme »583, sans oublier la lutte contre la corruption et l’affairisme s’additionnent pour instaurer un climat de mécontentement généralisé.

Les crises répétitives créent une ambiance politique malsaine et décourageante. Celle- ci suscite une rivalité politique : non pas seulement entre les partis et les associations politiques, mais aussi entre les citoyens eux-mêmes. L’unité nationale est menacée par l’incitation à la haine tribale584, ruinant le fihavanana, déjà ébranlé, et favorisant la

recrudescence de l’insécurité sur le plan socio-économique.

577 Cf. ibid., p. 36.

578 Cf. N. ANDRIANIRINA, Madagascar dans la tourmente. Analyses socio-économiques de la crise en zones rurales,

L’Harmattan, Paris, 2010, p. 33.

579 Les dahalo sont des groupes de malfaiteurs qui agissent au niveau des villages en vue de s’emparer essentiellement du

cheptel bovin. Ces bandits mènent en même temps des actes de cambriolages et prennent au passage les biens qu’ils peuvent voler, notamment l’argent ou les équipements. Dangereux, ils sont souvent dotés d’armes à feux ou d’autres types d’armes et n’hésitent pas à opter pour des massacres.

580 La soudure est la période précédant les premières récoltes et où le grain de la récolte précédente peut venir à manquer. Il y

a donc souvent pénurie et flambée des prix alimentaires, parfois accentué par la spéculation.

581 Cf. N. ANDRIANIRINA, Madagascar dans la tourmente, op. cit., p. 39. 582 Cf. S. URFER, La crise et le rebond. 50 ans de l’indépendance, op. cit., p.10. 583 Cf. ibid., p. 11.

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