• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE VI : LE RESPECT DE CERTAINES VALEURS SOCIALES AU PROFIT DU BIEN COMMUN

6.2 La sauvegarde des droits humains

6.2.3 Le rapport entre droits humains et bien commun

La défense et le respect de la dignité de la personne humaine ne peut se contenter de promouvoir seulement l’économie ou le politique. Respecter la dignité de la personne humaine signifie avant tout reconnaître, défendre et promouvoir certains droits universels, inviolables et inaliénables.984 Ces droits essentiels concernent les droits et les libertés

fondamentales de la personne humaine. Ils sont la condition indispensable pour l’épanouissement de toute personne dans sa dimension matérielle et spirituelle.

Aujourd’hui, lorsqu’on parle du bien commun, on a tendance à réduire son sens seulement aux biens sociaux c’est-à-dire aux biens matériels.985 Pour atteindre ce genre du

bien, on a seulement besoin de la coopération de tous membres du corps social et de sa défense au nom de tous, pour que chaque membre de la société puisse y trouver les conditions de son épanouissement. Cependant cet épanouissement dont on parle n’est pas un épanouissement partiel mais intégral, car c’est à ce dernier que l’homme aspire. Cela ne se réalise que dans une communion d’amour avec Dieu, dans la totale liberté de répondre à sa vocation d’être créé, doué d’intelligence et de raison. Elle transcende toute réalité sociale. Ce bien dont on parle, dit Thomas d’Aquin, est un bien spirituel.986 Celui-ci est

incommensurablement supérieur au bien matériel d’une communauté. Le bien de la grâce d’un seul, ajoute Thomas d’Aquin, est plus grand que le bien naturel de l’univers tout entier.987 C’est dans cette perspective que Jacques Maritain affirme : « La personne humaine est directement ordonnée à Dieu, comme à sa fin ultime absolue, et cette ordination directe à Dieu transcende tout bien commun créé, bien de la société politique et bien commun intrinsèque de l’univers ; telle est la vérité fondamentale qui guide toute la discussion sur le rapport entre individu et société ».988

Toute doctrine qui ne respecte pas ces droits fondamentaux de la personne humaine est une doctrine qui passe à côté du bien commun. C’est la raison pour laquelle Adepoju pose la question sur ce que le socialisme pense du bien commun. Il s’interroge : « Pourquoi le socialisme prétend-il garantir le bien commun des citoyens dans un Etat où est légalement méconnu le droit à la liberté religieuse ? N’est-ce pas là un signe patent de l’aliénation qui consacre le refus à l’homme d’un bien essentiel à son humanité dans le monde matériel ? »989

Le bien commun n’est pas, dit-il, seulement une question politiquement matérielle mais aussi spirituelle, c’est-à-dire qu’il embrasse le tout de l’homme. En d’autres termes, il a une dimension intégrale : les hommes y participent en tant qu’ils vivent en société et en tant qu’ils ont un rapport connaturel avec l’Absolu, avec la Transcendance. Le bien commun doit tenir

984 A. ADEPOJU, La famille africaine, politiques démographiques et développement, op. cit., p. 102.

985 Cf. D. MÜLLER, Bien commun. Bien et mal. Bonheur, dans L. LEMOINE, Dictionnaire encyclopédique d’éthique

chrétienne, op. cit., p. 300.

986 THOMAS d’AQUIN, repris par D. MÜLLER, Bien commun. Bien et mal. Bonheur, art. cit., p. 301. 987 Cf. Somme Théologique, Ia-IIae, q. 113, a. 9.

988 J. MARITAIN, La personne et le bien commun, Morcelliana, Brescia, 1995, p. 10.

169

compte de la double relation de l’homme : horizontale et verticale.990 Le Compendium

affirme : « Le bien commun de la société n’est pas une fin en soi, il n’a de valeur qu’en référence à la poursuite des fins dernières de la personne et au bien universel de la création tout entière ».991 Et la fin dernière dont on parle ici est Dieu. L’homme ne réalise sa vocation plénière qu’en relation avec Dieu son créateur. Cette relation de l’homme avec Dieu est un élément constitutif du bien commun dans sa dimension transcendante, qui dépasse mais aussi achève la dimension historique.992

En raison de cette double orientation du bien commun, la société doit veiller à proposer à l’homme la possibilité d’une vie bonne, humaine et vertueuse. Elle est en cela responsable de leur communion dans le bien vivre ensemble. Le bien de chacun doit être nécessairement en rapport avec le bien commun de tous. N’entrons pas ici dans la discussion de la supériorité quantitative ou qualitative du bien, car la supériorité du bien commun sur le bien privé n’est pas indépendante du type de bien envisagé. D’où ce conseil donné par saint Thomas : « Quand il s’agit du même type de bien pour l’homme et pour la société, il n’y a pas de doute sur la supériorité du bien commun, mais il peut arriver qu’un type de bien privé soit plus important que le bien commun de tous ».993 De ce point de vue, on peut dire que

l’homme qui vit dans la société en fait partie intégrante et s’y engage entièrement. Le bien commun est un bien qui perfectionne les membres de la société dans ce qu’ils peuvent atteindre de manière privée. En cela, le primat du bien commun ne s’oppose donc pas au fait que la société est faite pour l’homme et non l’homme pour la société. Au bout du compte, la notion du bien commun n’exige pas que l’homme soit subordonné à la société, mais que les biens individuels soient subordonnés au bien de tous.994

En résumé, pour concrétiser le bien commun, il faut qu’on respecte sa double dimension : horizontale et verticale, c’est-à-dire la relation de l’homme avec la société dans laquelle il vit et celle de l’homme avec Dieu qui est son principe. Le respect de cette double relation est un droit naturel et universel pour l’homme. Ce droit est donc inviolable et inaliénable. Il fait partie intégrale des droits de l’homme. Car il constitue les besoins fondamentaux et essentiels pour que l’homme puisse se réaliser dignement dans l’intégralité de sa dimension matérielle et spirituelle.995 C’est la raison pour laquelle le bien commun qui est l’ensemble du bien matériel et spirituel n’a pas le droit de faire fi de l’exigence fondamentale du respect des droits de l’homme, parce que le respect de ces derniers joue un rôle substantiel dans sa réalisation intégrale. Respecter les droits de l’homme est un élément fondamental pour la réalisation du bien commun. Cependant cela ne suffit pas, il faut également le respect et la mise en œuvre effective de la démocratie, en tant que garante de la participation de tous.

990 Cf. ibid.

991 Compendium de la doctrine sociale, n° 170. 992 Cf. ibid.

993 Somme Théologique, IIa-IIae, q. 152, a. 4.

994 Cf. X. DIJON, L’éthique du bien commun en Afrique. Regards croisés, L’Harmattan, Paris, 2011, p. 102. 995 Cf. ibid.

170

Outline

Documents relatifs