• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE III : LES VIOLATIONS DES PRINCIPES DE L’ETHIQUE POLITIQUE Introduction

3.4 Le non-respect de la démocratie

3.4.3 Le non-respect de l’État de droit et du pluralisme politique

Dans un État pratiquant le régime démocratique, l'autorité au pouvoir est tenue de respecter l’alternance du pouvoir démocratique. Le tenant du pouvoir doit être démocratiquement élu par le peuple par le suffrage universel direct ou indirect selon le mode de démocratie choisie. Élections et démocratie ne sont pas séparables dans un État démocratique. La démocratie et le principe de l’État de droit constituent le fondement de la République.545 Dans un État de droit : «…il existe des principes fondamentaux et des procédures qui garantissent la liberté de chaque individu et permettent la participation à la vie politique. Il y a, en premier lieu, le droit au libre épanouissement de la personnalité individuelle. En résumé, le pouvoir d’un État est lié aux lois qui le régissent ».546

Dans un État démocratique, tous les citoyens sont égaux devant la loi, même les employés de l’État et de l’Administration. Aucun citoyen ne peut prétendre être au-dessus de la loi. En ce sens, un État de droit est donc toujours un État fondé sur le respect de la loi et de la Constitution, tout individu est tenu au devoir de respect de la Constitution.547 Cette

conception rend l’État responsable de ses actes devant les citoyens et leur donne l’opportunité de réagir par rapport à ses actes. Donc les citoyens peuvent également participer en toute liberté à la vie politique.

En outre, l’État de droit doit garantir l’indépendance de la justice, « le Président de la République est garant de son indépendance ».548 Voilà pourquoi le pouvoir judiciaire doit être

strictement séparé de l’exécutif et du législatif. C’est uniquement grâce à la séparation des

540 Cf. Constitution de la quatrième République malgache, art. 1.

541 Cf. S. URFER, Où va Madagascar. Les incertitudes d’une société en mutation. In Etudes, n° 4209, octobre 2014, p. 26. 542 Cf. G. CIPOLLONE, Christianisme et droits de l’homme à Madagascar, op. cit., p. 239.

543 Cf. R. ANDRIAMBELOMIADANA, Libéralisme et développement à Madagascar, op. cit., p. 26. 544 M. RAMAHOLIMIHASO, Qui montre le droit chemin communique la vie, op. cit., p. 27. 545 Cf. Constitution de la quatrième République malgache, art. 1-16.

546 A. RAVELOSON, Qu’est-ce que la démocratie ?, conférence organisée par le KMF-CNOE & NOVA STELLA en

particulier avec la Friedrich-Ebert-Stiftung avec la collaboration de R. KETAKANDRINA, Antananarivo, septembre 2008.

547 Cf. Constitution de la troisième République malgache, art. 16. 548 Cf. ibid., art. 107.

97

pouvoirs que les juges peuvent effectuer leur travail en dehors de toute pression ou influence, et de manière indépendante. Ils ne doivent servir que le droit et la loi et ne peuvent être destitués de leur fonction tant qu’ils n’ont pas, eux-mêmes, transgressé la loi. Il faut par ailleurs garantir que la justice détienne le monopole du verdict. De ce fait, un État de droit lie la politique à la loi et au droit, soumet toute expression du pouvoir au contrôle de la justice et garantit ainsi la liberté des citoyens.

L’indépendance de la justice et celle des magistrats a toujours été inscrite dans la Constitution des trois Républiques successives mais elle ne s’est jamais réalisée. Elle sera l’un des enjeux de la quatrième République car, sans cette indépendance, aucune garantie n’existe. Cette garantie est pourtant l’un des fondements d’une véritable démocratie. L’indépendance de la justice est l’absence de toute soumission des juges dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle à des pouvoirs extérieurs, c’est-à-dire aux pouvoirs exécutif et législatif mais aussi au pouvoir économique. C’est une des composantes essentielles de l’État de droit.549

L’une des manifestations concrètes attendues de l’indépendance de la Justice est la non-ingérence du pouvoir politique dans les affaires judiciaires, et plus particulièrement dans un procès en cours. Ni le chef de l’État ni le chef du gouvernement ni un membre quelconque du gouvernement et particulièrement le ministre de la justice, ni un parlementaire ne doivent influencer d’une manière directe ou indirecte une décision de justice. Cependant, dans ce domaine du respect de l’État de droit, des violations sont commises par l’État, bien que la justice soit officiellement déclarée dans la Constitution malgache indépendante des organes exécutif et législatif. En fait, c’est le pouvoir exécutif même qui dicte, en principe, la décision des juges. En d’autres termes, la justice ne peut pas travailler comme elle le devrait. Il y a encore des citoyens au-dessus des lois : « Le pouvoir en place, depuis la prise de l’indépendance et jusqu’à nos jours, y parvient d’autant plus que le chef de l’État, le président, y jouit du statut de « Père vénéré », d’arbitre dépositaire de la sagesse ; donc devant être inamovible, au-dessus des lois et des critiques ».550 C’est la raison pour laquelle la culture

de l’impunité persiste et demeure un acquis normal.

L’indépendance de la justice dépend aussi de la justice elle-même. Il faut que la justice soit logique avec elle-même sinon il sera impossible de parler de l’indépendance de la justice. Il y a toujours, en ce qui concerne la justice, un manque de confiance des dirigeants et de la population dans la justice du pays. Il convient de rappeler les résultats des enquêtes sur la corruption, publiés dernièrement, révélant que l'Administration judiciaire figure parmi les services les plus corrompus à Madagascar.551 En tout cas, selon A. Imbiky, constitutionaliste malgache, le peuple doutera qu'il y ait une justice totalement indépendante tant que les juges et magistrats ne seront pas irréprochables dans leur comportement et l’exercice de leur fonction. Il revient aux juges et aux magistrats de persuader le peuple du caractère transparent de leur indépendance réelle. Alors la société civile réclamera l’indépendance de la justice et

549 Cf. SEFAFI, Quelle justice pour le présent et l’avenir, Foi & Justice, Communiqué, Antananarivo, 2009, p. 39. 550 M. RAMAHOLIMIHASO, Qui montre le droit chemin communique la vie, op. cit., p. 27.

551 Cf. D. RAKOTOARIJAONINA, Indépendance de la Justice – Débat houleux au Congrès. Journal Midi Madagascar, 8

98

luttera pour elle. Car il faut le reconnaître : « L’indépendance de la justice réduit le pouvoir de l’exécutif et le pouvoir politique ».552 Mais, pour restaurer la confiance des justiciables, les

différents responsables au sein de la chancellerie et de toutes les juridictions du pays doivent être des personnalités au-dessus de tout soupçon, connues pour leur honnêteté, leur conscience et leur compétence professionnelle au sein de la société.553

Ce respect d’un État de droit doit être associé à celui du pluralisme politique en vue de la restauration de la démocratie. Pour pouvoir réaliser le bien commun, la reconnaissance du pluralisme politique constitue la valeur suprême. Les rôles joués par les partis politiques sont effectivement essentiels dans un État démocratique, étant donné que les partis et associations politiques sont amenés à assumer une mission de plus en plus importante dans le fonctionnement de la vie publique. En tant qu’institutions charnières, ils ont pour vocation d’assurer le lien entre le pouvoir et les citoyens. Ils sont censés faciliter l’expression des aspirations populaires. Ces dernières mobilisent les partis politiques, comme instances de représentation, tout particulièrement au moment des compétitions électorales.554

Le rôle important assumé par les partis politiques au sein de la société n’est pas profondément ancré dans le passé de Madagascar. C’est un pays de faible tradition démocratique, où la société civile a été bridée pendant près de plusieurs décennies. Or, il apparaît clairement que les intermédiaires démocratiques ne jouent pas leur rôle. Début 1998, Madagascar comptait plus de 150 partis et associations politiques. La multitude des formations, la réversibilité des alliances, l’absence de véritables coalitions gouvernementales, basées sur une convergence de partis, avec un véritable programme politique commun, ont favorisé l’instabilité politique.555 De plus, «…les pratiques du pouvoir, depuis la prise de

l’indépendance jusqu’à nos jours, se résument dans la monopolisation du pouvoir »556, c’est-

à-dire sa concentration dans un parti unique ou dominant.557 Les seuls partis qui possèdent une implantation nationale sont les partis fabriqués par le pouvoir en place : le PSD sous la 1ère République, l'AREMA sous la 2ème République, le TIM sous la 3ème République.558

L’existence du multipartisme viable n’est pas qu’une formalité. La scène politique malgache souffre d’une extrême atomisation. Non seulement les hommes politiques se déplacent sur l’échiquier politique au gré des circonstances, mais les partis eux-mêmes sont dépourvus d’idéologie bien tranchée et stable dans le temps. Dans ce contexte, les partis, vidés de leur contenu idéologique, se réduisent bien souvent à de simples machines de conquête du pouvoir. Et les autres opposants n’ont pas le droit de s’exprimer, surtout dans les médias publics ; et pour faire bonne mesure, les médias privés ne peuvent pas diffuser sur l’ensemble du territoire, sinon, par intimidation ou corruption, en risquant finalement l’interdiction des stations ou des émissions. De même, « les autres contre-pouvoirs sont inexistants ou impuissants : Syndicats ouvriers ou patronaux, intellectuels, etc. Enfin si la

552 Cf. A. IMBIKY, A propos de l’indépendance de la justice, Journal Tribune Madagascar, 2 juin 2009. 553 Cf. SEFAFI, Quelle justice pour le présent et l’avenir, op. cit., p. 41.

554 Cf. F. ROUBAUD, Démocratie électorale et inertie institutionnelle à Madagascar, Antananarivo, 2003, p. 11. 555 Cf. ibid., p.12.

556 S. URFER, La crise et le rebond. 50 de l’indépendance, op. cit., p. 34.

557 Cf. SEFAFI, Tourmente populaire et confusion politique, Foi & Justice, Communiqué, Antananarivo, 2009, pp. 10-11. 558 Cf. R. ANDRIAMBELOMIADANA, Libéralisme et développement à Madagascar, op. cit., p. 27.

99

société civile se manifeste, le pouvoir en place suscite des associations parallèles qui lui sont asservies ».559

Une forte opposition capable de contester et de contrôler le pouvoir en place en cas de dérapage politique est nécessaire pour réclamer le développement intégral et la réalisation du bien commun. A cet effet, il faut une éducation politique des citoyens. Or, à Madagascar, celle-ci est lacunaire.

Outline

Documents relatifs