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CHAPITRE VI : LE RESPECT DE CERTAINES VALEURS SOCIALES AU PROFIT DU BIEN COMMUN

6.1 Le rôle de l’autorité politique par rapport au bien commun

6.1.1 La raison d’être de l’autorité politique : le bien commun

Comme nous l’avons déjà dit au premier chapitre de cette partie, l’homme, en tant qu’être social, ne peut vivre sans être avec autrui. Cette caractéristique sociale de l’homme fait partie de sa nature même.911 Cela signifie que l’homme est fait pour vivre en société. Cependant, pour que la société dans laquelle l’homme vit soit en bon ordre, elle requiert une autorité politique capable de la gouverner. Et la mission principale de cette autorité politique est de travailler au bien commun.912 Le concile Vatican II, par la constitution pastorale

Gaudium et spes, affirme que la finalité de l’Etat n’est pas d'apporter à tous un bonheur

préfabriqué, mais de se soucier du bien commun, à savoir de travailler à «…l'ensemble des conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu'à chacun de ses membres, d'atteindre leur perfection d'une façon plus totale et plus aisée ».913

D’ailleurs, quasiment toutes les encycliques sociales des papes, depuis Léon XIII jusqu’au pape François, ne cessent de répéter ce rôle fondamental de l’autorité politique, même si chacun d’eux a sa façon de définir le bien commun suivant l’analyse de la réalité sociale c’est-à-dire selon une analyse contextuelle et circonstancielle. Prenons par exemple Léon XIII, face aux attitudes des pouvoirs existants à l’époque, qui oublient la recherche prioritaire du bien commun en faveur de tous les citoyens et de tous les peuples, le pape rappelle qu’«…envisagé dans sa nature, le pouvoir civil est constitué et s’impose pour pourvoir le bien commun, but suprême qui donne son origine à la société humaine. L’autorité civile ne doit servir, sous aucun prétexte, à l’avantage d’un seul ou de quelques-uns, puisqu’elle a été constituée pour le bien commun ».914 L’analyste politique Roger Mehl a

repris l’idée de Pie XI et de Léon XIII quant à la conception fondamentale de la raison d’être de l’autorité politique. Cet auteur a vécu dans une société de conflits provoqués par la répartition inéquitable des biens, entraînant des inégalités d’achats ou de niveau de vie au sein de la société. Pour lutter contre les inégalités de revenus, il définit que l’autorité politique doit mettre au premier rang la recherche du bien commun par le partage équitable des biens de la création.915 Après Léon XIII, Pie XI rappelle que le fondement de l’autorité politique n’est autre que le service du bien commun. Ce bien commun doit, en vertu de la dignité de la personne humaine, être recherché, aimé et servi par tous les citoyens et surtout par l’autorité politique. Le rôle de l’autorité politique ne se limite pas tout simplement au niveau de la garde de l’ordre social et du droit. Elle veille aussi à ce que l’ensemble des lois et des constitutions

910 Cf. supra, Les comportements des politiciens et de l’autorité politique, p. 66. 911 Cf. supra, La socialité comme caractéristique naturelle de l’homme, p. 116. 912 Cf. J.-M. AUBERT, Vivre en chrétien au XXe siècle, op. cit., p. 175. 913 Gaudium et spes, n° 26, 1.

914 LEON XIII, Au milieu des sollicitudes, 16 février 1892, dans Mgr. GUERRY, Doctrine sociale de l’Eglise, op. cit.,

p. 116.

915 R. MEHL, La politique, dans L. BERNARD et F. REFOULÉ. Initiation à la pratique de la théologie, Vol. IV, Ethique,

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procurent une grande prospérité tant au niveau public que privé.916 Il revient donc à l’autorité

politique de laisser à chaque individu et à chaque famille le soin d’assumer en pleine liberté leur responsabilité en vue de leur subsistance, de leur épanouissement et de leur développement intégral, à condition que cette prise de responsabilité en faveur de leur vie ne porte pas atteinte au principe du bien commun et ne nuise à personne.

J.-Y. Calvez est tout à fait favorable à l’idée de Pie XII à propos du rôle de l’Etat en faveur du bien commun. En mettant l’accent sur la responsabilité de l’autorité politique, il dit que la mission principale de l’autorité politique consiste surtout à protéger et défendre les droits inviolables de la personne humaine et à faire en sorte que chacun puisse s’acquitter facilement de sa fonction particulière. Le gouvernement joue un rôle de « facilitateur ». Car la prise en charge de chaque citoyen dans l’accomplissement de ses devoirs se réalise à travers la reconnaissance et le respect des droits mutuels.917 De même Jean XXIII rejoint l’idée de Pie XII. Dans son encyclique Pacem in terris, il précise bien que la fonction gouvernementale n'a de sens qu'en vue du bien commun. Toutes les dispositions prises par ses titulaires doivent respecter la véritable nature de ce bien.918 Et tous les membres du corps social sont sollicités à travailler, chacun dans son domaine, au bien de tous. Donc, si le bien commun est défini comme l’ensemble des conditions qui permettent à la personne de s’humaniser toujours davantage919, Jean XXIII souligne qu’à cela s’ajoutent : économie, sécurité et justice qui sont, toujours à considérer comme un bien humain. Au premier rang de ces exigences, se situe le maintien de l’ordre public dans la justice et dans la paix, ce qui constitue la mission essentielle de l’Etat sans laquelle aucune société n’est viable. Il en ressort que la mission principale de l’autorité politique est de créer un climat favorable à l’épanouissement de la vie sociale de l’homme. Elle est donc nécessaire à la vie sociale.920

A son tour, Jean Paul II souligne que la gestion du bien commun constitue la préoccupation principale de l’Etat. Il martèle que le souci de l’Etat doit se focaliser sur son premier objectif qui est le bien commun de tous ses citoyens sans distinction, et non pas uniquement sur celui d’un groupe particulier ou d’une catégorie particulière. L’Etat doit être capable de mettre à l’index tout ce qui bafoue la liberté et les droits de la population, et de se garder de l’autoritarisme, de la corruption, de la domination et de l’exploitation des faibles, en empêchant les gens de participer activement à la vie politique et aux décisions politiques.921 Le pape va plus loin en rappelant que l’Etat a une fonction de suppléance dans les situations exceptionnelles.922 Cela signifie que l’Etat doit être toujours disposé à s’engager lorsqu’il s’agit du bien commun de tous. L’Etat participe, selon Jean XXIII, à l’autorité suprême de Dieu parce qu’il « n’est pas d’autorité qui ne vienne pas de Dieu ».923 Car nous savons bien

que nulle société n’a de consistance sans un chef924, autrement dit aucune société ne

916 PIE XI, Quadragesimo anno, n° 27, dans COLL., Le discours social de l’Eglise catholique, op. cit., p. 104. 917 Cf. J.-Y. CALVEZ et H. TINQ, L’Eglise pour la démocratie, op. cit. p. 44.

918 Cf. JEAN XXIII, Pacem in terris, nn° 54-55. 919 Cf. ibid., n° 65.

920 Cf. A. DESPAIGNE, Comprendre la doctrine sociale de l’Eglise, op. cit., p. 58.

921 Cf. JEAN PAUL II, Discours au Corps Diplomatique accrédité auprès du gouvernement Kenyan, 6 mai 1980, in

Documentation catholique 77 (1980) 1787, p. 527.

922 Cf. JEAN PAUL II, Centesimus annus, n° 48.

923 JEAN XXIII, Pacem in terris, n° 46, dans COLL. Le discours social de l’Eglise catholique, op. cit., p. 360. 924 Cf. ibid.

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fonctionne sans une autorité politique qui la dirige et la régit. Elle joue donc un rôle de premier rang au sein de la gestion et de l’administration de la vie de la société. D’où la confirmation par le Compendium de l’autorité politique comme garante : «…de la vie ordonnée et droite de la communauté, sans se substituer à la libre activité des individus et des groupes, mais en la disciplinant et en l'orientant, dans le respect et la tutelle de l'indépendance des sujets individuels et sociaux, vers la réalisation du bien commun ».925 Car l’autorité

politique a la charge majeure de sensibiliser et de mobiliser toutes les forces vives au sein de la société. Ces forces vives qui constituent le corps intermédiaire ne doivent agir que dans le seul but de réaliser l’intérêt commun de tous ou le bien commun. Le Pape François ajoute que le rôle de l’autorité politique ne se limite pas seulement à la gestion des affaires publiques, mais « elle doit assumer sa fonction d’instigateur, d’intégrateur, de responsable, de conseiller, de délégateur, et ne peut en aucune manière décliner la responsabilité qui lui revient par vocation : veiller au bien commun du peuple ».926

Pour conclure, laissons la parole à R. Minnerath, confirme que : «…la raison d’être de tout pouvoir constitué dans la société est de servir le bien commun ».927 Quand il définit le

bien commun, il s’agit de la question de la justice, de la paix et de la sécurité. Et l’Etat, en tant que première institution responsable réalisatrice du bien commun, est tenu à les sauvegarder comme telles. En plus il ajoute que la prise en charge de la protection de la communauté et des membres qui constituent le corps intermédiaire, dans le cadre des droits privés, et surtout en faveur des plus pauvres, des démunis et des indigents, incombe totalement à l’Etat.928 Le

rôle de l’Etat est d’être au service du développement intégral de la personne humaine et du bien commun. Sur ce point, la doctrine sociale de l’Eglise rappelle qu’il n’y a que l’homme qui est le fondement, la cause, la fin de toutes les institutions sociales. Il est, en tant qu’ « être social par nature et élevé à un ordre de réalités qui transcendent la nature »929, car il tire son origine de la loi divine. D’où la présentation du rôle de l’autorité politique comme sauvegarde de la morale au service de la société.

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