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CHAPITRE VI : LE RESPECT DE CERTAINES VALEURS SOCIALES AU PROFIT DU BIEN COMMUN

6.4 Le rapport entre l’Eglise et l’Etat : autonomie et coopération

6.4.1 Le respect de l’autonomie de l’Église par rapport à la politique

L’Église et le gouvernement politique d’un pays ont des attributions et des responsabilités différentes en raison même de leur mission propre. Le principe de la séparation des pouvoirs, temporel et spirituel, vient directement de l’Evangile où se lit le célèbre aphorisme « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu »1049 (Lc 20,

20-26 ; voir également Mc12, 13-17 et Mt 22, 15-22). Ce principe ne peut être oublié ou renié. L’autonomie et l’indépendance de ces deux entités ne font aucun doute dans l’ordre des fins. P. Valadier, pour confirmer cette autonomie de l’Eglise par rapport à celle de la société politique, reprend l’idée de Maritain en écrivant : « L’Eglise est le royaume spirituel de la

1041 Cf. G. MATAGRIN, Politique, Eglise et foi, op. cit., p. 177.

1042 V. GAY-CROSIER-LEMAIRE, Plongés dans l’enseignement social de l’Eglise, op. cit., p. 168. 1043 Cf. supra, Le problème de la politique d’ingérence entre Etat-Eglises, p. 61.

1044 Cf. supra, Le non-respect de la laïcité de l’Etat, p. 63. 1045 Cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, n° 425.

1046 Cf. R. MINNERATH, Pour une éthique sociale universelle, op. cit., p. 91.

1047 Cf. R. MINNERATH, L’Eglise catholique face aux Etats. Deux siècles de pratique concordataire 1801-2010, Cerf, Paris,

2012, p. 215.

1048 Cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, n° 425.

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Vérité, de la Vérité révélée par Dieu pour le salut des hommes, et elle a mission divine d’enseigner la Vérité. Elle a donc droit sur les âmes et les consciences ».1050 Ce principe, aux

yeux de Maritain, est un premier principe immuable. L’Etat doit respecter cette mission de l’Eglise et l’Eglise elle-même.1051

A l’inverse, l’Etat n’a aucune mission d’ordre spirituel et nulle compétence pour enseigner la vérité. C’est pourquoi son pouvoir est uniquement temporel et donc ces deux entités, au niveau du gouvernement, sont autonomes et indépendantes. P. Coulet, dans son livre intitulé L’Eglise et le pouvoir politique, explique que le pouvoir politique est institué pour assurer l’ordre au sein des sociétés humaines et pourvoir à leur bien-être temporel. L’Etat a en plus le devoir de respecter la liberté religieuse et de garantir à l’Église l’espace nécessaire à sa mission. Il s’ensuit avec plus de limpidité que le pouvoir spirituel est institué afin «… d’enseigner les nations, les baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, d’assurer le salut éternel des âmes, d’instruire les hommes des grandes vérités de la foi et des devoirs de la morale, de les initier à ce commencement de vie divine, de les aider, de les soutenir au milieu des difficultés de la vie présente, de leur distribuer avec le sacrement, les secours indispensables de Dieu, de les acheminer enfin vers leur éternelle destinée ».1052

L’Église se place au service du royaume de Dieu en annonçant et en communiquant l’Évangile et en édifiant de nouvelles communautés chrétiennes. Elle répand le Royaume quand elle ensemence dans le monde les valeurs évangéliques qui sont l’expression du Royaume. Elle aide par-là les hommes à accueillir le projet de Dieu. Certes « …l’Église ne prend pas en charge la vie en société sous tous ses aspects mais juste selon sa compétence, qui est l’annonce du Christ Rédempteur ».1053 La mission propre que le Christ a confiée à son

Église n’est ni d’ordre politique, ni d’ordre économique ou social, mais d’ordre religieux et pastoral. La doctrine sociale enseignée par l’Eglise «…n’entre pas dans des questions techniques et ne propose pas des systèmes ou des programmes économiques et politiques ou même des modèles d’organisation sociale ».1054 Ceci ne relève pas de sa mission, sa

compétence est d’annoncer et de communiquer l’Évangile de Jésus Christ.

L’Église, en vertu de la mission que le Christ lui a confiée, s’impose de respecter toujours et partout la distinction entre le spirituel et le temporel. Elle estime que son devoir est de rester réservé quant aux formes de gouvernement et d’institutions civiles des États. Elle approuve tous ceux qui respectent la liberté religieuse quel que soit le système politique. Le Pape Léon XIII souligne : « Non pas que l’Église ne reconnaisse à ses fidèles le droit d’avoir personnellement leurs préférences politiques et de chercher à les faire valoir, mais parce qu’elle entend que dans cette action politique ne soit pas impliquée ni compromise la religion elle-même et l’Église ».1055 Cependant cette indépendance de l’Église par rapport à la communauté politique au niveau du gouvernement et de la mission ne signifie pas que

1050 P. VALADIER, Maritain à contre-temps. Pour une démocratie vivante, Desclée de Brouwer, Paris, 2007, p. 117. 1051 Cf. ibid., p. 129.

1052 R.-P. COULET, L’Eglise et le problème politique, op. cit., p.19. 1053 Cf. Catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 2420.

1054 Cf. JEAN. PAUL II, Sollicitudo rei socialis, n° 41, dans COLL., Le discours social de l’Eglise catholique, op. cit., p.

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l’Église ne peut pas travailler avec le pouvoir politique. Puisque l’Église, en tant qu’institution sociale, se situe au sein de la société et non pas en dehors, elle se doit de travailler avec le pouvoir politique.

Le concile parle du terrain qui est propre aux deux entités. Cela suppose qu’il y a des domaines communs aux deux et des domaines où chacune respecte l’autonomie de l’autre. En parlant de l’autonomie et de l’indépendance vis-à-vis de l’Etat, l’Église n’entend nullement séparation absolue. Leurs sphères ne sont pas sur deux lignes parallèles qui ne se croiseraient jamais. En réalité, l’Église et la communauté politique se rencontrent en l’homme.1056

Comment envisager cette saine collaboration ou coopération? Quel peut être leur point de confluence si ce n’est le bien commun de tous ?

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