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CHAPITRE IV : LES FONDEMENTS ÉTHIQUES DU BIEN COMMUN Introduction

5.4 Le principe de participation vis-à-vis du bien commun

A Madagascar, le manque de la prise responsabilité de tous les membres du corps social est l’une des causes majeures de la non-réalisation du bien commun. Les gouvernements qui ont dirigé le pays durant les deux Républiques successives n’ont pas eu la volonté politique de sensibiliser les citoyens, les entreprises, les corps intermédiaires à participer activement à la mise en œuvre de la stratégie de développement. La raison en est simple. Nous avons parlé ci-dessus de la pratique de la centralisation des pouvoirs.858 Celle-ci ne donne pas du tout aux citoyens la possibilité de contribuer au développement du pays. Le

Compendium réaffirme que la participation est la conséquence de la mise en exercice du

principe de subsidiarité. Elle est un devoir que tous les citoyens exercent consciemment, d’une manière libre et responsable et en vue du bien commun.859 Il n’y pas de développement

possible dans un pays donné sans la prise de responsabilité de tous. 5.4.1 La participation comme garante de la démocratie

Le principe de participation est un principe qui permet à chaque citoyen de participer à la réalisation du bien commun. La participation concerne donc tous les domaines de la vie sociale. Elle suppose qu’à tous les niveaux de l’organisation sociale, chaque personne, en fonction de ses capacités et de ses compétences, participe effectivement aux décisions qui

854 Cf. P. de CHARENTENAY, Vers la justice de l’Evangile, op. cit., p. 96.

855 Cf. I. BERTEN, A. BUEKENS et L. MARTINEZ, Enterrée, la doctrine sociale ?, op. cit., p. 31.

856 U. ARTHUR, Ethique sociale. T. I, les principes de la doctrine sociale, Ed. Universitaires, Fribourg, op. cit., p. 157. 857 Cf. I. BERTEN, A. BUEKENS et L. MARTINEZ, Enterrée, la doctrine sociale ?, op. cit., p. 32.

858 Cf. supra, La pratique de centralisation des pouvoirs, p. 59. 859 Cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, n° 189.

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l’affectent et contribue pour sa part à l’essor de la vie économique, culturelle et politique.860

La participation découle de la dignité même de la personne humaine et de sa nature sociale : « Nul ne peut être exclu de la participation au bien commun ».861 La participation est un principe selon lequel on peut gouverner les entreprises, la société civile et la société politique.862 Voilà pourquoi elle est considérée comme garante de la démocratie.

Par définition, la démocratie est un régime politique dans lequel le peuple est souverain. J.-Y Calvez définit la démocratie comme «…le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, le refus de l’exercice autoritaire ou totalitaire du pouvoir politique, le souci des libertés et des droits de l’homme et l’ouverture au pluralisme ».863 Dans le système

démocratique, c’est le peuple lui-même qui se présente comme gouvernant et gouverné. Il y a donc une sorte de participation directe du peuple.

Démocratie et participation : ce sont deux réalités indissociables et complémentaires. Selon la doctrine sociale de l’Eglise, la participation est l’un des éléments majeurs et indispensables pour la démocratie. Par le biais de la participation, le peuple est considéré comme citoyen responsable, c’est-à-dire citoyen qui est à la fois appelé et disposé à exercer, avec enthousiasme et volonté libre, son rôle de citoyen engagé dans la société en vue du bien commun. La participation n’est donc pas seulement, pour le citoyen, une aspiration profonde à la contribution dynamique de sa vie en société, mais c'est un droit inhérent à sa dignité de personne.864 Elle est l’un des piliers de toutes les institutions démocratiques ainsi qu’une des meilleures garanties de durée de la démocratie. Elle est, dit Calvez, la personnalisation, toujours croissante, de la vie politique et de la démocratie.865 Car la communauté politique s’accomplit, progresse et s’enrichit de l’expression de toutes les libertés et de l’engagement de toutes les volontés, quand elle favorise la participation.866 Et J.-Y. Calvez de terminer sa réflexion en disant : « L’épanouissement de l’existence politique est dans la participation : quand la reconnaissance politique fondamentale se déploie et se réfracte en une multitude d’occasions de reconnaissance plus concrètes et de contributions à l’obtention du bien commun ».867

Il est évident que toute démocratie doit être participative pour qu’elle devienne vraiment un gouvernement exercé au nom, pour le compte et en faveur du peuple. La démocratie en tant que participative a pour objet de mettre au premier plan le bien-être du peuple, en tant que peuple souverain et propriétaire du pouvoir. Mais la participation requiert une œuvre d’information et d’éducation,868 afin de pouvoir se garder de toutes formes de

comportements qui incitent le citoyen à ne pas participer activement à tout ce qui concerne la vie sociale et politique. C’est la forme de participation insuffisante ou incorrecte du citoyen

860 Cf. J. THORAVAL, Pensée et action sociales de l’Eglise, op. cit., p. 241. 861 R. MINNERATH, Pour une éthique sociale universelle, op. cit., p. 41. 862 Ibid., p. 41.

863 J.-Y. CALVEZ et H. TINCQ, L’Eglise pour la démocratie, op. cit., p. 16. 864 Cf. JEAN XXIII, Pacem in terris, n° 73.

865 Cf. J.-Y. CALVEZ, La politique et Dieu, Cerf, Paris, 1985, p. 80. 866 Cf. ibid., p. 80.

867 Ibid., p. 79.

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dans la démocratie, voire dans sa vie sociale, qui suscite une grande inquiétude869 dans le

domaine de la transparence. C’est la raison pour laquelle la participation active, et même enthousiaste du citoyen dans la pratique démocratique, est foncièrement nécessaire et indispensable en vue du bien commun.

5.4.2 La participation comme devoir

La participation est une nécessité pour la démocratie, elle exige de tout membre qu’il participe à son édification. Cependant, il faudrait reconnaître que la participation à la démocratie n’est pas une simple participation à la vie communautaire ou à la vie de la société, c’est-à-dire une participation passive, mais une participation active et obligatoire de chaque citoyen.870 « La démocratie, ajoute Minnerath, suppose l’existence d’un peuple, des citoyens responsables de poser des actes libres en vue du bien commun ».871 Il y a toujours un devoir

qui nous attend, en tant que citoyens responsables, au sein même de notre société. Les objectifs fondamentaux ne sont autres que la concrétisation du bien commun, surtout en faveur des plus défavorisés. Car la pauvreté gagne du terrain aujourd’hui. Elle touche de plus en plus de la majorité de la population et inclut de plus en plus de domaines872, comme le confirme Jean Paul II : « …des affamés, des mendiants, des sans-abri des personnes sans assistance médicale, sans espérance d’un avenir meilleur ».873 Elle concerne également, ajoute

le pape, ceux qui sont privés « …des droits fondamentaux, en particulier du droit à la liberté religieuse, et, par ailleurs, du droit à l’initiative économique ».874 Dans cette perspective,

Véronique Gay-Crosier-Lemaire affirme : « Les réalisations humaines les plus significatives se perçoivent dans la prise en charge, des démunis, de leurs besoins, intérêts, droits et devoirs ».875 Aimer les pauvres signifie avant tout les respecter et reconnaître leur dignité. Car, la dignité fondamentale de l’être humain éclate en eux d’autant plus qu’ils sont dépourvus de leurs dignités secondaires.876 L’option préférentielle pour les pauvres est donc une forme spéciale de priorité dans la pratique de la charité chrétienne.877 C’est pour cette raison que Jean Paul II appelle les responsables politiques et les organisations internationales pour que leurs programmes politiques, économiques et sociaux soient au profit des plus pauvres.878 Travailler pour les pauvres est un devoir de chacun vis-à-vis du bien commun.

Parler de devoir ici, c’est assumer la responsabilité de participer, non pas seulement dans la sphère personnelle ou individuelle, mais surtout dans la sphère des intérêts généraux de tout l’homme et de tous les hommes. Il importe de prendre la participation au sérieux car elle contribue à la concrétisation de la démocratie.879 Et du même coup, elle atteint son objectif fondamental qui n’est autre que le bien de l’homme. Cet objectif, le citoyen l’exerce par le contrôle de l’autorité politique, même en critiquant les abus possibles. Comme le disait

869 Cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, n° 191.

870 Cf. R. MINNERATH, Pour une éthique sociale universelle, op. cit., p. 100. 871 Ibid., p. 102.

872 Cf. V. GAY-CROSIER-LEMAIRE, Plongés dans l’enseignement social de l’Eglise, op. cit., p. 223. 873 JEAN PAUL II, Sollicitudo rei socialis, n° 42, dans COLL., Les encycliques de Jean Paul II, op. cit., p. 384. 874 Ibid., dans COLL., Les encycliques de Jean Paul II, op. cit., p. 385.

875 Cf. V. GAY-CROSIER-LEMAIRE, Plongés dans l’enseignement social de l’Eglise, op. cit., p. 151.

876 Cf. R. CANTALAMESSA, Amoureux du Christ. Le secret de François d’Assise, Edition francophone, Editions des

Béatitudes, Paris, 2014, pp. 76-77.

877 Cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, n° 182.

878 JEAN PAUL II, Sollicitudo rei socialis, n° 43, dans COLL., Les encycliques de Jean Paul II, op. cit., p. 385. 879 Cf. P. MAHEY, Pour une culture de la participation, Adels, Paris, 2005, p. 63.

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Jean Paul II, dans la démocratie, il faut se garder de l’abus de la procédure majoritaire. Car celle-ci peut, dit-il, aller à l’encontre de la participation de tous : « La majorité d’un corps social ne peut s’arroger l’exercice d’un pouvoir absolu en se dressant contre la minorité pour la marginaliser, l’opprimer, l’exploiter, ou tenter de l’anéantir ».880

Ces principes dont nous avons parlé jouent un rôle substantiel dans le processus de la réalisation du bien commun. Ils sont tous indispensables au service du bien commun. Cependant, pour pouvoir mettre en œuvre ces principes, affirme Thoraval, il faut des valeurs de référence.881

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