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CHAPITRE III : LES VIOLATIONS DES PRINCIPES DE L’ETHIQUE POLITIQUE Introduction

3.5 Les impacts négatifs des violations des principes de l’éthique politique

5.3.4 Sur le plan environnemental : destruction de l’environnement

Les potentialités en matière environnementale forestière et autres richesses naturelles sont réelles à Madagascar.607 Or cette dernière décennie, il fut constaté que la dégradation de

l’environnement a rapidement progressé à cause de multiples facteurs.

601 G. RAHARIZATOVO, Madagascar 2002. Genèse et Silence d’une crise, op. cit., p. 273. 602 Cf. P. RAJERIARISON et S. URFER, Madagascar, op. cit., p. 63.

603 Cf. S. RAHARINJANAHARY, Religiosité et laïcité dans l’affichage des citations bibliques, op. cit., p. 244. 604 Ibid.

605 Cf. C.-R. RATONGAVAO, Eglise et pouvoir à Madagascar, op. cit., p. 45. 606 Cf. ibid., p.46.

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Parmi les sources de dégradation, il faut préciser que les feux de brousse jouent un rôle très important, tout en sachant que certains de ces feux sont involontaires et d’autres intentionnels. La première cause est la foudre. Celle-ci est très inquiétante pendant la saison des pluies, elle peut incendier une forêt. La deuxième cause a des origines politiques, c’est-à- dire certaines personnes manifestent leur mécontentement envers les dirigeants en allumant des feux de brousse. Il y a aussi la pratique traditionnelle des Tavy.608 Les paysans défrichent

et brûlent une parcelle de forêt et y cultivent du riz ou du manioc. Quand le sol s’appauvrit les paysans le laissent se reposer et s’attaquent à d’autres parcelles. Cette pratique détruit chaque année 150 000 à 200 000 hectares de forêts.609

Les principales causes de la déforestation sont l’exploitation irrationnelle et abusive de la forêt en tant que matière première, dans le sens que la forêt constitue la principale source de bois d’œuvre pour la menuiserie et pour les matériaux de construction, pour le bois de chauffage et à charbon. Et d’après l’enquête menée par Global Witness, les troubles politiques et l’atmosphère d’instabilité politique ont aggravé l’accroissement de l’exploitation irrationnelle et abusive des bois précieux. Cet accroissement est causé par l’affaiblissement de l’autorité d’Etat, déjà inefficace en termes d’application de la loi forestière et de réforme du secteur forestier.610 Le constat en est simple. L’Arrêté interministériel interdisant

l’extraction et l’exportation de bois de toutes les catégories naturelles non transformées ou sous forme semi-finie611 n’empêche pas d’accroître l’abattage clandestin de bois précieux à exporter. L’enquête menée par Global Witness le confirme : « La crise politique récente, en 2009, a encore aggravé la situation en perturbant la hiérarchie de contrôle du secteur forestier. Le gouvernement national, dit-il, à court d’argent du fait d’une suspension de l’aide internationale, a restreint les salaires déjà bas de beaucoup de fonctionnaires, tandis que la rentabilité du commerce illégal de bois précieux a de plus en plus permis aux négociants en bois de recourir à la corruption et à la contrainte par la violence pour saper l’application de la loi forestière ».612

A Madagascar, en raison des crises politiques successives, depuis 2002, l’exploitation irrationnelle et abusive de bois précieux de toutes les catégories ne cesse de croître. Faute d’application de la loi sur l’exploitation forestière, l’exploitation illicite perdure et engendre des retombées négatives sur l’environnement. Devant cette situation déplorable pour l’avenir, l’Eglise catholique ne peut se dérober à son devoir d’alerter, pour le bien des générations

608 Les Tavy sont une pratique traditionnelle de défrichement à Madagascar. Ils ont pour objectif de défricher la forêt afin

d’obtenir des nouvelles terres pour l’agriculture et l’élevage.

609 Cf. T. RATSIMANDRESY, Les dégradation de l’environnement à Madagascar, 24 juin 2010. Disponible sur :

http/www.tolotralemurclub.wordprese.com/2010/06/24/les-dégradation-de-lenvironnement-a-madagascar. Consulté, 14 avril 2014.

610 Cf. Rapport d’enquête de Global Witness, Environmental Investigation Agency, (Etats-Unis). En coopération avec

l’Observatoire national de l’environnement et du secteur forestier malgache et de l’Administration forestière malgache, sur l’exploitation, le transport et l’exportation illicite de bois précieux dans la région Sava à Madagascar, août 2009, p. 2. Disponible sur : http/www.globalwitness.org/sitesdefault/files/import/madag-report-revised-finalfr.pdf. Consulté, 13 mai 2013.

611 Cf. L’Arrêté interministériel portant le n° 10885/2007 : Interdire l’extraction et l’exploitation de bois de toutes les

catégories.

612 Rapport d’enquête déjà cité de Global Witness, août 2009, p. 5. Disponible sur :

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futures, sur les nuisances irréparables de tels agissements.613 C’est dans le dernier chapitre de

la troisième partie de ce travail que sera analysé le rôle attendu de l’Eglise catholique pour la protection de l’environnement.

Conclusion

Les violations des principes de l’éthique politique qui ont eu cours à Madagascar lors de ces dernières décennies, depuis la deuxième République jusqu’à la troisième (1975-2009), laissent le pays dans une situation très critique. Les dirigeants successifs n’ont pas su redresser l’économie et faire sortir le pays de l’impasse de la pauvreté. Ils n’ont jamais donné la priorité à l’intérêt commun de la Nation. Leur premier but a été de chercher tout d’abord leurs intérêts personnels et ceux de leurs proches. Ils n’ont pas su ou pas voulu mettre en œuvre une saine gestion de la démocratie, de la laïcité de l’État, de l’État de droit, des droits humains, de la destination universelle des biens et de la justice sociale.

En conséquence, Madagascar, au vu de ces agissements, reste parmi les pays les plus démunis du monde. Les richesses abondantes du pays deviennent l’apanage d’une minorité de la population (les dirigeants et leurs proches, les trafiquants et les corrupteurs, etc…) tandis que la majorité de la population (ceux qui sont déjà en marge de la société) devient de plus en plus pauvre. L’Église est la seule institution sociale capable de dénoncer et de critiquer ces comportements accapareurs. Elle est en train de perdre sa crédibilité en se compromettant avec le pouvoir alors que le respect du principe de la laïcité devrait lui garantir une parole libre au profit de l’ensemble du peuple. Il importe de rétablir clairement la distinction des sphères autonomes entre Églises et État. Le mépris du respect des responsabilités séparées entre les deux institutions Eglise/Etat ont ouvert la porte à l’ingérence de l’Etat au détriment de l’Eglise. Cette politique d’ingérence a des répercussions sur la réalisation du bien commun car l’Église n’est plus libre de réaliser correctement ses fonctions.

613 Cf. Synode des évêques pour l’Afrique, La protection de l’environnement et la réconciliation avec la création,

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Conclusion de la première partie

Depuis l’indépendance, il y a cinquante ans, Madagascar n’a pas réussi à sortir de la pauvreté, faute d’une volonté politique affirmée de favoriser en priorité le bien commun. Il est indéniable que Madagascar possède tous les atouts nécessaires pour démarrer son développement économique, non seulement grâce aux richesses naturelles qu’il possède mais surtout grâce aux valeurs traditionnelles et culturelles héritées de ses Ancêtres. A vrai dire, la colonisation française a laissé un mauvais souvenir pour la majorité de la population actuelle. Elle a aussi altéré les valeurs ancestrales par un relâchement moral, donnant la priorité à l’égoïsme individuel. Des dirigeants successifs de notre pays se sont conduits en fonction d’un certain individualisme narcissique, réglant leur agir sur le mot d’ordre « diviser pour régner ». La plupart des dirigeants des deux dernières Républiques (de Ratsiraka à

Ravalomanana 1975-2009), sans parler de la première, ont réglé leur conduite sur le modèle

de la colonisation : esprit individualiste qui ne se soucie que de l’intérêt personnel, oubliant le bien commun.

Par ailleurs, la plupart des dirigeants malgaches n’ont pas été préparés614 à la déontologie gouvernementale. Tous ceux qui se prétendaient politiciens ont été propulsés par leur soif du pouvoir, leur fierté locale, familiale, ethnique voire tribale. Tout au long de ce dernier quart de siècle, des élus ont utilisé le pays pour s’octroyer des prises illégales d’intérêts. Ils s’occupaient de leur périmètre électoral sans compétence avérée.615

Ceux qui leur ont succédé depuis n’ont montré ni pragmatisme politique ni signes probants d’évolution. La problématique identitaire reste la même : perpétuer les anciennes pratiques sans rupture avec le passé, ne proposer aucun plan de relance économique. Pour ce qui est la classe politique politicienne, rien ne démontre qu’elle dispose d’une réelle capacité intellectuelle à diriger le pays. La Constitution, le devoir de compétence, la justice sociale : voilà les sujets la plupart du temps mis en veille. Il s’agit d’abord de se cramponner au fauteuil présidentiel ou ministériel. Chaque postulant cherche à poser ses pions : où sont le respect de la démocratie et de la laïcité, la répartition équitable des biens, la bonne gouvernance, l’intérêt majeur du peuple ?

Une fois arrivé au pouvoir, chacun pilote son ministère au prorata de ses complaisances: il s’interroge par quel bout commencer, il sait d’où il vient, mais ne sait pas où il va ; par contre il ne perd pas le nord quand il s’agit de trouver les avantages afférents. Certes, des groupes de réflexion, des séminaires, des stages voient le jour ici et là; des essais par-ci, des tâtonnements par-là, comme faire appel aux conseillers étrangers, mais dotés d’une totale liberté, faire croire aux électeurs qu’ils exercent consciencieusement leurs attributions et tant d’autres astuces et mascarades.

Les dirigeants n’ont pratiquement acquis ni culture de l’excellence ni culture du développement personnel. Leur vision de l’avenir se limite aux fonds de leurs poches, de leurs comptes en banque. La plupart sont des orateurs médiocres dépourvus d'actions rationnelles. Pourquoi après soixante ans de colonisation, cinquante ans d’indépendance et trois Républiques successives, Madagascar n’en est-qu’à ce stade d’instabilité politique ? La question se pose toujours : Que réserve l’avenir aux générations futures? Au vu et au su de ce

614 Cf. J.-E. RAKOTOARISOA, L’opposition à Madagascar, op. cit., p. 126. 615 Cf. S. URFER,

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qui se trame actuellement, rien de bon n’est à présager pour le peuple. Les gouvernants de ce dernier quart du siècle n’ont pratiquement préparé aucun parcours de bien-être social, aucune éducation de base adéquate, aucun enseignement civique. Pour les classes populaires, l’avenir se présente sous un horizon bien sombre; la seule issue probable serait de vivre au jour le jour, de pratiquer le système scout : savoir se débrouiller. Tout cela résulte de l’inconscience de nos gouvernants. Leur profession de foi se résume en trois points : impressionner, intimider et jeter le peuple dans la confusion.

Ainsi va la carrière politique de nos différents dirigeants, ils n’ont jamais appris à gouverner la Nation, ils n’ont aucune formation préalable, ils ignorent ce qu’est le laboratoire politique. Naviguer à vue est leur méthode quotidienne. Pour eux la pratique triomphe de la théorie, et c’est là leur plus grande carence. En conséquence, tout est bloqué. Rien n’est réalisé. Le bien commun qui est le fondement même du pouvoir est toujours remis à plus tard, pour ne pas dire, rejeté du programme. Cela s’est vu à travers la violation incessante de la démocratie, des droits de l’homme, de la répartition équitable des biens, de la laïcité de l’État, de la liberté d’expression.616 En un mot, c’est la violation permanente des principes de

l’éthique politique.

L’Église en tant qu’institution sociale autonome et indépendante est la seule crédible pour dénoncer, critiquer et donner des conseils617. En tant qu'institution considérée comme

Ray aman-dReny (parents), elle n’a pas pu exercer comme il faut son rôle à cause du non-

respect de la laïcité, qui aboutit à l’ingérence mutuelle, surtout de la part de l’État. Il n’y a donc plus ni organe institutionnel étatique ni non-étatique qui se présente comme une balise pour éviter le dérapage politique de l’État ou des gouvernants. Résultat : tous les dirigeants ont fait ce qu’ils ont voulu. En principe, ils n’ont visé que leur intérêt personnel et celui de leurs proches. La pratique politique n’était que celle de la politique politicienne, d’où bien commun manqué et population paupérisée.

Face à ces problèmes fondamentaux, facteurs principaux de la non-réalisation du bien commun, de la pauvreté profonde de la majorité de la population et de la confusion au niveau de la prise de responsabilité politique entre État-Église, il faudrait des principes clairs et nets pour combattre ces maux. Le principe qui incontestablement s’impose est celui de l’éthique du bien commun selon le Compendium de la doctrine sociale de l’Église. Il règle et régit l’essence et la nature même du rapport entre Église-État. Il identifie à la fois les principes nécessaires et la distinction de la responsabilité entre Église-État en vue de la réalisation du bien commun. Nous tâcherons de présenter ce principe dans l’étape suivante de notre travail.

616 Cf. ibid., p. 127.

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