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CHAPITRE II : LES DEUX RÉPUBLIQUES FACE A LA RÉALISATION DU BIEN COMMUN (1975-2009)

2.1 La deuxième République : Le gouvernement de Ratsiraka (1975-1993)

2.1.3 Le contexte international

L’histoire contemporaine de Madagascar ne peut s’écrire sans qu’elle soit replacée dans le contexte de l'histoire internationale. C’est dans ce contexte que s’éclaire l’impact des choix du régime de Ratsiraka. Les années 1980 sur le plan international se caractérisent par, d’une part, un excédent pétrolier238 des pays développés et leur répercussion sur les pays sous-

développés et, d’autre part, par un investissement à outrance jusqu’à l’imposition du Programme d’ajustement structurel. C’est une période qui voit se développer les solutions politiques, sociales, économiques, promues par l’idéologie marxiste qui vont avoir la préférence du président Didier Ratsiraka.

L’excédent pétrolier pousse les pays développés à une nouvelle forme de relation politico-économique avec les pays sous-développés par un « investissement à outrance ».239 L’objectif est la délocalisation vers les pays sous-développés des industries obsolètes des pays développés, et un transfert massif de ressources propres des pays sous-développés pour relancer la croissance mondiale. C’est la condition financière d’un redémarrage de l’activité dans les pays développés. Cette politique d’investissements à outrance a pour conséquence l’augmentation considérable des dettes des pays sous-développés.

En 1975, Madagascar entame une nouvelle ère de son histoire moderne avec la mise en place du régime socialiste que prône son dirigeant, Didier Ratsiraka. Le pays connaît deux phases de développement économique de 1975 à 1980. La malgachisation du socialisme240, conséquence inéluctable des mouvements de révolte populaire de 1972, aboutit rapidement à une nationalisation massive et à une étatisation presque complète de l'économie.241 Mais cette politique volontariste n'a pas permis le décollage économique tant attendu. Au contraire, elle se solde par un énorme retard, notamment en termes d'investissements et l'économie est entrée dans une phase de stagnation. De 1978 à 1980, l'État tente de rattraper ce retard en mettant en œuvre une politique d'« investissements à outrance », consistant à investir dans tous les domaines. La démesure des projets, dictée par un mimétisme envers la technologie des pays développés a rapidement abouti à un endettement sans précédent du pays.242 Prenons un exemple : de 315 millions DTS en 1978, le montant de l’endettement s’est élevé à 1.460 millions DTS en 1982, soit 51% du PIB. D’après la Banque Mondiale, en 1989, l’endettement extérieur s’élevait à 3.607 millions de dollars, soit 779,8% du montant de nos exportations ou 154% du PIB.243 En fait, cette politique d’investissements à outrance a été menée au moment où les pays industrialisés ont connu la stagnation, ce qui avait pour conséquences le ralentissement de la demande de nos produits d’exportation et la hausse du prix des produits importés. Donc, au début des années 1980, le pays s’est trouvé en état de cessation de

238 Cf. R. ANDRIAMBELOMIADANA, Libéralisme et développement à Madagascar, op. cit., p. 86.

239 Cf. M. RAMAHOLIMIHASO, Qui montre le droit chemin communique la vie, Foi & Justice, Antananarivo, 1995,

p. 83.

240 Cf. R. RALIBERA, Souvenirs et témoignages malgaches, de la colonisation à la IIIème République, Coll. « Foi &

Justice », Ambozotany, Antananarivo, 2007, pp. 165-166.

241 Fin 1976, l’Etat malgache contrôle 61% de l’économie dont 100% des assurances, banques, eau, électricité, 33% des

industries, assure 78% des exportations, 60% des importations et contrôle 70% du commerce international. Cf. B. GARDNER, Politiques de développement, mémoires IEP, Aix-Marseille, 1997, p. 89 ; cf. aussi R. RABETAFIKA, Réforme

fiscale et Révolution socialiste à Madagascar, Coll., « Repères pour Madagascar et l’Océan Indien », L’Harmattan, Paris,

1990, p. 122.

242 Cf. M. RAMAHOLIMIHASO, Qui montre le droit chemin communique la vie, op. cit., p. 84. 243 Cf. R. ANDRIAMBELOMIADANA, Libéralisme et développement à Madagascar, op. cit., p. 87.

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paiement. Par conséquent, sous le poids des contraintes financières et avec la pression des institutions internationales, le régime autocentré et socialiste de Ratsiraka a dû s'accommoder, en 1981, d'une économie plus libérale, réintroduire les règles du marché et favoriser le développement du secteur privé.244

Cette réorientation s'inscrivait dans le cadre du Programme d'Ajustement Structurel (PAS).245 Il faut préciser que le Programme d’Ajustement Structurel est un processus

permettant aux pays bénéficiaires de recevoir des aides de la part des bailleurs de fonds, qu’il s'agisse de facilités financières comme l'allègement ou le rééchelonnement de la dette246 ou encore le financement de projets de développement ou d'assistance technique et de conseil dans la réalisation de politiques prioritaires pour le pays. Les pays bénéficiaires sont obligés de fournir des efforts draconiens faisant partie des conditions exigées pour le déblocage de crédits octroyés247, conditionnalités qui, il faut le dire, sont assez mal ressenties et surtout incomprises par la population. Madagascar a signé son premier accord avec le FMI en 1979 et les réformes qui ont suivi concernent plusieurs domaines. Malgré les objectifs visés par le Programme d’Ajustement Structurel en faveur de l’économie du pays, ses conséquences étaient néfastes puisqu’il suscitait la dégradation du niveau de vie de la population en général, l’insuffisance de l’emploi et l’augmentation du chômage, les perturbations des activités économiques dues à l’insuffisance de la capacité d’importation, la baisse de production depuis 1980, avec une régression de 1,4% par an pour le secteur tertiaire, et une augmentation moyenne de 2% par an pour l’agriculture.248

A partir de 1996, après le passage difficile de 1991 à 1996249, le pays s'est lancé dans une libéralisation effrénée de l'économie en vue de son ouverture au monde. Mais si le taux de croissance est ainsi remonté de 1997 à 2001, la pauvreté n'est pas pour autant en voie d'être éradiquée, tant s'en faut. Dans le domaine sociopolitique, vers les années 1980, le socialisme, le marxisme et le communisme rayonnent dans une partie de l’Europe, surtout l’Europe de l’Est. Le socialisme est une doctrine qui veut lutter contre l’oppression sociale exercée par le capitalisme bourgeois.250 Celui-ci est issu de la société industrielle et commerciale. Karl Marx

a essayé de comprendre le mécanisme de son fonctionnement. Il écrit : « La bourgeoisie, d’après le Manifeste Communiste, est le produit d’une série d’événements économiques dont l’ampleur et la nouveauté font pressentir le caractère particulier du destin dévolu à cette

244 Cf. S. URFER, Le doux et l’amer. Madagascar au tournant du millénaire, op. cit., pp. 17-21.

245 Le Programme d’Ajustement Structurel est un programme négocié avec la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire

International dont l’objectif est le rétablissement des grands équilibres macroéconomiques et financiers et l’amélioration de manière durable du fonctionnement d’un secteur de l’économie ou de l’économie entière du pays. Elle résulte souvent d’une évolution spontanée des facteurs économique qui en ont dégradé la situation. Et quand on parle de ce programme, durant la deuxième République, sous la présidence de Ratsiraka, Madagascar a fait partie des pays bénéficiaires. Cf. ibid., p. 20.

246 Cf. M. RAMAHOLIMIHASO, Qui montre le droit chemin communique la vie, op. cit., p. 86.

247 Exemple de conditions posées : maîtrise de l’inflation, instauration de l’Etat de droit, introduction du système des changes

flottants et de la TVA, réduction des taxes d’importation, renforcement de la politique monétaire, contrôle du crédit au secteur publique et réduction du déficit budgétaire, réajustement des salaires la libéralisation des prix et du commerce extérieur, suppression du monopole de l’Etat dans le secteur financier, liquidation ou privatisation de certaines sociétés d’Etat, en particulier des usines implantées pendant la période d’investissement à outrance. Cf. R. ANDRIAMBELOMIADANA, Libéralisme et développement à Madagascar, op. cit., p. 106 ; cf. aussi M. RAMAHOLIMIHASO, Qui montre le droit chemin communique la vie, op. cit., p. 86.

248 Cf. ibid., p. 87.

249 Ratsiraka a été chassé du pouvoir en 1991 suite à des émeutes dans la capitale Antananarivo. Il fut remplacé par le

Président Albert Zafy, mais revint au pouvoir, par la voie des urnes, en 1996 pour un nouveau mandat.

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classe ».251 Les bourgeois se divisent en deux blocs distincts. D’une part, il y a des gens qui

s’occupent des industries et d’autre part, les commerçants qui assurent les échanges des différentes marchandises. La classe bourgeoise tient ainsi une place très importante dans la société allemande à l’époque de Karl Marx, en 1848. Les bourgeois sont des gens riches qui dominent la société tout entière. Leur objectif consiste à obtenir le gain commercial et le profit industriel grâce au capital.

La domination économique exercée par la bourgeoisie est très forte à travers lala recherche d’un maximum de profit par l’industrie et le commerce. D’autres classes à l’opposé existent : « Les classes moyennes, le petit industriel, le petit commerçant, l’artisan et le paysan, tous combattent la bourgeoisie pour s’assurer contre la destruction de leur existence en tant que classes moyennes ».252 Ces classes sociales revendiquent leurs droits. Elles

défendent leurs intérêts futurs. Par conséquent, tout est bouleversé : à partir du moment où cette défense des intérêts de la classe moyenne apparaît, elle change de tactique pour affirmer que la question économique ne peut être entièrement accaparée par les riches et placée sous le contrôle uniquement de la bourgeoisie.

La domination bourgeoise est progressive. C’est petit à petit qu’elle essaye de dominer politiquement la société : « La classe nouvelle ainsi apparue devient peu à peu classe dominante au point de vue politique. Mais cette domination diffère par son étendue de toute domination antérieure. Il y a toujours eu en effet une classe dominante, mais, dans les sociétés hiérarchiques et organiques du passé, la domination principale était compensée par le contrepoids, des statuts soigneusement fixés à l’avantage des autres portions de la société. Avec l’avènement de la bourgeoisie, la domination politique devient totale ».253

C’est à cause de cette domination profonde du capitalisme bourgeois qu’est né le socialisme. Mais sa définition, depuis son origine jusqu’à nos jours et surtout dans certains pays qui ont pris cette doctrine comme modèle de gouvernement, a varié et est liée à chaque auteur. Ce qu’il faut retenir, c'est que le socialisme comme doctrine répond à une conception de l’organisation sociale. Il est un regard sur le sort du plus grand nombre ; il est en quête de plus en plus de justice et d’égalité des chances, face aux inégalités. Il est un projet pour la satisfaction des besoins humains. A cet égard Rabemananjara cite Bertrand Russell : « Le socialisme signifie la propriété commune de la terre et du capital, sous une forme démocratique de gouvernement. Il implique la production dirigée en vue de l’usage et non le profit et la distribution des produits, sinon également à tous, tout au moins avec les seuls inégalités justifiées par l’intérêt public ».254 Les objectifs du socialisme se focalisent sur trois

points majeurs : propriété sociale des instruments de production, gestion démocratique des instruments de production, orientation de la production en vue de la satisfaction prioritaire des besoins humains. Pour atteindre ces objectifs, le socialisme souligne que l’État doit jouer un rôle à la fois omniprésent et omnipotent.255 De même le socialisme scientifique, à son tour, a

beaucoup insisté sur la responsabilité suprême de l’État en classant : « l’État, tout l’État, rien

251 J.-Y. CALVEZ, La pensée de Karl Marx, Seuil, Paris, 1956, p. 115. 252 Ibid., p. 115.

253 Ibid., p. 208.

254 R.-W. RABEMANANJARA, Géopolitique et problèmes de Madagascar, op. cit., p. 240. 255 Cf. ibid., p. 241.

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que l’État ».256 Cette vision du socialisme a été la motivation essentielle qui a poussé le

président Didier Ratsiraka à la mettre en œuvre sur le plan politique.

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