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CHAPITRE III : LES VIOLATIONS DES PRINCIPES DE L’ETHIQUE POLITIQUE Introduction

3.4 Le non-respect de la démocratie

3.4.2 La démocratie et l’élection

La Conférence épiscopale de Madagascar rappelle qu’il y a démocratie quand le peuple peut s’exprimer librement par vote à propos de telle ou telle orientation politique afin de réaliser le bien commun de la nation. Les élections libres permettent aux citoyens d’exprimer leur opinion sur les dirigeants politiques ou la politique qu’ils veulent appliquer.531

La démocratie est une voie appropriée pour promouvoir la recherche du bien commun car elle offre tous les atouts nécessaires. Elle constitue l’exercice du pouvoir par le peuple à travers ses représentants élus au suffrage universel direct ou indirect ou par voie référendaire. La consultation du peuple par élection ou par referendum constitue la manifestation fondamentale de l’exercice de la souveraineté du peuple.532

L’élection est donc un des éléments nécessaires pour une alternance démocratique. S’agissant d'élections, ces sont les codes électoraux qui fixent et définissent clairement l’organisation et la manière d’effectuer le décompte des voix pour l’attribution des sièges correspondants. Les citoyens jouissant d’un droit électoral actif ont le droit de voter et ceux qui jouissent d’un droit électoral passif ont le droit d’être élus. Dans la plupart des cas, l’ensemble de l’électorat jouit de ces deux types de droit, chaque citoyen a donc le droit de

527 Cf. R. DUBOIS, L’identité malgache, la tradition des Ancêtres, op. cit., p. 84.

528 R. ANDRIAMBELOMIADANA, Libéralisme et développement à Madagascar, op. cit., p. 18. 529 LE PETIT LAROUSSE ILLUSTRÉ, http/www. Editions-larousse.fr, Paris, 2012, p. 322.

530 Cf. J.-Y. CALVEZ et H. TINCQ, L’Eglise pour la démocratie, Centurion, Paris, 1992, pp. 15-16.

531 Cf. La lettre pastorale de la Conférence épiscopale de Madagascar, Démocratie, in ESM, Vol IV (1990-1995), p. 113. 532 Cf. Ordonnance n° 2010-003 portant Loi relative au Code électoral malgache.

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voter et d’être élu.533 Et nul droit ne l’empêche. Les élections démocratiques sont réputées

libres dès lors que les citoyens ont le droit de choisir entre plusieurs candidats ou partis qui peuvent se présenter sans aucune restriction. Ils doivent également être libres de décider s’ils veulent jouir de leur droit de vote ou s’ils préfèrent s’abstenir. Car cela fait partie intégrante de la liberté de chaque citoyen, et personne n’a le droit de la violer.534

Pour qu’il y ait une élection juste et transparente, selon les règles générales démocratiques, il faut qu’il y ait une transparence au niveau des sources du financement des partis politiques et des candidats. Le SEFAFI ajoute qu’il importe de contrôler les sources financières, les financements privés et occultes des partis politiques, le plafonnement de la dépense des campagnes électorales, l’instauration d’une transparence financière sur la scène politique, ainsi que le contrôle et l’application des sanctions.535

La structuration du code électoral malgache est clairement établie. La grande lacune reste la possibilité de sanctionner les violations, véritable handicap de la démocratie à Madagascar. La conséquence en est que la crédibilité et la sincérité de l’élection en sont infirmées, comme lors de l’élection présidentielle du 16 décembre 2001, avec les troubles postélectoraux subséquents.536 Ces violations sont un délit qui jette une tache sur la démocratie.

En outre, dans une élection juste et démocratique, les citoyens doivent avoir le droit de choisir entre plusieurs candidats ou partis qui ont pu se présenter sans aucune restriction. Or, certains candidats ont bafoué ce droit à travers l’achat de leur choix.537 Ceci s’est manifesté à

travers la distribution gratuite des produits de première nécessité tels que le riz, le savon, l’huile et tant d’autres. Cette pratique politique viole la liberté de chaque citoyen d’exprimer bon gré mal gré son intention libre de choisir qui il veut.

Lors d’élections présidentielles, la possibilité d’accéder aux médias audiovisuels publics doit être garantie à chaque candidat. Or les candidats soutenus par le gouvernement en place sont privilégiés par rapport aux autres en ce qui concerne l’accès aux médias audio- visuels publics. Autant la radio nationale que la télévision nationale doit réserver un traitement égal à tous les candidats pendant la campagne électorale.538 L’existence de médias privés est cause de traitement inégalitaire au cours de la campagne électorale. Car si les candidats non étatiques sont déjà discriminés dans l’accès aux médias publics, ils le sont aussi dans l'accès aux médias privés, faute de moyens financiers. Les candidats plus riches, qu’ils soient propriétaires de chaînes de radios et de télévision ou qu’ils aient les moyens financiers de faire couvrir leur campagne à grande échelle, seront favorisés au détriment des autres.539 Il faut que chaque candidat à la magistrature suprême ait le même temps d’accès aux medias.

533 Cf. SEFAFI, Libertés publiques. Les leçons d’une crise, Foi & Justice, Communiqué, Antananarivo, 2002, p. 118. 534 Cf. ibid., p. 66.

535 Cf. SEFAFI, Election et vie quotidienne, Foi & Justice, Communiqué, Antananarivo, 2006, p. 18. 536 Cf. ibid., p. 10.

537 Cf. SEFAFI, Libertés publiques. Les leçons d’une crise, op. cit., p. 90. 538 Cf. Code électoral malgache de la troisième République, art. 41. 539 Cf. SEFAFI, Election et vie quotidienne, op. cit., p. 14.

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L’utilisation de la religion comme argument politique pour accéder au pouvoir est un abus et une faute contre la démocratie. La Constitution malgache stipule que l'État malgache est un « État laïc ».540 Aucun politicien n’a le droit d’instrumentaliser la religion à des fins politiques. Malgré cette loi d’interdiction, il y a des candidats à l’élection, tel Marc

Ravalomanana, qui ont instrumentalisé la religion à des fins électorales, nous l’avons déjà

évoqué. Cette instrumentalisation s’est faite à travers la coopération directe avec les chefs de l’Eglise541 ou l’emploi de citations bibliques : « Sois sans crainte, crois seulement (Mc 5,

36) ».542 Cette manipulation est tout à fait contraire à la conception de la laïcité de l’État. Ainsi concevoir des élections libres dans le contexte actuel malgache relève du domaine de l’utopie.543 Les élections ne sont que « des formalités destinées à consolider la place de ceux

qui multiplient les abus de pouvoir et accaparent les activités économiques et sociales. La population, résignée, désabusée, survivant ou mourant dans un contexte de pauvreté et de peur, ne participe guère à la gestion de la chose publique».544 Si ajoute un autre constat, comment se porte le respect de l’État de droit et du pluralisme politique ?

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