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CHAPITRE III : LES VIOLATIONS DES PRINCIPES DE L’ETHIQUE POLITIQUE Introduction

3.2 Les violations des droits humains fondamentau

3.3.2 Les impacts de la crise foncière sur la vie économique et sociale

La prolifération de la crise foncière génère une insécurité généralisée. Certes, faute de régulation foncière communautaire et en raison de la faible capacité des services fonciers, un sentiment d'insécurité foncière s'est propagé sur l'ensemble du territoire. « Peu de citoyens sont assurés de leurs droits sur la terre et nombreux sont ceux qui craignent une tentative de spoliation capable d'activer l’aboutissement d'un dossier d'immatriculation foncière. Ce

503 Cf. F. SANDRON, L’enjeu du foncier pour les populations rurales, Karthala, Paris, 2008. p. 9. 504 Le terrain domanial est un terrain qui appartient à un domaine, plus précisément à l’Etat. 505 L. RAHARISON, L’héritage foncier en Imerina (Hautes Terres centrales), op. cit., p. 179.

506 Cf. R. RAKOTONDRABE, De la propriété foncière traditionnelle, dans Revue de Droit et de Jurisprudence de

Madagascar, n° 1, décembre 1999, p. 87.

507 Cf. F. SANDRON, L’enjeu du foncier pour les populations rurales, op. cit., p. 9. 508 Cf. L. RAHARISON, L’héritage foncier en Imerina, op. cit., p. 179.

509 Cf. ibid.

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contexte d'incertitude généralisée favorise le développement des conflits pour la maîtrise du sol, surtout quand la survie d'un groupe familial tient à l'exploitation d'une parcelle ».511

L’insécurité provoquée par la faiblesse des capacités de l'administration foncière pousse les populations à raffermir les règles coutumières, ce qui intensifie la rétention foncière. En effet, actuellement la complexité des procédures de cadastrage, d'immatriculation ou de titrage, à laquelle s'ajoute l'insuffisance de l'information en raison du caractère centralisé de l'administration foncière, conduit à une situation précaire de l’accès à la terre. Par conséquent, « la majorité de la population rurale ne bénéficie que du droit d’usage des terres »512 sans avoir le droit de propriétaire. Par ailleurs, le souci de développer le milieu rural est devenu une priorité pour l'État. Les présidents successifs ont tous essayé de développer le milieu rural par le biais de diverses stratégies et programmes. Toutefois, il n’a pas toujours été facile de réaliser ce développement. En ce moment, la concertation entre dirigeants et acteurs du développement rural est donc de mise.513

Pour résoudre ces multiples problèmes, il faut avoir la volonté politique et une politique foncière claire et nette en répondant à la demande massive en sécurisation foncière. Opération à réaliser dans de brefs délais et à des coûts ajustés au contexte économique.514 La

non-maitrise de ces problèmes augmente la réticence de l’investissement et provoque des impacts négatifs directs sur la vie économique et sociale du pays : « Les producteurs ruraux en tant qu’usagers de la terre mais non-propriétaires ne sont pas incités à des investissements durables sur leurs terrains. Ils n’ont aucun intérêt à bonifier des parcelles dont ils ne sont pas assurés de l’exploitation à long terme. Les entrepreneurs ne désirent pas prendre des risques à investir dans des infrastructures productives ou commerciales tant que leurs droits ne sont pas assurés et garantis de manière transparente et fiable ».515 A cause de la crise foncière, l’atmosphère sociale ne cesse de se dégrader. La prolifération des conflits au sujet de la terre nuit au climat social et au maintien de l’ordre public.

L’échec du bien commun est provoqué non pas seulement par l’incapacité de résoudre les conflits fonciers et leurs conséquences, mais aussi par la domination incessante de l’injustice sociale à travers la répartition inéquitable des ressources naturelles minières et forestières.

3.3.3 La répartition inéquitable des ressources naturelles forestières et minières

Le partage de la terre suscite de nombreux conflits à Madagascar. La terre est la base de leur subsistance pour de nombreux paysans. Sans la terre, ils ne trouvent pas de quoi vivre. Il est dommage que la majorité du peuple malgache en soit privée en raison d’un mauvais partage du sol.

511 F. SANDRON, L’enjeu du foncier pour les populations rurales, op. cit., p. 9. 512 L. RAHARISON, L’héritage foncier en Imerina, op. cit., p. 178.

513 Cf. ibid., p. 179.

514 Cf. A. BERTRAND et P. KARPE, Le statut juridique des terres : perspectives historiques et sociales, dans F.

SANDRON, Population rurale et enjeux fonciers à Madagascar, op. cit., p. 54.

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La répartition inéquitable des biens à Madagascar concerne non seulement le sol mais aussi les ressources naturelles tant forestières que minières. D’après H. Maier et tant d’autres, Madagascar est un pays riche en potentialités.516 Au fil du temps, il a acquis une réputation dans la production de produits traditionnels d’exportation comme la vanille, le café, le girofle, le cacao. S’y ajoutent l’exploitation forestière comme le palissandre et surtout le bois de rose et les exploitations minières telles que le chrome, le cobalt, le nickel, les pierres industrielles (marbre et granit) et autres pierres fines (les émeraudes, et toutes sortes de saphirs).517 Malgré cette richesse du pays, la majorité de la population vit dans des conditions difficiles de pauvreté. La cause est simple. Ces richesses sont mal distribuées, c’est seulement la minorité (les politiciens, les dirigeants et les affairistes) qui en jouit.

D’après les analyses de la Banque Mondiale, la gestion des ressources naturelles, notamment forestières et minières, est très importante pour le développement de Madagascar. Ces deux secteurs sont des enjeux de compromis entre les élites politiques et économiques avec des intérêts commerciaux privés pour assurer le maintien du pouvoir et l’enrichissement individuel.518 Ainsi dans le secteur forestier, l’abattage illégal de bois précieux a atteint des niveaux sans précédent, depuis la crise de 2009. Selon les estimations, entre janvier et novembre 2009, au moins 1.211 conteneurs de bois précieux ont été exportés, soit une valeur de l’ordre de 175.8 millions d’USD. Dans le secteur minier, deux projets miniers industriels de grande ampleur, la mine d’ilménite de QMM519 à Ford Dauphin et la mine de cobalt et

nickel d’Ambatovy se lancent dans une production spéculative incontrôlable.520 Sans parler,

de dizaines de forages de pétrole plus récents, dans différents endroits du pays. Ces diverses exploitations, au lieu de contribuer au progrès économique du pays, ne font qu’enrichir une minorité profiteuse : les politiciens, les dirigeants, les affairistes proches des dirigeants. Cette pratique de corruption est attestée par les ONG Fanamby, responsables de la sauvegarde de l’Aire protégée à Madagascar. Ils déclarent que face à la montée de la corruption et de la recrudescence de l’insécurité dans les sites de conservation, la gouvernance de l’Aire protégée est mise à mal. Les entités juridiques et les forces de répression ainsi que les exploitants privés seraient complices. La situation dépasse la compétence des autorités locales et régionales en raison de l’implication de hautes personnalités de l’Administration de tutelle, des Forces de l’ordre et celles de la justice.521 La distribution des richesses naturelles est loin

d’être équitable.

En outre, c’est encore le rapport de la Banque Mondiale qui dénonce la mauvaise gestion des redevances minières. La redistribution des recettes minières entre les communes

516 Cf. H. MAIER, Droits de l’homme et dignité humaine à Madagascar, op. cit., p. 125. 517 Cf. ibid.

518 Cf. Rapport de la Banque mondiale, Revue de la gouvernance et de l’efficacité du développement, Analyse d’économie

politique de la gouvernance à Madagascar, N° 54277-MG, décembre 2010, p. 14. Disponible sur : http/www.siteressources.worldbamk.org/intmadagascarinfrench/ressources/gouvernance-es-fr.pdf. Consulté le 22 août 2012.

519 QMM est une société minière malgache, filiale du Groupe Rio Tinto (80%) et de l’Etat Malgache (20%) des actions). La

Compagnie extrait de l’ilménite à partir d’un gisement de sables minéralisés réparti sur trois secteurs dénommés Mandena.

520 Cf. P. RAJERIARISON et S. URFER, Madagascar, op. cit., p. 51.

521 Cf. Rapport de l’ONG Fanamby, Exploitation illicite de bois de palissandre dans l’Aire Protégée de Menabe, 15 juin

2014, p. 31. Disponible sur : http/www. Association-fanamby.org/2014/06/15/exploitation-illicite-de-bois-de-palissandre- dans-laire-protegée. Consulté le 23 novembre 2014.

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concernées, dit-elle, est aggravée par la faiblesse de bas en haut.522 Les règles de

redistributions de redevances minières au niveau local n’ont pas été conçues pour l’extraction minière industrielle. La législation actuelle entraîne une distribution très inéquitable des redevances versées entre les communes concernées. Cela vient en partie d’un processus de décision politique exerce du haut vers le bas.523 A cause de cette mauvaise pratique de gestion, même les communes les plus concernées par l’exploitation de leurs ressources ne peuvent pas élaborer un projet de développement communal en faveur de leur population locale, faute de budget. Malgré l’exploitation de leur richesse locale, elles ne sont pas les premières bénéficiaires.

La répartition des biens ou des ressources naturelles souffre d’inégalités effectives au niveau de la redistribution équitable. A cause de cette mauvaise gestion, le renforcement des investissements publics tels que les infrastructures routières, la construction des écoles, des hôpitaux, etc., est bloqué. Il est clair que la répartition des investissements publics serait un facteur déterminant de la croissance économique. La difficulté de sortir de l’impasse de la pauvreté y trouve sa cause.

Une solution pour une meilleure répartition des ressources naturelles en vue du bien commun ne peut venir que de la mise en application du principe de subsidiarité. Car ce principe, selon la doctrine sociale de l’Eglise, est déterminant pour la concrétisation du bien commun. Cependant, il est difficile qu’il puisse opérer en l’absence de démocratie permettant l’alternance du pouvoir.

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