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CHAPITRE III : LES VIOLATIONS DES PRINCIPES DE L’ETHIQUE POLITIQUE Introduction

3.2 Les violations des droits humains fondamentau

3.2.4 Les violations effectives de la dignité de l’homme

La Constitution malgache affirme clairement le respect de la dignité de l’homme : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté ».493 Les

responsables successifs depuis l’indépendance n’ont pas manifesté le souci du bien commun. La dignité de la personne humaine est violée notamment par la dégradation du niveau de vie de la population, s'appauvrissant dramatiquement. Selon les statistiques publiées en 2005, 67,5% de la population malgache vit en dessous du seuil de la pauvreté (moins d’un dollar de revenu par jour). En milieu rural, en raison de la crise politique, le taux de pauvreté atteint 73 à 80%.494

La manifestation du vécu quotidien de la pauvreté varie selon les individus. Cela se voit par la manière de vivre, le niveau de vie, le pouvoir d’achat. En réalité, la majorité de la population malgache, en raison de la crise politique sans fin, n’a pas le moyen de trouver de quoi vivre. Les gens sont pauvres, mal habillés, sous-alimentés, maladifs. Ils vivent dans des abris indignes et insalubres, sans eau, sans lumière, et survivent par la prostitution, le vol, le banditisme, la mendicité. La pauvreté vécue provoque parfois déception et dépression. Beaucoup de gens cherchent refuge dans l’alcool et la drogue. Enfin, la pauvreté change l’homme physiquement et surtout psychologiquement. Extérieurement, les symptômes de la pauvreté produisent «…des modes de comportement psychiques et mentaux destructeurs, comme l’agressivité, la perte de valeur et de l’amour-propre, la léthargie, la jalousie et les querelles entre semblables, la perte du sens de la solidarité, l’égoïsme primaire ou l’égocentrisme et l’individualisme ».495 C’est la dignité de la personne humaine tout entière

qui s’avilit, avec pour conséquence la non-réalisation du bien commun.

Impossible de promouvoir la dignité de la personne humaine sans mettre en œuvre les impératifs du bien commun, sans une détermination de fer pour le réaliser. Qui dit respecter la dignité, doit œuvrer au bien commun. Ces deux exigences vont de pair indissociablement. Tous ceux qui n’ont pas la volonté de concrétiser le bien commun n’ont également pas la volonté de respecter la dignité de la personne humaine. Et c’est dans la deuxième partie de ce travail que nous essayerons de montrer qu’il y a un lien indissociable entre la dignité de la personne humaine et le bien commun. La recherche du bien commun est, selon la doctrine

493 Cf. Constitution de la troisième République malgache, art. 25.

494 Cf. Rapport National de suivi des OMD-2007, Vision 2015 Madagascar, produit et publié par le Ministère de l’intérieur

malgache et le coordinateur de l’ONU à Madagascar. Les données statistiques se réfèrent à l’année 2005. Cf. S.URFER, Vers

une maîtrise malgache des défis de la modernité, op. cit., p. 286.

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sociale de l’Eglise, un garant du respect effectif de la dignité de la personne humaine.496 De

même, le respect de la destination universelle des biens.497 Or nous avons constaté qu’à Madagascar, à part des violations effectives des droits humains fondamentaux, il y a aussi le non-respect de la destination universelle des biens à travers l’inéquitable répartition de la terre et de ses biens.

3.3 Le non-respect de la répartition équitable de la terre

Si le non-respect des droits humains perdure, il sera quasiment impossible de résoudre les problèmes de la pauvreté et par ricochet d’œuvrer au bien commun. De même, la répartition équitable des biens joue également un grand rôle dans la réalisation du bien commun et dans la diminution du taux de pauvreté à Madagascar. Si on a la volonté de tout faire pour le bien commun et d’éradiquer la pauvreté, il faudra privilégier la destination universelle des biens. Parmi les entraves majeures qui empêchent la concrétisation du bien commun figure le non-respect de la destination universelle des biens.

3.3.1 Le problème du droit à la propriété privée et les conflits fonciers

Madagascar est un pays à vocation agricole. La grande majorité de la population malgache est paysanne. L’agriculture est donc le secteur économique le plus important à Madagascar, car elle assure 35 à 40 % du PIB.498 Elle est le principal moteur de la croissance économique. Le riz, culture la plus importante, nourrit et assure un revenu à quelque 10 millions de personnes. Près de 80% de la population vit en milieu rural, et les paysans sont pour la plupart des propriétaires-exploitants, qui possèdent en moyenne moins de 1,2 hectares. Au cours des 20 dernières années, ce processus s’est traduit par la faiblesse et la baisse de la productivité agricole.499 La population s’accroît plus vite que les ressources disponibles.500

Le monde rural rencontre beaucoup de problèmes : non seulement il se caractérise par une tendance séculaire à la pauvreté, mais surtout par les contestations liées au foncier donc au droit à la propriété privée. Nous savons bien que le droit à la propriété privée joue un rôle très important quand il s’agit de la réalisation du bien commun ou du souci de l’intérêt général ou même supérieur de la Nation. A Madagascar : « Le droit à l’accès à la propriété privée, avec les conflits fonciers qui surgissent, provoque des problèmes qui restent en suspens, soit pour le monde rural pratiquant l’agriculture, soit pour le monde urbain ayant déjà une petite, moyenne ou grande entreprise. L’accès à la terre semble très difficile parce que la procédure à suivre est non seulement longue et difficile mais onéreuse ».501

Actuellement, Madagascar est en transition foncière. La gestion foncière traditionnelle semble reculer face à l'individualisation et à la marchandisation de la terre. La plupart des terrains disponibles sont des terrains en main privé et leur coût, en hausse constante. Les prix varient entre 50.000 et 500.000 FMG le mètre carré dans les zones non construites.502 La terre

496 Cf. J. THORAVAL, Pensée et actions sociales de l’Eglise, op. cit., p. 136. 497 Cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, nn° 171-176.

498 Cf. R. ANDRIAMBELOMIADANA, Libéralisme et développement à Madagascar, op. cit., p. 130. 499 Cf. ibid.

500 Cf. G. AYER, L’avenir de Madagascar. Idées-forces pour un vrai changement, Foi & Justice, Antananarivo, 2001, p. 15. 501 L. RAHARISON, L’héritage foncier en Imerina (Hautes Terres centrales), op. cit., p. 178.

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devient de plus en plus un bien marchand qui s’exploite et s'échange avec ou sans le consentement des autorités traditionnelles. Ainsi, les citoyens malgaches se tournent vers l’État et ses services fonciers pour faire valoir leurs droits sur le sol.503 Pour l'année 2005, le

Ministère des domaines a recensé un demi-million de demandes d'acquisition de terrain domanial504 déposées auprès des services fonciers. Encore plus nombreux sont les ménages qui souhaitent obtenir une reconnaissance écrite de leurs droits fonciers. De plus, « La régularisation du droit à la succession est en général réalisée très tardivement. Parfois même, on arrive à la deuxième ou troisième génération de successeurs sans qu’il y ait eu de régularisation de leurs droits ».505

Ainsi, face à cette demande considérable, Madagascar se trouve actuellement en situation de transition foncière. Les pouvoirs coutumiers, qui géraient jusque-là les rapports sociaux à propos de la terre, ont quasiment perdu leur rôle au profit de l’État, principal garant de la sécurité foncière.506 Cette évolution se traduit notamment par une demande exponentielle d’immatriculations foncières. Les citoyens malgaches ont pris l’habitude de recourir aux services fonciers de l’État pour essayer de faire valoir leurs droits sur la terre avec un taux de réussite très peu élevé. En effet, à ce jour, sur un recensement de près d’un demi-million de demandes de titres effectuées auprès des services fonciers, une infime partie d’entre elles a réellement pu aboutir : seul 1/15e du territoire est titré.507 A cet effet, la

lourdeur administrative est la principale cause de la faible capacité de délivrance des titres. Ce n’est pas étonnant dès lors, si seule une minorité de propriétaires, que l’on estime dans les 20% à 30%, arrivent à l’enregistrement ou à la mutation de leurs terrains.508

Aujourd'hui, on peut constater que les usagers accordent peu d'intérêt aux procédures de mutation, qui leur semblent complexes et onéreuses.509 Ainsi, avec le temps, l'information foncière gérée par les services fonciers concerne non seulement une faible proportion des biens mais s'avère en complet décalage avec la réalité. De plus, l’immatriculation foncière et les opérations cadastrales ont des coûts très élevés au-delà des moyens et des possibilités des petits paysans. Par conséquent, les paysans malgaches n’ont ni de cadastre ni de titre foncier.510

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