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CHAPITRE VI : LE RESPECT DE CERTAINES VALEURS SOCIALES AU PROFIT DU BIEN COMMUN

6.4 Le rapport entre l’Eglise et l’Etat : autonomie et coopération

6.4.2 L’indépendance de l’Église n’exclut pas la coopération

La communauté politique et l’Église ne sont pas des fins en elles-mêmes mais toujours au service des hommes. Voilà pourquoi l’Église et la communauté politique : «… sont indépendantes l’une de l’autre et autonomes, mais toutes deux, quoique à des titres divers, sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Elles exerceront d’autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu’elles rechercheront davantage entre elles une saine coopération, en tenant compte des circonstances de temps et de lieu ».1057

L’Église et la communauté politique sont au service du développement intégral de tout l’homme et de tout homme. Il est du devoir de leur autorité d’indiquer la finalité ultime des hommes afin de leur donner les moyens d’être heureux en société.1058 Cette mission commune

donne le droit à l’Eglise de demander à la communauté politique la reconnaissance juridique de son identité afin qu’elle puisse effectuer ses devoirs.1059 S’il en est ainsi, quels sont les

devoirs de l’Église envers la société, par rapport à ceux de la communauté politique ? 6.5 La contribution de la communauté ecclésiale à l’œuvre pour la paix sociale

La crise politique interminable est le premier facteur de la grande instabilité politique à Madagascar. Celle-ci provoque un grand malaise en matière de paix sociale dans des différents domaines de la vie sociale : politique, économique, religieux et environnemental. Nous l’avons déjà souligné dans la première partie.1060 Or nous sommes tous convaincus qu’il

n’est pas possible de réaliser le bien commun dont nous parlons si on ne commence pas à combattre pour la paix sociale, étant donné que celle-ci est le bien de tous les hommes sans exception.1061

L’Eglise catholique, par le biais de la doctrine sociale et, en particulier le

Compendium, ne cesse marteler l’importance de la paix sociale dans le processus de la

réalisation du bien commun. La paix est, dit-elle, un idéal que le Christ propose. Elle évoque

1056 Cf. Gaudium et spes, n° 76, 3.

1057 Gaudium et spes, n° 76, dans J.-Y. CALVEZ, Une éthique pour nos sociétés, op. cit., p. 179. 1058 Cf. A. DESPAIGNE, Comprendre la doctrine sociale de l’Eglise, op. cit., p. 121.

1059 Cf. M.-A. FONTELLE, Construire la civilisation de l’amour, op. cit., p. 727.

1060 Cf. supra, Les impacts négatifs des violations des principes de l’éthique politique, p. 94. 1061 Cf. R. MINNERATH, Pour une éthique sociale universelle, op. cit., p. 119.

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synthétiquement le calme, la tranquillité, le bon ordre, l’harmonie, l’amitié avec Dieu, le bien- être, le bonheur sous toutes ses formes légitimes.1062 C’est pour cette raison que la promotion de la paix dans le monde fait partie intégrante de la mission de l’Église actuelle.1063 L’Église

est le sacrement visible du Christ, c’est-à-dire signe et instrument de paix dans le monde et pour le monde. Au cours du débat du concile Vatican II sur le thème de la paix, il a été affirmé que la politique de la paix et la politique du développement sont comme un nœud indissociable.1064 La paix, dit P. de Charentenay, est une des conditions essentielles du respect de chaque personne, de son développement et du respect de sa dignité.1065 De même, au cœur de l’enseignement social de l’Eglise catholique et surtout du Compendium, le thème de la paix et de la sécurité se trouve au centre de leurs préoccupations.

L’insistance de l’enseignement social de l’Eglise catholique sur la paix a toujours été enseignée. Durant et après la Première Guerre mondiale, le pape Benoît XV publia de multiples appels à la paix, dont son encyclique Pacem Dei en 1920. Pie XII a poursuivi, dans de nombreux messages, ce discours pour la paix. Mais le point culminant de ces prises de position de l’Eglise est l’encyclique de Jean XXIII, Pacem in terris, dans laquelle il insiste sur les conditions de la paix. La paix, dit-il, n’est pas seulement l’absence de conflit mais aussi et surtout l’existence de relations positives entre les individus et les communautés.1066 Voilà

pourquoi il met en premier le respect des droits de l’homme dans l’effort de construction de la paix1067, le deuxième est le désarmement et le troisième point est la construction d’un ordre moral qui défende et respecte le bien commun de l’humanité, ceci par le moyen « d’une autorité publique de compétence universelle ».1068 Paul VI reprend ces préoccupations dans le cadre du développement, et ce dans son encyclique Populorum progressio : « C’est le chemin du développement qui conduit à la paix ».1069 Cela confirme ce que dit le Compendium : « La paix n’est pas simplement l’absence de la guerre ni même un équilibre stable entre des forces adverses »1070 mais elle consiste dans le développement intégral de la personne humaine. Et sans ce développement, il est impossible de réaliser ou même de parler du bien commun. C’est dans cette perspective que le Pape François intervient dans son exhortation apostolique

Evangelii gaudium : « La paix se construit jour après jour dans la poursuite d’un ordre voulu

de Dieu, qui comporte une justice plus parfaite entre les hommes. En définitive, une paix qui n’est pas le fruit du développement intégral de tous n’aura pas d’avenir et sera toujours semence de nouveaux conflits et de diverses formes de violence ».1071

1062 Cf. R. COSTE, Les communautés politiques, op. cit., p 249. 1063 Cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, n° 516.

1064 Cf. G. ALBERIGO, Histoire du Concile Vatican II (1959-1965), T. V, Cerf, Paris, 2005, p. 492. 1065 Cf. P. de CHARENTENAY, Vers la justice de l’Evangile, op. cit., p. 227.

1066 Cf. ibid.

1067 Les droits humains dont on parle ici sont le respect profond des droits fondamentaux de la personne humaine et ne

laissent pas de place pour les choix arbitraires qui conduiraient à des formes de discrimination et d’injustice. En même temps, Jean XXIII insiste en disant : « Des droits élémentaires ne sont pas encore respectés, surtout dans des situations de sous- développement : je pense, dit-il, par exemple, au droit à la nourriture, à l’eau potable, au logement, à l’autodétermination et à l’indépendance » La paix exige que cet écart soit réduit de manière urgente et en définitive supprimé. Cf. P. de LAUBIER, La

pensée sociale de l’Eglise catholique. De Léon XIII à Benoît XVI, op. cit., p. 235.

1068 P. de CHARENTENAY, Vers la justice de l’Evangile, op. cit., p. 228. 1069 PAUL VI, Populorum progressio, n° 77.

1070 Cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, n° 494.

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En outre Jean Paul II n’a cessé d’exhorter à un sursaut de courage pour que chaque chrétien devienne instrument d’espérance. « Si tu veux la paix, défends la vie! ».1072 Ce cri

du pape humaniste retentit encore, car la paix et la vie vont toujours ensemble. « Heureux les

artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ». (Mt 5, 9) La paix des béatitudes n’est

pas celle du monde. Elle n’existe pas dans l’ordre politique lorsque l’ordre écrase. Elle n’est pas dans le silence, lorsque le silence naît de la répression, de la terreur, de la peur. Elle n’est pas non plus dans la résignation, car la résignation est indigne de l’homme. La paix du Christ, c’est l’amour pour tous, y compris pour ceux qui ne partagent pas ces valeurs, voire les ennemis. La paix du Christ, c’est la justice pour tous, c’est la vérité pour tous. Voilà pourquoi la réflexion éthique a toujours conçu la paix comme le fruit de l’ordre inscrit dans la nature des êtres, le signe tangible que les rapports humains se déroulent dans la justice et la vérité. Cette paix dont on parle ne se limite pas seulement, dit Minnerath, à une seule dimension personnelle ou familiale mais s’étend plus largement à une dimension nationale et même internationale. Elle doit donc prendre en compte les exigences fondamentales de la nature humaine, c’est-à-dire le respect profond de la dignité intrinsèque de la personne humaine, son besoin de liberté, de vérité et de justice.1073 Et c’est pour cette paix que le Christ est mort et

ressuscité. Voilà pourquoi l’Église, à la suite du Christ, participe à l’œuvre de la paix : sociopolitique, réconciliation et pardon.

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