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CHAPITRE VI : LE RESPECT DE CERTAINES VALEURS SOCIALES AU PROFIT DU BIEN COMMUN

6.3 La sauvegarde de la valeur de la démocratie

6.3.1 La démocratie comme source de participation

Le terme démocratie dans l’Église est surtout utilisé par le concile Vatican II. Ce faisant le concile cherche à promouvoir l’égalité foncière de tous les êtres humains et surtout la participation de tous à la construction d’une société juste et fraternelle. Il s’engage avec clarté en faveur de certains principes, selon lesquels il convient de combattre les régimes totalitaires ou dictatoriaux1002 qui nuisent à la dignité de la personne humaine et détruisent les droits inviolables liés à celle-ci. C’est la raison pour laquelle il oriente son enseignement en faveur de la participation de tous les citoyens «…sans aucune discrimination, tant à l’établissement des fondements juridiques qu’à la gestion des affaires publiques ».1003

En insistant sur l’importance de la démocratie comme source de participation, Minnerath rappelle qu’il n’y a, jusqu’à maintenant, aucun autre régime qui soit capable de mettre en œuvre le principe fondamental de l’organisation sociale sinon la démocratie.1004 La

démocratie, ajoute-t-il, comme système de gouvernement exige des conditions précises : une culture démocratique du respect mutuel, un fonds de valeurs partagées, une anthropologie qui voit dans les personnes des sujets libres et capables de participer aux décisions qui les concernent. Elle exige également un système social qui favorise la responsabilité, un système économique qui permet aux entreprises de participer dans une concurrence loyale.1005

En parlant de participation en démocratie, deux formes sont habituelles : la participation directe et la démocratie représentative.1006 La première consiste le fait que le peuple participe directement à la gestion du pouvoir et à la prise de décisions concernant la vie du pays. La pratique de la démocratie en Suisse en est un exemple. La seconde est le fait que le peuple participe seulement à la gestion du pouvoir à travers ses représentants qui sont les députés, les sénateurs et autres représentants. C’est ainsi que Maritain définit la démocratie comme le régime dans lequel le peuple exerce sa souveraineté. C’est une marche vers la justice et le droit, vers la libération de l’être humain.1007 Les hommes, à travers le jeu

démocratique, se protègent contre les dangers dont le plus redoutable est l’arbitraire du pouvoir politique. C’est pour éviter tout cela que naît la conception de la liberté comme

« liberté-participation »1008, qui consiste à associer les gouvernés à l’exercice du pouvoir dans

le but d’empêcher le gouvernement de leur imposer une autorité discriminatoire. Cette participation à la fonction gouvernementale, l’individu l’assume par le biais des droits politiques, par l’élection bien sûr, mais aussi par la jouissance des prérogatives qui

1001 CONFERENCE EPISCOPALE DE FRANCE, Réhabiliter la politique, n° 20, dans M. FEIX, L’Eglise aux carrefours

des réalités sociales et politiques, op. cit., p. 146.

1002 Cf. Gaudium et spes, n° 75. 1003 Ibid.

1004 Cf. R. MINNEATH, Pour une éthique sociale universelle, op. cit., p. 100. 1005 Ibid., p. 101.

1006 Cf. R. NIFLE, Le sens du Bien Commun. Pour une compréhension renouvelée des communautés humaines, Temps

Présents, Paris, 2011, p. 124.

1007 Cf. J. MARITAIN, Les droits de l’homme et la loi naturelle. In Œuvres complètes, Vol. VII, 1939-1943, Ed.

Universitaires/Saint Paul, Fribourg/Paris, 1988, p. 653.

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garantissent la liberté de ses choix : liberté d’opinion, liberté de presse, liberté d’association, liberté de réunion, de culte. Toutes ces choses font partie des droits et des devoirs que le citoyen est censé connaître et pour pouvoir exercer mais qui malheureusement sont oubliés voire méconnus. Ainsi, la démocratie apparaît comme un système qui favorise la participation des citoyens. C’est la raison pour laquelle l’Eglise catholique est favorable au régime démocratique.

Au sujet de la participation démocratique, Minnerath reprend l’idée de saint Thomas d’Aquin, qui a beaucoup insisté, dans sa philosophie politique, sur la valeur substantielle de la participation dans la démocratie. Il qualifie la participation non seulement comme une exigence de la démocratie mais comme un fait qui est intrinsèquement lié à la nature de l’homme : « L’homme est par nature un être social. Il lui est donc demandé de prendre part à la gestion de la société à laquelle il donne de lui-même et dont il reçoit ce qu’il ne peut se procurer par ses seuls efforts ».1009 Car tout homme est appelé, de par sa dignité, à participer aux décisions qui le concernent. Le droit de participer à la vie publique est donc fondé sur le socle intangible de la nature humaine.1010

Selon Jean XXIII, la participation est le concept clé de la politique, car la participation est la nature même du bien commun. Au sujet de cette nature du bien commun, il enseigne la nécessité que « tous les citoyens y aient leur part, fût-ce sous des modalités diverses d’après l’emploi, le mérite et la condition de chacun ».1011 Jean XXIII en cohérence avec saint

Thomas réaffirme l’importance de la participation : « Que les citoyens puissent prendre une part active à la vie publique, c’est là un droit inhérent à leur dignité de personnes ».1012 Dans

l’encyclique Pacem in terris, il donne une triple justification à l’importance de la participation. La première pour souligner l’importance de la faculté d’intervention de l’être humain. Cette faculté lui confère une nouvelle possibilité de travailler et de s’engager pour le bien d’autrui, c’est-à-dire qu’elle permet de rendre service aux autres. La deuxième demande d’optimiser la valeur des communications et des échanges à l’intérieur du corps social entre dirigés et dirigeants. Enfin la troisième affecte directement la recherche de la meilleure façon de gouverner les administrations publiques avec le souci du renouvellement périodique des titulaires des charges publiques. C’est un facteur essentiel pour harmoniser le développement de la société.1013 La participation est donc, à la fois, une expression de la fraternité entre les citoyens, une garantie de bonne administration, et simultanément une garantie de la saine vitalité des organes de gouvernement.

Selon Paul VI, la démocratie est le seul système politique considéré par l’Église catholique comme favorable à la promotion de la personne humaine et de la société en général. Voilà pourquoi chaque fois que les papes ont pris conscience que ce système politique est menacé par la technocratie,1014 ils en prennent la défense. La démocratie favorise la participation de tous à la vie sociale : « La double aspiration à l’égalité et à la

1009 R. MINNERATH, Doctrine sociale de l’Eglise et le bien commun, op. cit., p. 121. 1010 Cf. ibid., p. 122.

1011 JEAN XXIII, Pacem in terris, n° 56. 1012 Ibid., n° 56.

1013 Cf. JEAN XXIII, Pacem in terris, n° 74. 1014 PAUL VI, Octogesima adveniens, n° 47.

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participation vise à promouvoir un type de société démocratique ».1015 Elle n’est jamais

comprise comme une simple procédure électorale. La démocratie politique se double d’une vision de démocratie sociale. Elle est une culture qui, par les corps intermédiaires, les entreprises, responsabilise les personnes et les engage à contribuer aux décisions communes. C’est la raison pour laquelle Jean Paul II dira : « L’Église apprécie le système démocratique comme système qui assure la participation des citoyens aux choix politiques et garantit aux gouvernés la possibilité de choisir et de contrôler leurs gouvernants, ou de les remplacer de manière pacifique lorsque cela s’avère opportun ».1016

L’affirmation de Jean Paul II va plus loin que ce que dit Jean XXIII concernant l’importance de la participation dans la gestion du pouvoir public. Déjà sa première encyclique Redemptor hominis en 1979, le pape polonais affirme que les régimes totalitaires ont confisqué les droits des citoyens au profit d’un groupe particulier qui monopolise le pouvoir, ces régimes interdisant en fait la participation. Or, insiste-t-il, le sens fondamental de l’État comme communauté politique consiste en ce que la société qui le compose, le peuple, est maître de son propre destin.1017 Il ajoute encore une explication plus claire en écrivant : « Ces choses sont essentielles à notre époque où la conscience sociale des hommes s’est énormément développée et, en même temps qu’elle, le besoin d’une participation correcte des citoyens à la vie de la communauté politique ».1018 Jean Paul II se souciant des pays en voie de développement, souligne l’importance de la pratique et de la mise en place du régime de participation démocratique, par opposition aux régimes dictatoriaux et autoritaires. Il est convaincu que l’établissement de ces régimes de participation est la requête majeure de l’heure pour le tiers monde : « Nombre de pays en voie de développement ont besoin de changer certaines structures injustes et notamment leurs institutions politiques, afin de remplacer des régimes corrompus, dictatoriaux et autoritaires par des régimes de participation ».1019 Encore une fois, Jean Paul II confirme de la manière la plus claire qu’il n’y a pas de régimes politiques valables et justes sans la participation; la santé d’une communauté politique, ajoute-t-il, «…s’exprime par la libre participation et la responsabilité de tous les citoyens dans les affaires publiques et la fermeté du droit, par le respect et la promotion des droits de l’homme ».1020

Le gouvernement démocratique est défini à partir la délégation, par le peuple, de pouvoirs et de fonctions, qui sont exercés en son nom, pour son compte et en sa faveur. Il est donc évident que toute démocratie doit être participative.1021 Cela signifie que tous les membres du corps social constituant la société sont impliqués dans l’exercice des fonctions qu’ils assument. Si la démocratie jouit d’un tel prestige, ce n’est pas seulement pour la place qu’elle reconnaît à la participation mais aussi pour oser valoriser le pluralisme.

1015 Ibid., n° 24.

1016 JEAN PAUL II, Centesimus annus, n° 46. 1017 Cf. JEAN PAUL II, Redemptor hominis, n° 17. 1018 Ibid.

1019 JEAN PAUL II, Sollicitudo rei socialis, n° 44. 1020 Ibid., n° 44.

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