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UNE ELABORATION DU NOUVEL APPORT DE LA PASTORALE SOCIALE DE L’EGLISE A MADAGASCAR AU SERVICE DU BIEN

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Introduction de la troisième partie

L’Église catholique, en tant qu’institution sociale indépendante, joue un grand rôle en matière politique au sein de la société malgache. Elle participe de manière constante à l’éveil démocratique et accompagne depuis 1980 le difficile accouchement d’un État de droit à Madagascar. Depuis lors, l’Eglise catholique, grâce à son réseau d’institutions propres (médias, œuvres sociales), investit l’espace public et y exerce une fonction de soutien en faveur de la population en prenant en charge l’éducation, les services sociaux et la santé.1109

Par la voix de ses évêques, elle livre les principes directeurs d’un comportement citoyen en conformité avec l’Évangile et la doctrine sociale de l’Eglise. Elle le fait, sans renoncer à son premier devoir, celui de l’évangélisation ; elle participe au débat politique1110 parce que cette

participation, dit le Pape François, est une obligation morale.1111 Elle concourt également à la formation approfondie de la volonté démocratique afin de réaliser le bien commun.

Après le désenchantement dû à l’échec des 2ème et 3ème Républiques, et aussi d’une transition sans alternance en 1991 qui fut marquée par la logique de la compétition sur le mode de l’affrontement1112, l’Etat se trouve dans l’impasse.1113 La cause : des élites jamais

renouvelées, des partis politiques sans véritables projets de société, des dirigeants politiques en perte de repères. L’Église catholique, considérée en tant qu’institution sociale, se retrouve dans l’arène politique et catalyse les aspirations de la population. La Conférence épiscopale plaide pour la moralisation de la vie publique comme fondement d’une nouvelle construction sociale. L’environnement politique que Madagascar a vécu durant quelques décennies est celui d’une paupérisation de la population par un régime prédateur, qui a institué une corruption systémique et banalisé la violence. Il s’ensuit donc que l’Eglise doit mettre en œuvre une éthique de responsabilité plutôt qu’une éthique de conviction1114 en vue de rétablir

la situation. Dans la ligne de cette éthique de responsabilité, la voie raisonnable pour l’Église est de refuser d’exercer une fonction de soutien envers le régime1115, mais de se soucier

toujours du bien commun de tous.

La contribution de l’Eglise à réaliser le bien commun se fonde sur la poursuite de sa mission pastorale en dénonçant le dérapage politique des politiciens et des dirigeants au pouvoir.1116 Malgré l’importance de ces dénonciations par le message de la Conférence épiscopale, celle-ci ne suffit pas pour l’engagement politique de l’Eglise en vue de la réalisation du bien commun. Il faut que l’agir ou l’action de l’Eglise soit concrète et effective. Le pape Paul VI le précise bien : « Il ne suffit pas de rappeler les principes, d’affirmer des intentions, de souligner les injustices criantes et de proférer des dénonciations prophétiques : ces paroles n’auront de poids réel que si elles s’accompagnent pour chacun d’une prise de

1109 Cf. Lettre de la conférence épiscopale de Madagascar, La lutte contre la corruption et la promotion de la justice, p. 23. 1110 Cf. Déclaration de la Commission sociale de l’Episcopat, Réhabiliter la politique, Antananarivo, 1999, n° 2.

1111 Cf. PAPE FRANCOIS, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, n° 220.

1112 Cf. Déclaration de la Commission sociale de l’Episcopat, Réhabiliter la politique, n° 2. 1113 Cf. J. TIERSONNIER, Madagascar (1947-2002). Des sagaies aux ombrelles, op. cit., p. 54. 1114 Cf. M. WEBER, Le Savant et le Politique, Ed. Ouvrières, Paris, 1963, p. 206.

1115 Cf. Lettre de la conférence épiscopale de Madagascar, La lutte contre la corruption et la promotion de la justice, p. 23. 1116 Cf. J. TIERSONNIER, Madagascar, les missionnaires acteurs du développement, op. cit., p. 162.

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conscience plus vive de sa propre responsabilité et d’une action effective ».1117 Se contenter

de rappeler les principes risque de ne pas tenir toujours compte de l’être humain. Il faut que l’Eglise s’engage clairement pour que la pratique de la foi et de l’Evangile soit visible aux yeux de la société.1118 Cela signifie que, par rapport aux réalités complexes du pays, il ne suffit plus pour l’Eglise, particulièrement celle de Madagascar, de se contenter seulement d'actes de dénonciation et de condamnation par le biais de lettres de la Conférence épiscopale, mais il faut une prise de responsabilité précise et adéquate. Cependant, pour que cela soit effectivement visible et palpable, il faut que le vécu de la foi soit visible. La foi est ce catalyseur qui pousse à l’exercice d’une citoyenneté active, critique et participative en vue de réaliser le bien commun.

S’il en est ainsi, face aux différents problèmes complexes qu’affronte le pays depuis quelques décennies, et l’empêchent de sortir de l’impasse de la pauvreté à cause de la non- réalisation du bien commun, toutes les institutions existantes, y compris l’institution ecclésiale, ont une part de responsabilité. L’Eglise catholique en particulier, par le biais de la doctrine sociale, a le devoir de travailler au profit du bien commun dans le cadre de la mise en œuvre de sa pastorale sociale. Malgré l’engagement de l’Eglise catholique, nous avons constaté que les résultats sont encore peu satisfaisants. Par rapport à cela, suffit-il seulement pour l’Eglise catholique de se contenter de poursuivre sa mission pastorale sociale habituelle, ou bien est-il indispensable pour elle de promouvoir une nouvelle vision de la mise en œuvre de la doctrine sociale dans le cadre de la nouvelle évangélisation au sein de la société malgache en vue du bien commun ?

La réponse à cette question s’articulera en trois étapes. La première est consacrée à explorer le contenu de la mission pastorale habituelle de l’Eglise au service de la société malgache. Cette mission pastorale de l’Eglise consiste surtout dans des remarques critiques et des dénonciations évaluant les actions des régimes politiques, puis dans la lutte pour la mise en œuvre d’un processus démocratique, du respect des droits humains, de la justice et de la paix sociale. Dans une deuxième étape, nous montrerons que cette reconstruction de la pastorale sociale de l’Eglise ne se réalise que par la promotion de l’engagement politique des laïcs. Un engagement qui suppose la promotion de la formation et de l’éducation et enfin la création d’associations. La troisième étape mettra l’accent sur une contribution d’une nouvelle pastorale sociale de l’Eglise catholique au service du bien commun dans la société. Cette nouvelle contribution doit se focaliser sur tous les plans : politique, économique, culturel, religieux et environnemental.

1117 PAUL VI, Octogesima adveniens, n° 48.

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CHAPITRE VII : LA PROMOTION DE LA PASTORALE SOCIALE HABITUELLE DE

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