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CHAPITRE III : LES VIOLATIONS DES PRINCIPES DE L’ETHIQUE POLITIQUE Introduction

3.1 Les comportements des politiciens et de l’autorité politique

3.1.1 Les conceptions erronées et verrouillées de la politique

3.1.2.3 Le manque de participation de tous les membres du corps social

Il va de soi que la raison d’être de l’autorité politique est le bien commun. Réaliser le bien commun est la première préoccupation de l’autorité publique. La doctrine sociale de l’Eglise le rappelle à maintes reprises.426 Cependant, il ne faut pas oublier également que la

doctrine sociale, lorsqu’on parle du bien commun, met l’accent sur la prise de responsabilité de tous les membres du corps social. C’est pour préciser que la concrétisation de celui-ci n’est pas exclusivement le rôle de l’autorité politique. Elle engage tous les membres de la société427,

à savoir chaque citoyen, la famille, tous les corps intermédiaires. La lettre de la Conférence épiscopale des évêques de Madagascar réaffirme que la réalisation du bien commun est l’affaire de tous, et non seulement de l’Etat. Autrement dit la réalisation du bien commun exige une meilleure participation de tous les citoyens au sein de la Nation.428

Or nous savons bien que la grande faille à Madagascar quand il s’agit de la réalisation du bien commun, c’est le manque de la prise de responsabilité de tous, c’est-à-dire chaque citoyen, la famille, les corps intermédiaires, en un mot tous les membres du corps social. Ce manque de participation affecte l’ensemble des domaines clés de la vie sociale de l’homme, à savoir la politique, l’économie et l’éducation.

Sur le plan politique, par exemple, la majorité du peuple malgache n’a pas le sentiment d’être acteur de son destin. On trouve chez lui une sorte de résignation en matière politique. Il ignore même la politique et en a toujours été gardé à l’écart pour que nos politiciens,

423 Cf. R. RALIBERA, Souvenirs et témoignages malgaches, op. cit., p. 115.

424 Cf. R. ANDRIAMBELOMIADANA, Libéralisme et développement à Madagascar, op. cit., p. 17. 425 Cf. ibid.

426 Compendium de la doctrine sociale, n° 168. 427 Cf. ibid., n° 167.

428 Cf. Lettre de la Conférence épiscopale de Madagascar, A propos du développement : Lutter contre la pauvreté et

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marchands d’illusions, puissent lui faire « avaler la pilule du bonheur.429 Au dit à juste titre

que la mise en place d’une vraie démocratie commence par la participation de tous les citoyens dans des élections justes et transparentes. Cela ne s’est pas encore produit pour Madagascar. La majorité du peuple malgache, faute de sensibilisation de la part de la société civile et des hommes politiques, n’a pas encore eu le sentiment d’être participant et acteur à la mise place d’une vraie démocratie au sein de la Nation. Preuve en soient le manque de volonté de la population de voter au moment des élections, puis le manque d’initiative pour contrôler les activités des décideurs, même dans le domaine de la collectivité territoriale décentralisée, c’est-à-dire le quartier, la commune, le district, la Région et la Province. Nous avons constaté également que l’on est encore assez loin d’une société civile représentative de toutes les couches de la population, et qui serait constituée d’une plateforme d’organisations et d’associations d’intérêt commun, des syndicats et du patronat, des Eglises, des fédérations de paysans et de pêcheurs. Cette société civile serait reconnue et accueillie comme partenaire de dialogue à égalité par les instances étatiques, pour la recherche et la réalisation d’une société participative et respectueuse des intérêts de tous. Car sans société civile forte et effective, il n’y a pas de vraie démocratie.430

Sur le plan économique, nous avons déjà dit que le 80% des Malgaches sont paysans. Ils vivent donc du fruit de leur travail et leur développement en dépend. La doctrine sociale de l’Eglise le réaffirme en insistant sur le fait que le développement requiert un esprit d’initiative. Le développement des peuples commence et trouve sa mise en œuvre la plus appropriée dans l’effort de chaque peuple pour son propre évolution, en collaboration avec les autres.431 Or nous avons constaté qu’à Madagascar, la participation de chaque individu à son

propre développement n’est pas encore suffisante, surtout au niveau de la prise en considération du travail. Sylvain Urfer affirme que la majorité du peuple malgache n’a pas encore effectivement le goût du travail. Il n’a pas encore saisi la haute valeur et l’importance du travail. Elle dévalorise et sous-estime le travail, surtout manuel.432 Preuve en est

l’insuffisance alimentaire de base comme le riz, alors que le 80% de la population malgache le cultive. Cela démontre le manque d’esprit d’initiative et d’entreprise de la part de chaque citoyen. Cependant, aucun pays ne se développe sinon par le fruit du travail de son peuple.

Sur le plan éducatif, la formation ne peut être séparée du développement. Elle est toujours au cœur de tout développement individuel et communautaire. Benoît XVI, dans son exhortation apostolique, L’engagement de l’Afrique, insiste beaucoup sur la priorité de l’éducation et défend les droits des citoyens à bénéficier de l’offre éducative.433 Néanmoins,

nous avons constaté qu’à Madagascar, vu la pauvreté vécue par la population, la plupart des parents malgaches n’ont pas la volonté d’envoyer leurs enfants à l’école. Il y a encore des parents qui pensent que faire travailler leurs enfants serait beaucoup plus rentable que de les envoyer à l’école. Cette mentalité est une sorte de fuite des parents dans leur responsabilité à

429 Cf. R. ANDRIAMBELOMIADANA, Libéralisme et développement à Madagascar, op.cit., p. 17. 430 Cf. H. MAIER, Droits de l’homme et dignité humaine à Madagascar, op.cit., p. 157.

431 Cf. JEAN PAUL II, Sollicitudo rei socialis, n° 44. 432 Cf. S. URFER, Le doux et l’amer, op.cit., p. 206.

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l’égard de leurs enfants. C’est à cause de cette mentalité que les enfants souffrent de situations difficiles qui les empêchent de se développer.434

Tout cela nous montre que le manque de prise de responsabilité de tous les membres du corps social est une des causes principales de la non-réalisation du bien commun au sein de la société malgache. Cela confirme le fait que travailler pour le bien commun n’est pas exclusivement de la responsabilité de l’autorité politique, mais aussi de celle de tous. Le bien commun n’est pas seulement l’affaire de l’Etat, mais l’affaire de tous. La non-participation de tous les membres du corps social à la vie politique du pays fait augmenter les risques de corruption et d’affairisme.

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