• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE III : LES VIOLATIONS DES PRINCIPES DE L’ETHIQUE POLITIQUE Introduction

3.5 Les impacts négatifs des violations des principes de l’éthique politique

3.5.2 Sur le plan socioéconomique : une politique économique sans repères

Il est vrai que beaucoup de facteurs causent la pauvreté à Madagascar. Selon les estimations de l’INSTAT en 2003, environ 85% des pauvres à Madagascar vivent en zone rurale en 2001 (tandis que la population rurale représente 77% de la population totale de Madagascar). En outre, la plupart des pauvres dans les zones rurales travaillent dans le secteur agricole, ce qui signifie que le développement agricole est attendu comme une solution particulièrement bénéfique aux pauvres.585

La pauvreté est aussi intrinsèquement liée aux violations des principes de l’éthique politique586, dénoncée ci-dessus. Sur le plan socio-économique de ce pays, certaines personnes affirment : « Il n’y pas de développement sans démocratie ; et nul ne contestera que le développement exige la démocratisation de la vie politique et sociale ».587 Respect de la

démocratie veut dire en termes socioéconomiques, appui des efforts de développement en faveur de toute la population. Cette participation active de chaque citoyen correspond à ce que les Nations Unies appellent le « développement humain ».588 Chaque fois qu’il y a eu crise à Madagascar, les conséquences ont été mauvaises pour l’économie. La crise de 1991 s’est soldée par un taux de croissance de -6,30%, et celle de 2002 par -12% en 2002. Même la relative courte crise de mai 1972 s’est traduite par une croissance annuelle négative de -1,2%. À la fin de l’année 2008, les perspectives économiques semblaient bonnes pour Madagascar, avec un taux de croissance attendu supérieur à 7%, suite aux réformes économiques mises en œuvre les années précédentes. Un an plus tard, la situation est très différente en raison du double impact de la crise financière mondiale et de la crise politique en cours. L'économie locale est en récession depuis le deuxième trimestre de 2009, le PIB aurait diminué de 3 à 5%, avec une baisse marquée dans les secteurs axés sur l’exportation (le tourisme en particulier) et une réduction drastique dans la construction due à la baisse des investissements publics.589

Pendant l’année 2009, l’impact de la crise politique est énorme. Les activités du secteur privé ont subi tant les conséquences de la récession mondiale que de la crise politique. Les secteurs axés vers l'exportation étaient en plein chaos, avec une production en chute libre et des pertes d’emploi dans les secteurs des produits textiles, de l'élevage de crevettes et du tourisme. Les organisations de producteurs ont également indiqué que le secteur industriel national subissait les effets négatifs de la crise, tout d’abord en raison de la violence politique, ensuite à cause de la perte de confiance des entrepreneurs et des consommateurs. L’accès au crédit par le secteur privé n’a progressé que de cinq pour cent, illustrant une baisse en termes réels.590

Les conséquences de la crise politique exercent des impacts négatifs sur les entreprises de la capitale malgache qui doivent faire face à une nouvelle période de délestage. La Jirama, c’est-à-dire la compagnie nationale de distribution d'électricité, a annoncé des opérations de

585 Cf. Rapport de l’INSTAT sur les estimations de taux de la pauvreté à Madagascar en 2003. 586 Cf. supra, Les violations des principes de l’éthique politique, p. 66.

587 R. ANDRIAMBELOMIADANA, Libéralisme et développement à Madagascar, op. cit., p. 95. 588 Ibid., p. 96.

589 Cf. Communiqué de la Banque Mondiale, Les impacts économiques de la crise à Madagascar, avril et Octobre 2009. 590 Cf. Communiqué de la Banque Mondiale, Madagascar : A la recherche du temps perdu, Mémorandum économique du

104

maintenance sur l'une des centrales d'Antananarivo. La production va donc baisser pendant deux semaines. La mesure intervient sur fond de difficultés pour la Jirama et fond de crise politique pour les entreprises. La distribution de l'électricité est donc perturbée dans la capitale et ses environs durant 15 jours. Lorsqu'elles le peuvent, les usines doivent programmer leur production ou bien arrêter certaines machines. Les grandes entreprises font tourner les groupes électrogènes, une solution trop coûteuse pour les petites et moyennes entreprises déjà fragilisées par la crise politique actuelle. Elles s'attendent donc à d'importants ralentissements de production et à une mise en chômage technique. Les derniers grands délestages remontent à 2007 à Antananarivo mais les coupures intempestives sont fréquentes pour les usagers individuels comme pour les entreprises. Qu’il s'agisse de pannes, d'accidents, de problèmes de production ou encore de vol de câble électrique, la Jirama colmate les brèches techniques sur fond de grandes difficultés financières.591

Près de 10.000 emplois ont déjà été perdus suite à des fermetures d’usines. Des centaines d’entreprises sont actuellement en chômage technique partiel ou complet, avec souvent des demi-salaires. Les pertes se chiffrent en milliards, suite aux pillages et aux destructions. L’investissement public a diminué de 200 millions de dollars entre 2008 et 2009, soit de 30%.592 En outre, le circuit d’approvisionnement de certains produits de

première nécessité est perturbé. Beaucoup se posent actuellement la question de la provenance de l’huile et du riz vendus dans les firaisana ou « communes », car aucune cargaison de ces produits n’est arrivée par bateau durant les deux semaines pleines. En un mot la crise politique a des impacts négatifs directs sur la vie socio-économique de la population, c’est-à- dire sur les revenus et les dépenses de chaque ménage.593

Tableau 5.2 Evolution du revenu des ménages

Régions En baisse % En stagnation % En hausse % Alaotra Fitovinany Itasy Sava Sofia Vakinankaratra 50,0 72,6 49,2 64,1 73,4 36,5 39,1 19,4 39,7 26,6 18,8 38,1 10,9 8,1 11,1 9,4 7,8 25,4 Source: Enquête ROR (Réseaux d’observatoires ruraux)

591 Cf. RFI, Madagascar, La Jirama gère les délestages et les effets de la crise malgache, 24 août 2011. Disponible sur :

http://www.rfi.fr/afrique/20110824-jirama-gere-delestages-effets-crise. Consulté 14 mars 2013.

592 Cf. T. RALAMBOMAHY, Madagascar dans une crise interminable, op. cit., p. 66. 593 Cf. N. ANDRIANIRINA, Madagascar dans la tourmente, op. cit., pp. 45-46.

105

Les sources de revenus de beaucoup de ménages ont baissé tandis que les dépenses ont augmenté à cause de l’inflation. En général, les hausses de dépenses concernent plus des zones où les ménages ont des habitudes de consommation plus diversifiées, et qui sont plus connectés au marché des principaux biens de consommation. Les ménages les plus touchés par l’augmentation des dépenses se trouvent dans les régions : Vakinankaratra, Sofia, Alaotra. Ce sont des régions qui sont bien fournies en structures d’approvisionnement et qui recensent des franges de ménages plus aisées.

Celles-ci sont les plus touchées par la hausse des prix des biens ou des produits frais qui pourraient être qualifiés de luxe : aliments élaborés (de type yaourt pour les enfants), frais de scolarité dans les écoles privées, carburant pour les déplacements en véhicule ou le fonctionnement des groupes électrogènes, etc.594 La violation de la déontologie politique a

toujours des effets négatifs considérables sur la croissance économique du pays. Il est évident que si la croissance économique est en panne dans un pays, la réalisation du bien commun diminue aussi. Ainsi, les impacts négatifs de la violation de la déontologie politique ont des répercussions directes : non pas seulement sur le plan sociopolitique et économique mais aussi sur le plan socioreligieux.

Outline

Documents relatifs