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Un regard croisé sur l'interdiction des concentrations d'entreprises entre le droit de l’UEMOA et UE (Français) dans le cadre de la protection

Paragraphe II- L'interdiction des concentrations d'entreprises

B- Un regard croisé sur l'interdiction des concentrations d'entreprises entre le droit de l’UEMOA et UE (Français) dans le cadre de la protection

des consommateurs

Au vu des précédents développements, il est opportun de retenir que contrairement au droit de l’UEMOA, les contrôles européen et français des opérations de concentration d'entreprises se font indépendamment de ceux des abus de position dominante et visent un triple objectif, que sont : d'abord, prévenir les modifications structurelles de nature à porter atteinte à la concurrence ; ensuite, apprécier le bilan économique de la concurrence ; et enfin apprécier les opérations au regard des prohibitions des comportements anticoncurrentiels. La réalisation de l'ensemble de ces objectifs constitue un moyen de protection collective et indirecte des consommateurs de l'espace économique concerné. Ainsi on constate que ces objectifs sont plus au moins identiques à ceux visés par la législation de l’UEMOA sur la prohibition de concentrations d'entreprises. Cependant, en réalité, ils ne sont rien d'autre que des moyens préventifs des abus de position dominante qui surviendront à l’issue d'une opération de concentration d'entreprises. C’est pour cette raison que le législateur de l’UEMOA n’a pas voulu y consacrer des disposions spécifiques à la différence de ses homologues européen et français. Il assimile donc les concentrations d'entreprises aux abus

206 Ibid, p. 30. 207 Ibid, p. 33. 208 Ibid, p. 30.

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de position dominante209. Il préfère en effet les contrôler lors de l’examen d'un cas d'abus de position dominante, ceci nous permet de déduire que toutes les opérations de concentration ne sont pas soumises au contrôle ou du moins ne subissent pas les mêmes traitements. La position de la Commission de l'UEMOA dans sa décision du 2/2005/COM permet de constater que le juge communautaire en restreignant le contrôle des concentrations d’entreprises aux seuls cas susceptibles de déboucher à un abus de position dominante a respecté à la lettre l'esprit de la législation communautaire210. En l’espèce, le contrôle de

l'opération de concentration qui s'est fait préalablement à celui de l'abus de position dominante a été de moindre importance, puisqu'il ne visait pas explicitement ou implicitement à sanctionner l'opération de concentration proprement dite, mais un moyen qui conduira à sanctionner les abus de position dominante qui résulteront de celle-ci. Par ailleurs, quelques années plus tard la Commission de l'UEMOA a suivi la position de la jurisprudence de 2005 lors du projet de concentration entre les sociétés UNILEVER-CI, SIFA, COSMIVOIRE,

PALMCI, NAUVU, PHCI, SHCI et SANIA. En l’espèce, la Commission a conclu que

« l'opération de concentration notifiée ne crée ni ne renforce de position dominante et de ce fait ne tombe pas sous l'interdiction de l'article 88 (b) du Traité de Dakar en déclarant que les parts de marché détenues par les parties notifiantes sont moins importantes (13,9% de la consommation totale d'huile alimentaire du marché régional pour UNILEVER et COSMIVOIRE réunies et 28,6%)..., »211. A l’inverse, lorsque nous regardons de près la pratique décisionnelle européenne et française du contrôle des opérations de concentration d'entreprises, nous constatons que la Commission ainsi que les organes nationaux de contrôle de la concurrence ont un pouvoir d'appréciation très large sur les opérations de concentration d'entreprises qui leur permet de contrôler quasiment toutes les opérations de concentration d'entreprises indépendamment d'une situation d'abus de position dominante212, contrairement

209 Voir l’article 4 point 1, alinéa 2 du Règlement 2/2002/UEMOA dispose que, « sont frappées de la même

interdiction, les pratiques assimilables à l'exploitation abusive d'une position dominante, mises en œuvre par une ou plusieurs entreprises. Constituent une pratique assimilable à un abus de position dominante les opérations de concentration qui créent ou qui renforcent une position dominante, détenue par une ou plusieurs entreprises, ayant comme conséquence d'entraver de manière significative une concurrence effective à l'intérieur du marché commun ».

210 Dans les points 38 et suivants de la Décision 2/2005/COM/UEMOA, la Commission a conclu que West

Africa Pipeline Corporation (Wapco) et N-Gas, créent dans le cadre de la réalisation du projet Gazoduc de l'Afrique de l'Ouest, sont des entreprises communes au sens de l'article 4.3, c) du règlement 2/2002/UEMOA, mais elles ne constituent pas un cas d'abus de position dominante.

211 Voir Décision n° 009/2008/COM/UEMOA portant attestation négative à l'égard du projet de concentration

entre les sociétés UNILEVER-CI, SIFA, COSMIVOIRE, PALMCI, NAUVU, PHCI, SHCI et SANIA.

212 Les parts des marchés détenues par les entreprises parties à l'opération sont des critères de contrôlabilité

importants et qui permettent en même temps de déterminer la compétence nationale ou communautaire des organes de contrôle. Selon la communication rectifiée de la Commission européenne du 16 avril 2008, « le chiffre d'affaires est utilisé comme un indicateur des ressources et des activités économiques qui sont regroupées

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à la législation de l’UEMOA qui se focalise uniquement sur la position dominante ou non dominante issue d'une opération de concentration d'entreprises.

Le constat majeur est que les droits européen et français, en ne considérant que les effets (entrave significative à une concurrence) des concentrations d'entreprises pour procéder à leur contrôle, permettent au juge de prendre en compte tous les effets anticoncurrentiels qui ne débouchent pas forcement d'une situation de position dominante pour contrôler des opérations de concentration d’entreprises. Cependant, cette position du législateur européen ne semble pas être adaptée au contexte économique de l'UEMOA qui est composé d'un nombre important de PME dont le dynamisme est indiscutable, et un contrôle très strict des opérations de concentration comme en droit européen et français risquerait éventuellement de freiner le progrès de ces dernières et surtout le développement des regroupements d’entreprises locales et régionales pour faire face à la concurrence étrangère et internationale. Ceci nous permet aisément de comprendre pourquoi le législateur de l’UEMOA n'a pas voulu s'inspirer littéralement de ses homologues européens et français.

Au regard de la règlementation de l’UEMOA sur l’encadrement et le contrôle des opérations de concentration d’entreprises, nous pouvons déduire que le législateur a voulu, certes protéger les entreprises contre la concurrence internationale, mais aussi protéger implicitement les intérêts des consommateurs. Même si cela est difficilement perceptible, nous estimons qu’il serait erroné de notre part de le nier, puisque la volonté du législateur

dans le cadre d'une concentration (…) les seuils retenus servent à établir la compétence et non à apprécier la position sur le marché des parties à la concentration ni l'incidence de l'opération de concentration(...) ils ont pour objet de fournir un mécanisme simple et objectif que les entreprises participant à une concentration peuvent utiliser aisément pour déterminer si leur opération est de dimension communautaire et donc soumise à la notification ». Ce qui abouti d'une part à un contrôle communautaire des opérations de concentration ayant une dimension communautaire, c'est-à dire, « des concentrations d'entreprises possédant un chiffre d'affaire total commun au plan mondial d'au moins cinq (05) milliards d'euros; soit des concentrations d'entreprises disposant d’un chiffre d'affaire total d'au moins 250 millions d'euros réalisé par au moins deux entreprises à l'échelle communautaire ; Et un assouplissement en faveur d'une compétence nationale dans le cas d'une concentration dans laquelle deux des entreprises peuvent réaliser plus de 2/3 de leur chiffre d'affaires à l'intérieur d'un seul Etat membre même si elle dépasse les 250 millions d'euros. Un autre assouplissement prévu par l'article 1-3 du Règlement précité permet d'éviter qu’une opération de concentration soit notifiée auprès de plusieurs Etats membres, mais relèvera d'une opération à dimension communautaire. Dans ce cas, le seuil principal doit s'élever à 2,5 milliards d'euros et dans chacun d'au moins trois des Etats membres le chiffre d'affaires total réalisé par toutes les entreprises concernées doit être supérieur à 100 millions d'euros et le chiffre d'affaires réalisé individuellement par au moins deux des entreprises concernées doit être supérieur à 25 millions d'euros », voir l’article 1 et 2 du Règlement 139/2004/CE. En dehors des cas précités, les autres opérations de contrôle relèveront de dimension nationale. Toutefois, outre les critères des parts de marché, les effets des opérations de concentrations sont indispensables pour déterminer leur caractère anticoncurrentiel. C'est à dire que les organes de contrôles doivent vérifier si l'opération en question est en mesure de fausser le jeu normal de la concurrence sur le marché en cause indépendamment d’un abus de position dominante.

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communautaire de protéger les consommateurs par le contrôle des opérations de concentration d’entreprises s’apprécie précisément dans son choix de contrôler les abus de position dominante via le contrôle des concentrations d’entreprises. En effet, le législateur de l’UEMOA estimerait, qu’une simple opération de concentration d’entreprises ne pourrait à elle seule porter atteinte de manière directe ou indirecte aux intérêts économiques des consommateurs ou à la concurrence. Au contraire, cela renforcerait la compétitivité des entreprises locales et par voie de conséquence permettrait d’accroître le bien-être des consommateurs de la zone de l’UEMOA. Cependant, comme nous l’avons si bien souligné dans nos développements précédents213, une opération de concentration d’entreprises qui

occasionne une exploitation abusive de la position dominante de celle-ci, et qui empiète sur le jeu normal de la concurrence, serait contrôlée voire sanctionnée par la Commission. De telles opérations de concentration déstabilisent non seulement les entreprises concurrentes, partenaires, mais aussi par ricochet les avantages économiques des consommateurs. C’est ainsi que le législateur de l’UEMOA a donc décidé d’octroyer beaucoup de pouvoir à la Commission de l’UEMOA dans l’appréciation des opérations de concentrations d’entreprises.

En somme, les pratiques prohibées précédemment étudiées ne sont centrées que sur les comportements des entreprises. Cela ne signifie pas que les pratiques anticoncurrentielles dont traite le droit de l’UEMOA se limitent seulement à ces trois cas. A la simple lecture de l'article 2 du règlement 2/2002/UEMOA du 23 mai 2002, nous constatons que ces dispositions donnent une définition extensive des pratiques anticoncurrentielles. Elles disposent que, « constituent des pratiques anticoncurrentielles, les ententes illicites, les abus de position dominantes (les concentrations d'entreprises qui sont traitées à l'occasion d'un examen d'abus de position dominante) ainsi que les aides publiques ou toutes autres mesures prises par un État pour octroyer un avantage quelconque à une entreprise »214. Ceci nous amène à examiner

dans nos prochains développements le cas des aides publiques aux entreprises.

213 Voir le point (b) de la sous-partie (2) du titre (B) intitulé : la protection des consommateurs par un contrôle

des abus de position dominante, p.47-48.

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Section II- Une cohérence dans l'interdiction des aides publiques aux

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