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Les implications du monopole d’instruction par la Commission dans l’optique de la protection des consommateurs

b Le respect des droits des contrevenants

B- Les implications du monopole d’instruction par la Commission dans l’optique de la protection des consommateurs

L'instruction étant une phase préliminaire importante, sa bonne mise en œuvre conditionne la suite de la procédure. Le législateur de l’UEMOA conscient de cette réalité et aussi en connaissance des faibles moyens humains, techniques, matériels ainsi que du manque d’expérience des organes nationaux de contrôle de la concurrence, a concentré tous les pouvoirs d'instruction sur l'organe communautaire, en l'occurrence la Commission. Même si a

priori cette monopolisation de l'instruction semble être bien fondée (2), elle ne demeure pas

sans inconvénients (1).

1- Les inconvénients de la monopolisation de l'instruction par la

Commission

Comme dans toutes les procédures judiciaires, l'instruction de la Commission nécessite une attention particulière afin de réunir tous les éléments matériels nécessaires qui permettront de constater l'infraction aux règles communautaires de la concurrence et aussi d'inculper le ou les auteurs concernés. Elle a donc pour objet de permettre à la Commission de recueillir tous les renseignements et la documentation nécessaires afin de vérifier la réalité et la portée d'une situation de fait et de droit déterminée346. Fort de ce constat, nous nous

appuierons sur les précédents développements347 pour soutenir que la monopolisation des

pouvoirs d'instruction au sein de la Commission peut constituer un handicap à la recherche des éléments de preuve d'inculpation. En effet, nous avons vu précédemment que pour recueillir les avis des présumées contrevenantes par rapport aux griefs qui ont été retenus contre elles, le législateur oblige la Commission à entendre leur version des faits. A ce titre, la Commission convoque les personnes concernées afin de les auditionner. Cette procédure d'audition constitue un moyen de défense efficace pour les entreprises présumées contrevenants, mais telle qu'elle est organisée en droit de l’UEMOA, elle peut être une contrainte pour celles-ci348, voire être nuisible pour ceux qui ont un intérêt indirect à l'inculpation et à la condamnation des présumées contrevenantes puisque, pour les besoins de l'audition, les entreprises présumées contrevenants doivent se déplacer au siège de la

346 Voir CJCE, 18 oct. 1989, aff. Orkem.

347 Voir le sous-point (2) intitulé « l'instruction de la Commission », p.82. 348 Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p. 167.

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Commission. Cette lourdeur procédurale, qui peut engendrer des coûts de déplacement pour celles-ci pourrait les amener à s’abstenir de se rendre à la convocation de la Commission. C'est ainsi que certains auteurs spécialistes du droit de la concurrence se posent les questions suivantes : les entreprises sont-elles obligées de répondre à la convocation de la Commission et quelles seraient les conséquences de leur refus d’y répondre349 ? Le droit de

l’UEMOA est resté muet sur ces interrogations350. Ce silence peut d’avantage encourager les

refus de répondre aux convocations de la Commission et de tels refus constitueraient ainsi un handicap à la bonne marche de l'instruction.

En dehors du cas de l'audition, il faut ajouter que le législateur européen a évolué vers un système de décentralisation des compétences. Il a été adopté par le Règlement n°1/2003/CE et consiste en une application du droit communautaire de la concurrence à deux niveaux, notamment national et communautaire. Cela donne la possibilité aux autorités nationales de participer à la pratique décisionnelle, de se responsabiliser et aussi d'acquérir plus d’expérience en la matière. Au contraire, les autorités nationales de l’UEMOA sont dépourvues de rôle majeur dans la poursuite des contrevenants aux règles communautaires. Elles manquent d’expérience en la matière et sont traitées comme des structures inutiles dans l'organisation institutionnelle communautaire. De plus, nous pouvons imaginer qu'à l'avenir, la Commission sera submergée de dossiers à traiter du fait de son monopole d'instruction au détriment des structures nationales, cela risquerait d'affecter davantage la qualité des opérations d'instruction.

En dépit de ces désavantages mineurs, le monopole d’instruction adopté par le législateur de l’UEMOA pourrait se justifier par des fondements factuels et légitimes.

2- Le bienfondé de la monopolisation de l'instruction par la

Commission

La monopolisation de l'instruction par la Commission peut se justifier par le fait que, d'une part, le législateur de l’UEMOA a pris conscience du manque de moyens techniques, financiers et humains suffisant des autorités nationales de concurrence et, d'autre part, par le fait qu'il se soucie de l'impartialité de ces dernières lors de cette procédure d’instruction.

349 Ibid. 350 Ibid.

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En premier lieu, il faut souligner que les structures nationales de concurrence, à l'image de celles du Sénégal et du Burkina-Faso, sont des autorités administratives indépendantes composées de juristes et d'économistes mais qui travaillent sous l'autorité du Ministre de l'économie et du commerce, ce qui amène certains à dire qu'elles sont autonomes et non indépendantes351. C'est cette situation de « pseudo » indépendance qui met en doute la

crédibilité des actes qu’elles pourront éventuellement accomplir lors d'une procédure d'instruction. Cela justifie en partie le choix du législateur communautaire de centrer exclusivement tous les pouvoirs d'instruction dans l'enceinte de la Commission. En effet, cette exclusivité de compétence d'instruction au profit de la Commission trouve largement sa raison d’être en matière de contrôle des aides d’État, puisqu'à l'occasion d'une procédure de contrôle d'aide d’État, ce sont les États qui sont concernés et éventuellement qui sont poursuivis comme des contrevenants. Il est donc tout à fait raisonnable que l'instruction soit opérée par un organe quasiment indépendant afin d'assurer la clarté dans la dite procédure.

Par ailleurs, cette centralisation de l'instruction au sein de la Commission peut se justifier aussi par le fait que certains États ne disposent quasiment pas de structures nationales de concurrence et cela comblera ce vide institutionnel des États. Elle évitera dans un même temps la complexité des conflits de juridictions au sein du marché communautaire. En tant qu'organe communautaire, elle est surtout la mieux placée pour examiner les cas de pratique anticoncurrentielle internationale susceptibles d’avoir des effets négatifs sur le marché communautaire352. Ainsi, à défaut d’un ordre international de concurrence pour veiller au contrôle de la concurrence internationale353, l’ordre communautaire semble être le moyen idéal pour combler l’incompétence ou la défaillance des structures nationales de la concurrence.

En somme, nous pouvons déduire des développements précédents que les avantages du monopole d'instruction de la Commission semblent prendre le dessus sur ses inconvénients. Evidemment cela contribue à garantir un bon contrôle de la concurrence qui pourrait être profitable aux consommateurs de la zone de l’UEMOA. L'étendue de ce monopole jusqu'à la prise de décision semble donc être raisonnable.

351 Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p.198. 352 Voir Mor BAKHOUM, op.cit., p.180.

353 Pour de plus amples développements, voir Ali Cenk KESTIN, Pour un nouveau droit international de la

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Paragraphe II- L'exclusivité des pouvoirs de décision de la

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