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Paragraphe II- Le contenu de l'interdiction communautaire des aides publiques

B- L’interdiction des aides publiques et son implication dans le cadre de la protection des consommateurs

Malgré une stricte règlementation des aides publiques interdites par les textes internationaux, notamment ceux de l'OMC issus des accords d’Uruguay et de Marrakech, les interventions étatiques ne semblent pas être éradiquées sur le marché mondial260. Cette interdiction, du fait de son importance sur l’état de la concurrence et de ses enjeux économiques, relève évidemment du pouvoir exclusif des organisations régionales ou sous- régionales (UE, UEMOA, CEDEAO). En effet, le législateur fait une distinction entre les aides déclarées interdites à l'issue d'un contrôle et celles qui sont interdites d'office. Pour ces derniers cas, il s'agit de toutes les formes d'aides susceptibles de fausser le jeu normal de la concurrence sur le marché communautaire. Elles sont dites, « aides interdites de plein droit » sans qu'aucun examen de contrôle conformément aux dispositions de l'article 2 alinéa 2 du Règlement précité ne soit nécessaire, c’est-à-dire qu'elles sont nulles de plein droit et sont prohibées systématiquement sans qu'il n’y ait besoin de procéder à leur contrôle préalable. Elles sont notamment, d'une part « des aides publiques subordonnées, en droit ou en fait, soit exclusivement, soit parmi plusieurs autres conditions, aux résultats à l'exploitation vers les autres États membres »261; d'autre part, « des aides publiques subordonnées, en droit ou en

fait, soit exclusivement, soit parmi plusieurs autres conditions, à l'utilisation de produits nationaux de préférence à des produits importés des autres États membres »262. Cependant, en

réalité, l’interdiction systématique des aides publiques sans aucun contrôle préalable de l’organe communautaire parait difficile, puisqu’en effet les états membres sont à la fois victimes et auteurs de ces interdictions. Ils ne se privent pas de prendre des mesures nationales afin de dynamiser leur économie ou de favoriser la consommation des produits et

260 Voir Etats-Unis : affaire sur les subventions concernant le coton « upland » sur le site de l’OMC

(http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/cases_f/ds267_f.htm).

261 Voir l’article 4, a), du règlement 4/2002/UEMOA. 262 Voir l’article 4, b), du règlement 4/2002/UEMOA.

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services nationaux alors même que ces mesures sont interdites. Il faut donc une saisine de la Commission par un tiers Etat victime de ces-dites pratiques afin de pouvoir se prononcer sur leur qualité d’ « aides interdites » ou d’ « aides admises ». A ce titre, on peut citer de nombreuses affaires récemment en cours de traitement auprès de la Commission de l’UEMOA. Il s'agit notamment, entre autres de l'affaire de la farine du Mali, dans laquelle il est reproché par le Sénégal à l'État malien d'opérer des restrictions à l'importation de farine en provenance du Sénégal avec notamment l'exigence, comme condition d'importation de farine dans ledit pays, de la commercialisation préalable d'une quantité équivalente de la production de l'industrie locale. Egalement, l'affaire du Textile, dans laquelle la Société Africaine de Transformation de la Ouate de Cellulose Industrielle de la Cote d'Ivoire (SATOCI-CI)

dénonce des restrictions opérées sur ses produits textiles vers le Mali, du fait de l'application d'un protocole d’accord relatif à la production et à la distribution des produits textiles à base de coton signé entre les opérateurs en activité au Mali. L'abondance des affaires relatives à des aides favorisant l'exportation ou la consommation des produits nationaux devant la Commission de l’UEMOA justifierait le non respect des règles afférentes. Nous pouvons en déduire que la volonté du législateur d’interdire d’office certaines aides publiques paraît inapplicable. Il appartiendrait donc à la Commission de les contrôler efficacement car il y va de l’intérêt du marché commun et particulièrement des consommateurs. C'est dans ce sens que la doctrine soutient que l'interdiction de plein droit des aides favorisant les exportations et la consommation des produits nationaux se justifie par les effets néfastes qu'elles peuvent avoir sur le marché commun, puisqu'elles traduisent une préférence et un favoritisme au profit des entreprises nationales et des produits locaux263. Cela pourra affecter de façon importante la diversité de choix des consommateurs et remet totalement en cause les objectifs visés par le traité de DAKAR.

Par ailleurs la situation des PME (petites et moyennes entreprises) et celle des entreprises en difficulté demeurent très préoccupantes car la configuration économique de l’UEMOA est caractérisée par un grand nombre de PME et entreprises en difficulté et il y a lieu de s'interroger sur leur sort par rapport à l'interdiction des aides264. Ainsi, le législateur de

l’UEMOA n’a, à aucun moment, fait cas de cette problématique. Il semble se désintéresser du sort de ces dernières. Aussi, le manque de pratique décisionnelle en la matière ne permet pas de surmonter cette ambiguïté. Toutefois, ce silence du législateur peut laisser apparaître une double déduction sur les aides aux PME et entreprises en difficulté. Soit on le considère

263 Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p. 121. 264 Ibid, p. 122.

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comme une interdiction implicite, soit a contrario une admission implicite du législateur. Cette dernière déduction semble soutenable, puisque, lorsque nous nous focalisons sur le principe selon lequel les règles protectrices de marché relèvent de l'ordre public économique, et dont il est impératif, comme en matière pénale, qu'il y ait des textes qualifiant et sanctionnant les infractions concernées, nous pouvons interpréter le silence du législateur comme une admission implicite des aides publiques aux PME et entreprises en difficulté en droit de l’UEMOA.

Retenons qu’en droit comparé, même si le législateur européen n'accorde pas un traitement de faveur aux entreprises en difficulté, la Commission quant à elle, a été diligente envers ces dernières par rapport aux aides publiques265. En effet, la Commission européenne a

assoupli le principe d'interdiction des aides publiques en faveur des entreprises en difficulté seulement dans deux cas précis. Il s'agit, d'une part, des cas de restructuration d'entreprises266

et, d'autre part, des cas de sauvetage d'entreprises267. L'aide à la restructuration, qui est la plus

usitée, a été strictement encadrée268 de telle sorte qu'elle soit conforme dans sa mise en œuvre

avec les objectifs de l'Union européenne269. Cette solution de la Commission a été en partie

motivée par les divergences entre les politiques nationales en matière d'aides aux entreprises en difficulté et les objectifs de la communauté.

Quant aux PME, leur situation par rapport aux aides publiques a été assouplie par le règlement n° 994/98/CE du Conseil du 8 mai 1998. Ainsi, ces assouplissements apportés par les lignes directrices de la Commission et le précédent règlement européen en matière d'aides

265 Voir la Commission européenne, lignes directrices communautaire pour les aides au sauvetage et à la

restructuration des entreprises en difficultés, JO, C 368,23.12.1994 et révisées en 1997 et en 2004.

266 Voir, Commission européenne, décision du 28 nov. 2007 relative à l'aide de la Pologne en faveur de

Techmatrans SA, JOUE, n° L 86 du 28 mars 2008 ; décision du 27 juil. 1994, JOCE n°L 254 du 30 sept. 1994 ; décision du 26 juil. 1995 JOCE n° 308 du 21 déc. 1995 ; décision du 8 mai 2001 relative à l'aide de l’État Allemand en faveur de Philipp Holzmann AG, JOCE n°L 248 du 18 sept. 2001.

267 Selon les lignes directrices de la Commission européenne, l'aide à la restructuration d'une entreprise en

difficulté est un procédé visant à restaurer la viabilité à long terme de l'entreprise et à assurer sa transition sans obstacle vers une nouvelle structure qui lui donne des perspectives de viabilité à long terme et la possibilité de fonctionner avec ses propres ressources sans devoir faire appel à l'aide publique. Quant à l'aide au sauvetage, elle permet de soutenir temporairement une entreprise placée devant une détérioration importante de sa situation financière par une crise aiguë de liquidités ou une insolvabilité technique, en vue de déterminer les causes de ces difficultés et d'en déterminer les remèdes.

268 Voir Point 3.2.2 des lignes directrices communautaires pour les aides d’État à la restructuration et au

sauvetage des entreprises en difficulté donnent les conditions d'application de l'aide à la restructuration des entreprises en difficulté : Un retour à la viabilité à long terme de l'entreprise dans un délai raisonnable , ce qui suppose, entre autres , l'abandon des activités structurellement déficitaires et la possibilité de couvrir tous les coûts ; prévention des distorsions de concurrence indues par une réduction ou une fermeture définitive des capacités de production ; proportion entre les coûts et les avantages de la restructuration ; mise en œuvre complète du plan et respect des conditions imposées par la Commission ; contrôle de celle-ci à laquelle des rapports annuels détaillés doivent être adressés. »

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aux PME et les entreprises en difficulté pourront inspirer le législateur et la Commission de l’UEMOA. Cela éviterait notamment que les PME et les entreprises en difficulté ne soient pas à la traîne et se voient rachetées par les grandes entreprises concurrentes. A long terme cette situation pourrait occasionner une situation de monopole dans certains secteurs d’activité et par conséquence désavantager les consommateurs locaux.

Par ailleurs, une autre problématique très importante qui mérite d’être soulignée est celle de la culture du service public dans le mode de consommation des consommateurs de la zone de l’UEMOA. En effet, la culture du service public a pendant longtemps influencé la consommation de certains biens et services dans la zone de l’UEMOA270. Le passage à

l’économie de marché entraîne un bouleversement radical dans leurs habitudes de consommation. L’économie de marché se voulant un marché libéral avec le transfert des moyens de production dans les mains des privés (capitalistes), on assiste à une disparition progressive de l’État dans les affaires privées pour se contenter du rôle d’« État gendarme ». Cette désétatisation entraîne logiquement une forte baisse de la notion de service public dans le mode de consommation des consommateurs de la zone de l’UEMOA, qui pourtant sont toujours attachés à la culture des services publics du fait de leurs coûts très attractifs271. De

plus, sur certains marchés comme c’est le cas au Burkina-Faso, même avec le libéralisme économique, on retrouve dans certains secteurs d’activités272, un monopole de fait, en raison

d’un manque de concurrents locaux, alors que pour diverses raisons273, les contrats de consommation transfrontaliers ne sont pas assez développés pour permettre aux consommateurs locaux de diversifier leur choix de consommation avec d’autres professionnels issus d’État membre de l’UEMOA. Ceci oblige inévitablement les consommateurs locaux à subir les effets indésirables (augmentation injustifiée des prix, imposition des qualités des biens et services) des monopoles de fait274. Finalement, les

services publics sont remplacés par des monopoles de fait et au même moment plusieurs États prennent souvent des mesures nationales pour encourager la consommation des biens et services locaux afin d’entretenir ces monopoles de fait. Cela affecte considérablement les intérêts économiques et le bien-être des consommateurs, d’où l’importance de leur encadrement ainsi que de leur contrôle par des dispositions communautaires de l’UEMOA.

270 Il s’agit par exemple : des transports en commun, les énergies, l’éducation, les services de santé, etc. 271 Résultat de mes propres enquêtes sociales menées en septembre 2014 à Ouagadougou.

272 Par exemple dans le secteur de l’électricité et de l’eau.

273 Pour plus de développements, voir la Partie (II) de la présente étude, p. 182.

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