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Aux termes de l'article 1 point (b) du règlement 04/2002/UEMOA et conformément à l'article 88 (c) du traité de Dakar, est considérée comme aide publique, « toute mesure : (I) qui entraîne un coût direct ou indirect ou une diminution des recettes pour l’État ou ses démembrements ou tout organisme public ou privé que l’État institue ou désigne en vue de gérer l'aide ; (II) et confère aussi un avantage sur certaines entreprises ou certaines productions ; (...) ». En droit comparé, l'article 107 (paragraphe 1) du TFUE dispose que, « sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». Même si ces deux dispositions sont formulées différemment, il ressort un fond commun entre elles. Il s'agit notamment d'éléments caractéristiques d'aide publique, que sont, d'une part, l'origine étatique de l'aide (A) et, d'autre part, les faveurs accordées (B).

A- L'origine « étatique » de l'aide publique

S'agissant de l'origine étatique de l'aide, il est évident que l'appréciation de la notion d’État pourrait soulever d’énormes difficultés. Elle pourrait être entendue ici de manière plus large. Sur ce point la jurisprudence européenne a fortement inspiré le législateur de l’UEMOA puisqu'il a repris à la lettre la position de la CJCE dans l'affaire Van der e.a. du 2 février 1988. Ainsi, la CJCE a déclaré qu'« il n'y a pas lieu de distinguer entre les cas où l'aide est accordée directement par l’État (ou par des entités régionales et locales de l’État) et ceux où l'aide est accordée par des organismes publics ou privés que l’État institue ou désigne en vue de gérer l'aide »221. Cette position a été également suivie par la jurisprudence de l’UEMOA

n°06/2004/COM/UEMOA portant décision de ne pas soulever d'objection à l'égard des lois portant diverses dispositions relatives au régime juridique et fiscal unique et harmonisé applicable dans la République du Bénin et dans la République du Togo dans le cadre de la réalisation du projet de Gazoduc de l'Afrique de l'Ouest. En effet dans cette affaire, le Bénin et le Togo avaient notifié à la Commission de l' UEMOA dans le cadre de la réalisation du projet

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de Gazoduc de l'Afrique de l'Ouest un projet de mettre en place un régime juridique et fiscal harmonisé qui comporterait, d'une part, une exemption sur le bénéfice industriel et commercial (BIC) pour une période de cinq (05) ans et, d'autre part, une exonération totale des droits de douanes et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les biens d'équipement nécessaires à la réalisation du projet. Ainsi, la Commission a qualifié ces mesures comme étant de l’aide publique conformément aux dispositions de l'article 1 du règlement 4/2002/UEMOA222. Cette décision a été une occasion pour la Commission de confirmer

l'originalité étatique de l'aide comme étant un élément caractéristique d' « aide publique », puisque évidemment, les mesures fiscales et douanières relèvent du pouvoir législatif et réglementaire d'un État. La Commission en soulignant que « (…) être octroyée par l’État ou au moyen des ressources d’État, (...) »223, fait mention de l'implication inévitable de l’État,

quelque soit ses moyens d'intervention, pour qu'on puisse parler d'aide publique. Sur ce point, la jurisprudence européenne a été plus précise que celle de l'UEMOA. En effet, un arrêt de principe a éclairé l’ambiguïté qui existait entre « les aides accordées par un État » et les aides accordées « au moyen de ressources d’État »224. Dans cette affaire, la CJCE a affirmé que « la

distinction entre ces deux notions ne signifie pas que tous les avantages consentis par un État constituent des aides, qu'ils soient ou non financés au moyen de ressources étatiques, mais vise seulement à inclure dans cette notion les avantages qui sont accordés directement par l’État ainsi que ceux qui le sont par l’intermédiaire d'un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État»225. Ce principe jurisprudentiel va dans le même sens qu'une précédente jurisprudence qui affirmait qu'il faut un sacrifice de ressources d’État pour qu'il y ait une aide d’État226. Étant donné que la jurisprudence européenne a toujours inspiré fortement la Commission de l'UEMOA, on espère évidemment que ça sera ainsi pour les affaires récentes qui sont en cours de traitement devant la Commission de l'UEMOA. Il s'agit notamment de l'affaire SOCOCIM entre État du Sénégal et Ciment du Sahel227, relative aux exonérations d’impôts accordées sur les importations d'emballages en papier Kraft et l'affaire concernant les exonérations de TVA appliquées par le Burkina Faso, la Cote d'Ivoire et le Mali sur les intrants et emballages destinés à la fabrication et au conditionnement de produits phytosanitaires. Ainsi, dans ces affaires, il était question d'exonération d’impôts et de TVA qui sont des domaines relevant du pouvoir discrétionnaire et exorbitant de droit commun d'un

222 Voir les points 13 et 14 de la décision n°06/2004/CM/UEMOA. 223 Ibid.

224 Voir CJCE, 7 mai 1998, Viscido e.a. C/Ente Poste Italiane. 225 Ibid.

226 Voir CJCE, 30 Nov. 1993, Kirsammer-Hack. 227 Voir www.uemoa.int.

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État. En s'inspirant de la jurisprudence européenne ne pourrait-on pas apprécier ces avantages étatiques (exonération d’impôts et de taxes) sous l'angle d'aides publiques ? Puisque, nous savons que de telles exonérations sont susceptibles d'entraîner automatiquement une diminution des recettes de l’État, elles peuvent donc être considérées comme des aides indirectes provenant d’un organisme public. Sur ce point, nous louons un arrêt de la CJCE qui en a apporté un éclairage en prétendant qu'« une mesure par laquelle les autorités publiques accordent à certaines entreprises une exonération fiscale qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État, qui place les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que les autres contribuables constitue une aide d’État au sens de l'article 107 paragraphe 1 TFUE »228. Ensuite, la CJCE tout en continuant dans cet ordre d'idée a évolué

pour s’intéresser au volet social, c'est-à-dire aux exonérations des charges sociales aux entreprises229. À cette occasion la CJCE a précisé que : « le caractère social des interventions

étatiques ne suffit pas à les faire échapper d'emblée à la qualification d'aides publiques »230.

B- Les faveurs accordées

Il faut souligner que le second élément caractéristique de la notion d'« aide publique » notamment la faveur consentie de manière sélective à une ou plusieurs entreprises, a été bien précisé par les textes. Ainsi, aux termes du dernier alinéa de l'article 1, (b) du règlement 04/2002/UEMOA, est considérée comme aide publique « toute mesure(…) et confère ainsi un avantage sur certaines entreprises ou sur certaines productions ». Cette disposition ne s'éloigne pas du paragraphe (1) de l'article 107 TFUE. Au regard de ces textes, on se rend compte qu'ils n'ont pas été trop détaillés pour donner des précisions sur ce qu'on pouvait entendre à travers la notion de « faveur » ni même donnés des exemples de « faveur ». Toutefois, nous pouvons imaginer que toutes les mesures susceptibles de diminuer les recettes de l’État au profit d'une entreprise peuvent être assimilées à des faveurs. Cette appréciation très large de la notion de faveur ressort explicitement dans la décision n°06/2004/COM/UEMOA de la Commission de l'UEMAO. A cet effet, elle prétend qu'une faveur est assimilée à une aide publique dès lors qu'elle peut « procurer à ses bénéficiaires un

228 Voir CJCE, 15 mars 1994, Banco exterior de Espana ; CJCE, 19 sept. 2000 Allemagne c/Commission ; voir

aussi la Communication de la Commission sur l'application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises, JOCE, n° C 384 du 10 déc. 1998, p. 3.

229 Voir CJCE, 5 oct. 1999, France c/Commission, « Allègement des charges sociales en contrepartie des coûts

résultant pour les entreprises d'accords collectifs en matière d'aménagement et de réduction du temps de travail ».

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avantage qui allège les charges qui normalement grèvent leur budget »231. Elle sera ensuite plus précise dans sa définition en donnant des exemples de faveurs rangées dans la catégorie d'aides, en énonçant que « ces faveurs peuvent se traduire par la réduction de la charge fiscale sous diverses formes notamment, par une réduction de l’assiette imposable totale ou partielle du montant de l’impôt, ajournement ou annulation de la dette fiscale »232. Sur ce point la

jurisprudence européenne a été plus enrichissante. Elle soutient en effet qu'une mesure n'est pas considérée comme aide par rapport à ses objectifs ni à ses causes, mais plutôt par rapport aux effets qu'elle produira233. Autrement dit, la faveur peut être considérée comme tout

soutien de la personne publique fait dans l’intérêt exclusif d'une tierce personne sans aucune condition préalable. C'est ainsi que la doctrine européenne la qualifie comme un « enrichissement sans contrepartie »234. Cet enrichissement peut être réalisé, soit par une

augmentation d'actif comme le cas des subventions d’État, soit par une diminution de passif comme le cas d'exonération totale ou partielle de charges fiscales ou sociales. Au-delà de ces moyens proprement dits, ce qui caractérise plus précisément les faveurs est leur gratuité absolue ou relative au profit d'une tierce personne235.

Par ailleurs, les textes ne précisent pas la qualité de la tierce personne bénéficiaire des faveurs publiques dans leur qualification d'aide publique, c'est-à dire, s'il s'agit des personnes privées, publiques, morales ou physiques puisqu'ils se contentent seulement de dire que, « (...) et confère ainsi un avantage sur certaines entreprises ou sur certaines productions ». Mais évidemment on pourrait interpréter de manière large ce dernier alinéa et en déduire qu'il s'agit bien de toutes sorte d'entreprises indépendamment de leur statut juridique. Le libéralisme économique ayant pour principe de base la non intervention de l’État dans les affaires privées a contraint les États en développement et en particulier ceux de l'UEMOA à se désengager du secteur privé. La privatisation par l’Etat de ses entreprises publiques, comme l’a si bien souligné Florence GALLETI, procède, soit par un transfert de propriété (par une offre publique de vente, la cession des valeurs mobilières ou d’actifs,…etc.), soit par une séparation de la gestion et de la responsabilité de l’exploitation de la propriété236. Pourtant il subsiste

encore quelques entreprises publiques et même des monopoles publics dans les secteurs les

231 Voir le point (9) de la décision 06/2004/COM/UEMOA précitée. 232 Ibid.

233 Voir CJCE, 2 Juil. 1974, aff. Italie c/Commission « Allocation familiale dans le secteur textile ». 234 Voir André DECOCQ et Georges DECOCQ, op. cit., p. 513-526.

235 Ibid, p. 517-526.

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plus sensibles tels que dans le secteur des énergies237. Le marché de l’UEMOA comportant donc aussi bien des entreprises privées, publiques et même mixtes, les textes précités sont fort logiquement destinés à toute cette diversité d'entreprises. Dans le même ordre d'idée, la Commission européenne affirmait clairement son refus de distinguer entre entreprises

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