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Paragraphe I- Les compétences des structures nationales de la concurrence

A- La personnalité juridique des structures nationales de la concurrence

L'étude de la nature juridique des structures nationales de la concurrence (A) nous permettra de comprendre leur rôle limité dans le processus d'application de la législation communautaire de la concurrence (B).

A- La personnalité juridique des structures nationales de la

concurrence

Les structures nationales de la concurrence des États membres de l’UEMOA auxquelles nous nous intéresserons ici sont en quelque sorte des « survivantes » de l'interventionnisme étatique dans l'économie de marché. Leur rôle dans la surveillance de la bonne marche de la concurrence semble soulever diverses interrogations quant à leur impartialité dans les prises de décisions dans les contentieux de la concurrence. Après avoir examiné la nature juridique des autorités nationales de la concurrence (1), il serait important de cerner leurs caractéristiques principales (2).

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La nature administrative des autorités nationales de la concurrence

Pour bien appréhender la nature juridique des autorités nationales de la concurrence des États membres de l’UEMOA, nous procéderons à une approche comparative avec celle de la France. Les structures nationales sectorielles dans le domaine des énergies, de la télécommunication, du transport, de la finance, de l'agriculture et de l’élevage, etc., seront exclues du cadre de cette étude. Pour ne traiter que de celles qui ont des compétences générales, nous évoquerons d'abord le cas d'une des structures de la concurrence française, notamment la DGCCRF406 qui est en effet l'équivalent de l'IGAE (Inspection Générale des

Affaires Économiques) du Burkina-Faso. En effet, elles sont des structures qui relèvent du

406 Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes créée en 1985 de la fusion

de la Direction générale de la Concurrence et de la consommation (DGCC) et de la Direction de la consommation et de la répression des Fraudes (DCRF), dont les missions sont fixées par un décret du 12 décembre 2001. S'agissant des pratiques affectant un marché de dimension locale, dont le chiffre d'affaires individuel des entreprises concernées ne dépasse pas 50 millions d'euro, 100 millions en chiffre d'affaire cumulé, elle a le pouvoir d'enjoindre les entreprises concernées de mettre un terme à leur pratiques. Aussi, pour ces petites affaires de portée locale, elle a aussi un pouvoir de transaction, dont le montant ne peut excéder 75000 euros ou 5% du chiffre d'affaires en France de l'entreprise concernée, si cette valeur est plus faible (art. L. 464-9 du C. com. français).

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Ministère de l’Économie et du commerce et jouent un rôle de surveillance générale du bon fonctionnement de l'économie nationale pour recueillir toutes les informations nécessaires relatives à la concurrence pour les transmettre au Ministère concerné. À coté de cette direction, il y a également l’AC (l'Autorité de la Concurrence)407 française, qui n'est que l'équivalent de la CNCC (Commission Nationale de la Concurrence et de la Consommation)408 du Burkina-Faso et de la CNC (Commission Nationale de la Concurrence)

du Sénégal. Même si le législateur de l’UEMOA a omis de préciser la nature juridique de ces structures nationales, les législateurs nationaux, à l’instar de leur homologue français ont apporté plus de clarté409. Ainsi, ils disposent qu'elles sont des autorités administratives

indépendantes410. Cependant « la question de cette nature juridique de l’AC a pu être qualifiée

d'embarrassante parce qu'elle divise les auteurs et n'a pas donné lieu à une jurisprudence univoque »411. Certains auteurs pensent ainsi qu'elles peuvent être traitées comme des

juridictions civiles ou pénales, alors que d'autres réfutent cette prétention sous prétexte qu'elles ne sont saisies que de fait et non de contestation412. En revanche, d'autres prétendent

encore qu'elles sont des quasi-juridictions et les qualifient de « juridictions insolites »413. En

somme, sans trop vouloir entrer dans ces tendances doctrinales, nous retiendrons la qualification donnée par les dispositions du code de commerce français et celles de la loi Sénégalaise précitée. Ces dernières considèrent les structures nationales de concurrence comme des autorités administratives. De telles autorités administratives pourraient-elles être

407 Créée depuis 1953 sous la dénomination de la Commission Technique des ententes dont la compétence fut

étendue en 1963 aux abus de position dominante; puis Commission de la Concurrence en 1977-1986 et enfin en Conseil Concurrence 1986-2009 avant de devenir l'Autorité de la Concurrence le 2 mars 2009.

408 La CNCC est un organe consultatif. Elle est saisie de toutes les questions concernant la concurrence et la

consommation, notamment les textes pris en application de la loi n°15-94/ADP du 5 Mai 1994 portant organisation de la concurrence au Burkina Faso ; des pratiques anticoncurrentielles et les pratiques restrictives de concurrence ; des faits susceptibles d’infraction au sens de la loi sus visée, à la seule initiative de l’administration pour émettre son avis. Ainsi, dans le cadre cette loi, la CNCC joue essentiellement deux rôles : - un premier rôle exclusivement consultatif, qui ne lui permettait de prendre aucune décision pour sanctionner un opérateur économique. En outre elle ne pouvait être saisie que par le ministère chargé du commerce pour avis sur les problèmes de concurrence ou les plaintes déposées auprès de ce ministère par les opérateurs économiques contre d’autres opérateurs économiques ; - un deuxième rôle qui faisait de la Commission un observatoire du marché national. Elle devait, à la fin de chaque année, faire un rapport sur l’état de la concurrence et de la consommation dans le pays. 2) La modification apportée par la loi n°033-2001/AN du 04 décembre 2001. La modification intervenue en 2001 élargit les prérogatives de la CNCC sur essentiellement deux points. La saisine et le pouvoir de sanction. Désormais, en plus du Ministère du commerce, la CNCC peut être directement saisie par les opérateurs économiques ou leurs groupements professionnels, les associations de consommateurs légalement reconnues et la CNCC elle-même (auto-saisine).

409 Exemple de l'article 2 de la loi 2002-23 du Sénégal dispose que, « L'institution de régulation est une autorité

administrative indépendante dotée d'une autonomie financière et de gestion ».

410 Voir l’article L.461-1 du C. com. français.

411 Voir Anne-Lise SIBONY, le juge et le raisonnement économique en droit de la concurrence, L.G.D.J 2008,

p.42.

412 Ibid. 413 Ibid.

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véritablement indépendantes dans l’exercice de leur mission ?

2- Le caractère indépendant des autorités nationales de la

concurrence

Bien que l'indépendance des autorités nationales de la concurrence ait été explicitement précisée par les dispositions nationales414, dans la doctrine africaine, certains

auteurs soulèvent la problématique de la dépendance organique des autorités nationales de la concurrence et de leur dépendance financière pour rejeter leur caractère indépendant415. En

effet, la composition mixte (agents publics, juges professionnels, personnalités de profession libérale) de ces structures nationales de la concurrence nous rassure sur la qualité de leurs décisions. Cependant, cela ne semble pas être le cas quant à leur devoir d’impartialité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs attributions, d'autant plus que le domaine économique est très complexe, et divers facteurs très sensibles, tels que des facteurs sociaux (emploies, fiscalités), économiques (progrès économique, baisse de prix des biens et services), environnementaux (pollutions, nuisances) et de santé par exemple pourraient influencer ces structures nationales à s'éloigner de leur devoir d'objectivité (impartialité). Pour autant la nécessité d'une indépendance des autorités nationales de concurrence pourrait influer de façon importante sur la qualité de protection des consommateurs416.

En somme, même si l’indépendance des structures nationales de la concurrence a été clairement précisée par les législations nationales417, nous pensons que cette « pseudo »

indépendance ne garantira pas l’impartialité des structures nationales de la concurrence dans leur mission de surveillance du bon fonctionnement de la concurrence. C’est dans ce sens qu’elle est fortement contestée par la doctrine418. Ce doute d'impartialité des structures

nationales pourrait justifier la restriction de leurs compétences dans le cadre du contrôle de la concurrence en droit de l’UEMOA.

414 Voir l’article 2 de la loi du 2002-23 du Sénégal portant statut des autorités de régulation du Sénégal, op.cit. 415 Pour de plus amples développements, voir Mor BAKHOUM, op. cit., p. 198-203. ;

416 Voir Momar NDAO, op. cit., p.19.

417 Voir l’article 2 de la loi du 2002-23 du Sénégal portant statut des autorités de régulation du Sénégal, op. cit. 418 Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p.198-203.

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B- La limitation des compétences exclusives des autorités nationales

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