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Paragraphe I- La portée de l'interdiction des pratiques anticoncurrentielles en droit de l’UEMOA

B- L'interdiction des abus de position dominante des entreprises

L'article 88 (b) du traité de Dakar a posé les bases du principe d'interdiction des abus de position dominante. Ensuite l'article 7 du règlement 02/2002/UEMOA a précisé qu'« est incompatible avec le marché commun et interdit, le fait pour une ou plusieurs entreprises ou groupes d'entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie significative de celui-ci ». Cette interdiction du législateur de l’UEMOA n'est rien d'autre qu’une « pseudo » inspiration de celle consacrée par ses homologues européens dans l'article 102 de TFUE, ex article 86 CE ou 54 de l'accord EEE et français dans l'article L. 420-2 du Code de commerce. Cependant, une meilleure analyse des notions d'« abus » et de « position dominante » nous permettra de bien étayer les conditions de cette prohibition et ses éventuelles implications dans le cadre de la protection des consommateurs.

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1- La notion de « position dominante » en droit de la concurrence

De façon générale, une « position dominante » peut être décrite comme une situation dans laquelle une ou plusieurs entités (personnes physiques ou morales) détiennent une emprise ou une influence importante sur une ou plusieurs autres entités. Une telle situation est souvent guidée par un rapport de dépendance économique155 entre une partie en situation de

supériorité économique et une autre en situation d'infériorité. Le législateur de l’UEMOA a encadré la notion de position dominante sur deux angles, d'une part, « la position dominante par la place sur le marché » et, d'autre part, celle qui « résulte d'une opération de concentration ».

a

- La

position dominante par la place sur le marché

Le législateur de l’UEMOA définit la position dominante par la place sur le marché comme étant « la situation où une entreprise a la capacité, sur le marché en cause de se soustraire à la concurrence effective, de s'affranchir des contraintes du marché, en y jouant un rôle directeur »156. L'appréciation de l'existence d'une position dominante ne doit pas être arbitraire, elle nécessite une prise en compte de façon cumulative d'un certain nombre de facteurs clefs du marché157. Ainsi, le législateur de l’UEMOA sans avoir donné d’indications

(chiffres en pourcentage) très précises, fait référence aux parts de marché comme à des facteurs déterminants d'une position dominante158. Ce silence du législateur semble être

comblé par une récente décision de la Commission de concurrence de l’UEMOA. En effet, dans une affaire portant attestation négative à l'égard du projet de concentration entre les sociétés UNILEVER-CI, SIFA, COSMIVOIRE, PALMCI, NAUVU, PHCI, SHCI et SANIA, la Commission a conclu que « l'opération de concentration notifiée ne crée ni ne renforce une position dominante et de ce fait ne tombe pas sous l'interdiction de l'article 88 (b) du Traité de Dakar en déclarant que les parts de marché détenues par les parties notifiantes sont moins importantes (13,9% de la consommation totale d'huile alimentaire du marché régional pour

155 En effet, la jurisprudence française fait une distinction entre la dépendance économique du client (Cons.

Conc., 26 Mai 1998, aff. de la société SARL Parfum vanille) et celle du fournisseur (Cons. Conc., 16 juin 1996 affaire relative à des pratiques relevées dans le secteur de la publicité).

156 Voir la note 3, annexe 1 du règlement 2/2002/UEMOA.

157 Voir CJCE, arrêt du 14 fev. 1978, United Brands, aff. 27/76, Rec. 1978. 158 Voir la note 3 de l'annexe 1 du règlement 2/2002/UEMOA.

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UNILEVER et COSMIVOIRE réunies et 28,6%)..., »159. Ainsi, sur ce point, la Commission est allée dans le même sens que la CJCE mais demeure moins précise qu'elle puisqu’elle n'a pas indiqué de seuils maximum et minimum de référence comme l’avait fait la CJCE. En effet, dans l'affaire Hoffman-La Roche, la CJCE a déclaré qu' « en règle générale, les parts de marché inférieures à 20% excluent l'existence d'une position dominante parce qu'elles n'ouvrent pas en principe la possibilité de faire obstacle à la concurrence. Qu'en revanche les parts de marché de l'ordre de 50% et plus permettent de conclure à l'existence d'une position dominante. Et que pour ce qui est des parts de marché comprises entre les valeurs de référence précitées, il faut des moyens de preuve supplémentaires »160. On observe bien ici que la CJCE

a été très précise en indiquant des seuils (chiffres en pourcentage) de parts de marché permettant une appréciation objective de l'existence ou non d'une position dominante. On sait que la législation de l’UEMOA sur la concurrence est généralement inspirée de la jurisprudence française et européenne et si le législateur et la Commission de l’UEMOA ont omis de se rallier littéralement aux précisions de la CJCE par rapport aux seuils (chiffres en pourcentage) de contrôlabilité des positions dominantes, c'est tout simplement parce que la dimension géographique et l'intensité des échanges économiques sont différentes dans les deux systèmes161. Aussi le facteur des parts de marché ne demeure pas le seul critère sur lequel la Commission de l’UEMOA se base pour apprécier l'existence d'une position dominante. Cela ressort explicitement dans la deuxième et dans la troisième motivation qu'elle a avancées dans ses conclusions de l'affaire précitée. En l’espèce, elle prétendait que, « le pouvoir de marché est très dispersé autant pour le savon que pour l'huile alimentaire qui font l'objet d'échanges intracommunautaires considérables. Enfin, que les importations venant du reste du monde pour les huiles alimentaires et les savons occupent également une part significative sur le marché régional, et qu'elles exercent une pression concurrentielle très forte sur la filière oléagineuse locale »162. Cette décision de la Commission va littéralement dans le même sens que la législation de l’UEMOA qui dispose, qu'« outre le critère des parts de marché, d'autres critères notamment l'existence des barrières à l'entrée, l'intégration verticale ainsi que la puissance financière de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient doivent

159 Voir Décision n° 009/2008/COM/UEMOA portant attestation négative à l'égard du projet de concentration

entre les sociétés UNILEVER-CI, SIFA, COSMIVOIRE, PALMCI, NAUVU, PHCI, SHCI et SANIA.

160 Voir CJCE, arrêt du 13 fev. 1979, aff. Hoffman-La Roche, aff. 85/75, Rec. 1979. Voir aussi Commission CE,

LD (ligne directrice concentrations horizontales) point 17 et 18.

161 Voir Mor BAKHOUM, op. Cit. p. 48. 162 Voir COM/UEMOA, Décision précitée.

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être tenus compte pour apprécier l'existence d'une position dominante sur le marché »163.

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