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Paragraphe II- Le contenu de l'interdiction communautaire des aides publiques

A- Les aides publiques compatibles avec le marché commun

Selon les articles 2 et 3 du règlement 04/2002/UEMOA, certaines aides sont admises d'office (1) contrairement à certaines dont leur admission se fait sous des conditions bien déterminées. Il s’agit notamment des aides susceptibles d’être admises (2). C'est ce qui ressort aussi des paragraphes 2 et 3 de l'article 107 TFUE.

1- Les aides admises de plein droit

La première catégorie d'aides compatibles avec le marché commun sont consacrées à l'article 3 alinéa 1 du règlement précité et au paragraphe (2) de l'article 107 TFUE. Ainsi, un certain nombre d’aides « sont considérées comme compatibles avec le marché commun sans qu'un examen conformément aux dispositions de l'article 2.2 soit nécessaire (...) ». Après avoir affirmé la dérogation au principe d'interdiction des aides publiques, le législateur de l’UEMOA énumère une liste limitative de six (6) aides qui sont admises de plein droit sur l’espace communautaire. Il s'agit entre autres, « - des aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu'elles soient accordées sans discrimination liée à l'origine des produits240 ; - des aides destinées à remédier aux dommages causés par les

calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires ; - des aides destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt communautaire ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre; (...) »241. Ces trois premières dérogations

sont identiques à celles énoncées par le législateur européen sauf que ce dernier, dans sa dernière dérogation a précisé l’État membre, notamment l'Allemagne qui bénéficierait éventuellement de l'aide exceptionnelle. Cette précision se comprend aisément par la situation économique qu’enduraient certaines régions de l’Allemagne avant sa réunification.

Ensuite, le législateur de l’UEMOA va plus loin en prolongeant sa liste d'aides admises de plein droit par trois autres formes d'aides. Il s'agit notamment, « (…) ; - des aides à des activités de recherche menées par des entreprises ou par des établissements d'enseignement supérieur ou de recherche ayant passé des contrats avec des entreprises, si l'aide couvre au maximum 75% des coûts de la recherche industrielle ou 50% des coûts de l'activité de développement pré-concurrentielle; - des aides visant à promouvoir l'adaptation

240 Nous pouvons citer à titre d'exemple des primes accordées en France aux acheteurs d'automobiles « primes à

la casse » depuis l'année 2008 qui ont été admises.

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d'installations existantes à de nouvelles prescriptions environnementales imposées par la législation et/ou la réglementation qui se traduisent pour les entreprises par des contraintes plus importantes et une charge financière plus lourde, à condition que cette aide : soit une mesure ponctuelle, non récurrente, soit limitée à 20% du coût de l'adaptation; - des aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles ne restreignent pas la concurrence dans une partie significative du marché commun »242. Sur ces points, le

législateur de l’UEMOA s'est éloigné légèrement des textes européens pour être plus novateur en élargissant la liste des aides admises de plein droit sans un contrôle préalable de l'organe de contrôle communautaire en l’occurrence la Commission de l’UEMOA. Cela pourrait se comprendre évidemment par le fait que la situation économique des États membres de l’UEMOA est très en retard dans l'économie mondiale, de ce fait le législateur tente de donner un souffle d'émergence aux entreprises en assouplissant l’interdiction des aides publiques. Ce qui apparaît nettement sur les deux points d) et e) de la disposition précitée, dans lesquels le législateur manifeste clairement sa volonté d'encourager des entreprises championnes mondiales et aussi de prendre en compte les préoccupations environnementales. Enfin, sur le dernier point (les aides pour la promotion de la culture…), soucieux de l'amplification des valeurs culturelles étrangères dans le monde et en particulier dans l'espace communautaire de l’UEMOA, le législateur a pris le soin d'exempter les aides destinées à promouvoir et à sauvegarder les valeurs culturelles et patrimoniales locales à condition bien sûr qu'elles ne restreignent pas la concurrence sur le marché communautaire243. Cette position du législateur va dans le même sens que le principe de « l'exception culturelle »244. Sous le couvert de ce principe, le législateur essaye de promouvoir la consommation des œuvres artistiques et culturelles locales.

Par ailleurs, contrairement à son homologue européen qui n'en énumère que trois245, en

droit de l’UEMOA, la limitation à six aides admises ne demeure pas en réalité définitive, puisque les dispositions du règlement donnent la possibilité à la Commission de l’UEMOA

242 Voir l’article 3 alinéa 1 point d, e et f du règlement précité. 243 Voir l’article 3 alinéa 1 point f du règlement 04/2002/UEMOA.

244 Ce principe signifie que les œuvres culturelles et artistiques ne sont pas considérées comme des

marchandises, par conséquence elles ne peuvent bénéficier des subventions ou toutes autres aides de la part des États. Il a été défendu par la France avec le soutien de l'EU et de la francophonie et a été finalement consacré au sein du GATT en 1994.

245 Voir l’article 107 paragraphe 2 TFUE qui dispose que,: « a) les aides à caractère social octroyées aux

consommateurs individuels à condition qu'elles soient accordées sans discrimination liée à l'origine des produit ; b) les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires ; c) des aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne, affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division ».

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d'élargir cette liste par adoption d'un règlement d’exécution après consultation du Comité Consultatif246. Cette option permettra à la Commission avec la collaboration du Comité Consultatif de prendre en compte certaines situations particulièrement urgentes afin d’octroyer des aides particulières qui ne sont pas susceptibles de fausser la concurrence sur le marché communautaire. En outre, le législateur permet aussi à la Commission de prendre seule des décisions d’autorisation ou d’interdiction d’aides sur le marché communautaire247.

2- Les aides susceptibles d'être admises

S'agissant des aides publiques susceptibles d’être admises, elles sont consacrées par l'article 2 alinéa 2 du règlement 04/2002/UEMOA qui est l'équivalent du paragraphe (3) de l'article 107 TFUE. Il ressort de ces textes que certaines aides publiques sont admises sous certaines conditions. Ainsi, ces catégories d'aides se distinguent nettement des premières par le fait que le législateur prend en compte leurs effets sur le marché communautaire et donne la compétence à la Commission de les apprécier au cas par cas. A ce titre, il est donc fort logique qu'il n'en a pas dressé de liste limitative ni exhaustive, puisque la qualification d'une aide en « aide admise » ou « aide interdite » se fait en fonction de ses effets sur le marché communautaire et évidement à l’issue d’un examen de contrôle de la Commission. C'est ainsi que l'article 2 alinéa 2 du même règlement dispose que, « dans le cadre de l'examen de son impact des aides publiques sur le jeu de la concurrence, la Commission tient compte des besoins des États membres en ce qui concerne leur développement économique et social dans la mesure où les échanges entre les États et l’intérêt de la Communauté d'atteindre son objectif d'intégration ne sont pas mis en échec ». Ainsi, le législateur restreint la marge de manœuvre des États au profit de la Commission, qui se chargera de valider leurs propositions d'aides en fonction de leurs intérêts sur l'économie nationale de l’État membre concerné et aussi sur leurs éventuelles implications sur l’état de la concurrence communautaire en général.

Quant à son homologue européen, il a listé un certain nombre d'aides susceptibles d’être admises248. En effet, il emploie le verbe « pouvoir » en début du paragraphe (3) de

246 Voir l’article 3 alinéa 2 du Règlement 04/2002/CM/UEMOA.

247 Voir l’article 2 alinéa 2 du Règlement 04/2002/CM/UEMOA équivalent du paragraphe (3) de l’article 107

TFUE.

248 Voir l’article 107 paragraphe 3 TFUE, « peuvent être considérées comme compatibles avec le marché

commun : a) les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, b) les aides destinées à promouvoir la réalisation d'un projet d’intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un

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l'article 107 TFUE pour définir et énumérer un certain nombre d'aides susceptibles d’être compatibles avec le marché commun. Les quatre catégories d'aides consacrées par les quatre premiers points de ce paragraphe sont quasiment similaires à celles énumérées par l'article 3 alinéa 1 du règlement précité, c'est-à-dire des catégories d'aides admises de plein droit en droit de l’UEMOA et dont l'admission est motivée par leur bilan positif dans l'économie des États membres. De plus, contrairement à la législation de l’UEMOA, la Commission européenne dans une série de communication a défini les conditions auxquelles elle exempte certaines aides octroyées à certains secteurs d'activités249, notamment, dans le secteur des fibres

synthétiques250, de la pêche et de aquaculture251, des transports aériens252, du transport

maritime253, du secteur agricole254, etc. Ces exemptions, qui ne concernent que des secteurs

d’activité sensibles, devront inspirer à l'avenir le législateur et la Commission de l’UEMOA dans leur quête de dynamisme économique des entreprises locales contre la concurrence internationale.

Enfin, le législateur de l’UEMOA a apporté plus de précisions sur certains points, notamment en faisant une distinction entre l'« aide existante »255, l'« aide nouvelle »256,

l'« aide individuelle »257, l'« aide illégale »258, l'« aide appliquée de façon abusive »259. Cette

distinction semble a priori inutile mais pourra néanmoins avoir une grande importance dans

État membre , c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quant elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, d) des aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l’intérêt commun, e) les autres catégories d'aides déterminées par décision du Conseil statuant à la majorité qualifiée sur propositions de la Commission.

249 Voir André Decocq et Georges Decocq, op. cit., p. 545. 250 Voir les lignes directrices du 30 mars 1996, JOUE, n° C94. 251 Voir les lignes directrices du 1 sept. 1996, JOUE, n° C260. 252 Voir les lignes directrices du 10 déc. 1994, JOUE, n° C350. 253 Voir les lignes directrices du 5 juil. 1997, JOUE, n° C205. 254 Voir les lignes directrices du 2 fév. 1996, JOUE, n° C29.

255 Voir l’article 1, c), « (I) toute aide existant avant l'entrée en vigueur du Traité dans l’État membre concerné,

c'est-à-dire les régimes d'aides et aides individuelles mis en exécution avant, et toujours applicables, après la dite entrée en vigueur ; (II) toute aide autorisée, c'est-à-dire les régimes d'aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ; (III) toute aide qui est réputée avoir été autorisée conformément à l'article 7.6 du présent Règlement ; (IV) toute aide réputée existante conformément à l'article 17 ; (v) toute aide qui est réputée existante parce qu'il peut être établi qu'elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l'évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l'État membre. Les mesures qui deviennent une aide suite à la libéralisation d'une activité par le droit communautaire seront considérées comme des aides nouvelles après la date fixée pour la libéralisation ».

256 Voir l’article 1, d), « toute aide, c'est-à-dire tout régime d'aides ou toute aide individuelle, qui n'est pas une

aide existante, y compris toute modification substantielle d'une aide existante ».

257 Voir l’article 1, f), « une aide qui n'est pas accordée sur la base d'un régime d'aides ». 258 Voir l’article 1, g), « une aide nouvelle mise à exécution en violation de l'article 6 ».

259 Voir l’article 1, h), « une aide utilisée par le bénéficiaire en violation d'une décision prise en application de

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la pratique décisionnelle, puisqu'elle permet de bien cerner les aides compatibles avec le marché commun et celles interdites en prenant compte de leur origine et de leur nature. Toutefois cette distinction ne semble pas avoir trop d'impact sur le nombre d'aides que le législateur communautaire admet de plein droit ou celles qui sont admises à l'issue d'un contrôle.

B- L’interdiction des aides publiques et son implication dans le cadre

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