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En principe, dans toutes les législations relevant du système juridique Romano-

Germanique le rôle du juge d'instruction prend systématiquement fin après l'instruction, c’est-

à-dire qu'il ne participe pas à la prise des décisions. Ce principe processuel de droit judiciaire trouve ses limites dans la procédure d'instruction de la Commission car celle-ci joue à la fois le rôle de juge d'instruction et de juge de jugement dans le contentieux de la concurrence. Cela pourrait se justifier en partie par le besoin d'assurer une efficacité dans les prises de décisions. Cette quête d'efficacité justifie aussi le monopole de la Commission de l’UEMOA pour tous les pouvoirs de décision au détriment des structures nationales354. Du fait de son rôle majeur dans l'application du droit communautaire de la concurrence, la Commission de l’UEMOA, à elle seule détient quasiment toutes les compétences pour constater une infraction et y donner suite. Il s'agit notamment des mesures provisoires, des décisions positives et négatives ainsi que des sanctions pécuniaires (A). Cette monopolisation des pouvoirs par l'organe communautaire se justifie par de multiples raisons (B).

A- Les diverses décisions relevant du monopole de la Commission

En tant qu'organe juridictionnel, la Commission peut, soit être amenée à se prononcer rapidement pour parer à des situations dont l'urgence est imminente (1), soit après avoir mené des enquêtes préliminaires suivies d'une audition aux personnes concernées, les obliger à mettre fin à l'infraction qu'elle constate ou, a contrario, les autoriser à continuer leurs opérations lorsqu'elle l’estime nécessaire (2), enfin, elle peut être amenée à infliger des sanctions pécuniaires à des entreprises qui ne s’exécutent pas à l’issue d’une décision de celle-ci (3).

1- Les mesures provisoires

L’article 5 point (1) et les points suivants du Règlement 3/2002/UEMOA encadrent la prise des -mesures provisoires par la Commission. En droit européen, ces mesures trouvent

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leur source dans la jurisprudence européenne, notamment dans l'ordonnance de l’affaire

Camera Care de janvier 1980355 avant d’être encadrées par le règlement 1/2003/CE356. Ainsi

elles sont des décisions temporaires de la Commission prises dans les cas d'urgence et consistent en une injonction de revenir à l'état antérieur, en une suspension de la pratique concertée, ou en l'imposition de conditions nécessaires à la prévention de tout effet anticoncurrentiel357. Cette urgence peut consister en une situation de gravité irréparable et

immédiate sur l'économie générale, ou sur celle du secteur intéressé, ou sur l'intérêt des consommateurs et des concurrents358. Ces mesures sont prises suite à une saisine d'office de la

Commission ou sur demande des entreprises ou d'association d'entreprises intéressées après une audition effectuée dans le respect des prescriptions de l'article 17 du présent Règlement359. Ce dernier point s'éloigne légèrement de la réglementation européenne qui ne

mentionne pas la possibilité pour les plaignants de saisir la Commission pour une demande de mesures provisoires. En effet, le législateur européen ne consacre que la saisine d'office de la Commission à des fins de mesures provisoires360, mais il ouvre la possibilité aux plaignants

de saisir les autorités nationales à des fins de mesures provisoires361. Cette méthode est à la

fois raisonnable et très risquée. D'abord, elle est raisonnable dans la mesure où les autorités nationales sont mieux placées pour intervenir afin de faire cesser une pratique nuisible à la bonne marche de la concurrence du fait de leur proximité géographique avec les entreprises présumées contrevenantes. Ensuite elle est une opération très risquée, dans la mesure où les autorités nationales peuvent parfois être tentées d’ignorer les devoirs d'impartialité qui leurs sont obligés dans l’exercice de leur mission, en fonction de la situation en cause. Sur ce point, le législateur de l’UEMOA n'a pas pu s'inspirer de son homologue européen, d'une part, parce que le Règlement de l’UEMOA en la matière a été adopté bien avant l'article 8 du Règlement européen de 2003, d'autre part, il semble rester sceptique quant à l'efficacité et à la crédibilité des structures nationales dans l'application du droit communautaire de la concurrence. Ceci justifie largement son choix de centraliser les pouvoirs des mesures provisoires au sein de l'organe communautaire, en l'occurrence la Commission. Cependant, pour certains auteurs, le fait de concentrer exclusivement les pouvoirs entre les mains de la Commission pour des cas d'urgence, paraît inapproprié à l’efficacité des décisions et ils voient en cela un risque énorme

355 Voir CJCE, 17 jan. 1980, Camera Care/ Commission, aff. 792/79, Rec, p.119. 356 Voir l’article 8 du Règlement 1/2003/CE.

357 Voir l’article 5.4 du Règlement 3/2002/UEMOA. 358 Voir l’article 5.3 du Règlement 3/2002/UEMOA. 359 Voir l’article 5.1 du Règlement 3/2002/UEMOA. 360 Voir l’article 8 du Règlement 1/2003/CE. 361 Ibid.

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de voir perdurer une atteinte grave à la concurrence durant la période d'attente de la décision362. Ils soutiennent leurs allégations par le fait que ce monopole des pouvoirs de prise de mesures provisoires de la Commission pourra constituer un handicap pour l'atteinte des résultats escomptés363.

Pour l'instant, à notre connaissance, la Commission n'a jamais pris de mesures provisoires mais qu’en est-il en matière décisionnelle?

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- Le monopole des décisions de la Commission

Comme il a été souligné dans nos précédents développements, la Commission de l’UEMOA, à l'image de celle de l'UE, joue à la fois le rôle de juge d'instruction et de juge de jugement. Son premier rôle, notamment de juge d'instruction dans lequel elle instruit à charge et à décharge lui permet de mieux qualifier les comportements faisant objet de notification ou de plainte afin de les autoriser, soit par des attestations négatives, (a) soit par des exemptions individuelles (b) ou au contraire de les interdire (c).

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