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La position dominante sur un marché en cause n'est pas considérée en soi comme une pratique anticoncurrentielle mais c'est son exploitation abusive susceptible de fausser le jeu normal de la concurrence qui doit faire l'objet d'un contrôle voire d'une interdiction. Le législateur de l’UEMOA, sans définir la notion d’« exploitation abusive » et sans trop s'éloigner des jurisprudences françaises et européennes, a énoncé une liste non limitative de comportements pouvant être caractérisés d' « exploitation abusive ». Il s'agit notamment des pratiques consistant à : « a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction inéquitables ; b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs ; c) appliquer à l'égard des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; d) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation par les partenaires, de prestations supplémentaires, qui , par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet des contrats »170. On observe à

ce niveau que le législateur a listé non seulement, des comportements qui n’ont aucun impact sur la concurrence mais aussi ceux qui sont de nature à perturber le jeu normal de la concurrence, indépendamment de la position dominante de l'entreprise qui les exercent sur le marché. Il est évident, qu'en général, ces-dites pratiques ne sont posées que par des entreprises

169 Ibid.

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qui détiennent une position dominante sur le marché en cause. Cependant, le défaut d’une liste limitative de comportements susceptibles d’être qualifiés d’ « exploitation abusive » ne doit pas rendre son appréciation arbitraire. C’est pour cela qu’en droit européen, au delà des mentions faites par le législateur communautaire et national, c'est la pratique décisionnelle qui a contribué de façon notable à cerner cette notion d'« exploitation abusive ». En effet, la CJCE s'est d'abord prononcée de façon générale en énonçant dans l'affaire Hoffmann-La Roche que, « la notion d'exploitation abusive est une notion objective, qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché ou à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question le degré de concurrence qui est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par des recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence »171. Elle a ajouté par la suite, à l'occasion

de l'affaire de Tetra Pak « qu'est interdit à une entreprise en position dominante d'éliminer un concurrent et de renforcer sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui ne relèvent d'une concurrence par les mérites »172. On voit bien ici que le législateur ne donne

pas de liste indicative de comportements abusifs et que la jurisprudence en donne une appréciation objective173. La doctrine européenne pour sa part a fait un effort de classification

des comportements abusifs. Elle distingue, d'une part, les comportements tendant à l'éviction des concurrents et, d'autre part, ceux qui sont inéquitables envers des partenaires174.

Quant à la jurisprudence ouest-africaine, nous pouvons prendre l'exemple de l'affaire du projet Gazoduc de l'Afrique de l'Ouest175 qui a été maintes fois citée pour essayer de comprendre la position du juge communautaire par rapport à sa conception de l’« exploitation abusive ». En l’espèce, la Commission de l’UEMOA dans ses conclusions a déclaré que, « la création d'entreprises communes dans le cadre de ce projet n'est pas l'expression d'une création ou d'un renforcement d'une position dominante des sociétés fondatrices ; celles-ci n'étant pas en situation de position dominante sur le marché en cause »176. Malheureusement,

cette position de la Commission ne nous permet pas de cerner objectivement l’expression « exploitation abusive ». Toutefois elle nous permet aisément de voir qu'elle tente

171 Voir CJCE, 13 fév. 1979 aff. préc.

172 Voir CJCE, 6 oct. 1994, Tetra Pak, aff. 85/76.

173 Voir CJCE, 11 déc. 1980, arrêt l'Oréal, aff. 31/80, Rec. 1980, p.3794 et arret Michelin du 9 nov. 1983, aff. C-

322/81, Rec.1983, p.3461.

174 Voir André DECOCQ et Georges DECOCQ, op. cit., p.382-401. 175 Voir Décision 2/2005/COM/UEMOA op. cit.

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d'encourager le développement des entités économiques championnes mondiales. De ce fait elle semble être moins rigoureuse dans le contrôle des situations de position dominante. C’est dans ce sens que Mor BAKHOUM soulignait qu'« elle devrait surtout être vigilante à l'égard des abus de position dominante pouvant provenir des monopoles qui ont survécu aux opérations de privatisation et de ceux des multinationales »177. Dans le même ordre d'idée, si

elle devrait connaître à l'avenir une affaire relative à une position dominante, elle pourrait s'inspirer de la théorie dite « de l'abus de structure ». En effet, cette théorie a été développée à l'occasion d'un arrêt très célèbre rendu par la CJCE, notamment dans l'affaire Continental

Can178. Dans cette affaire, la CJCE a soutenu la décision de la Commission selon laquelle « le

simple fait que la concurrence sur le marché en cause soit substantiellement entravée par une entreprise dominante constitue un abus, quels que soient les moyens utilisés à cet effet, y compris une modification de la structure concurrentielle du marché »179. Même si cette

jurisprudence a été rendue en partie caduque dans le droit positif européen, elle pourrait toujours inspirer la Commission ou le législateur de l’UEMOA afin d'éviter que le droit de la concurrence ne soit pas utilisé seulement comme un simple instrument d'ouverture des marchés des États africains en faveur des grandes entreprises étrangères180.

b- La protection des consommateurs par l’interdiction des abus de

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