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L’impact d’une harmonisation des activités de normalisation dans le cadre de la protection des consommateurs au sein du marché commun

1-La notion de « qualité » et les objectifs visés par les normes de qualité

B- L’impact d’une harmonisation des activités de normalisation dans le cadre de la protection des consommateurs au sein du marché commun

L’appréciation de l’impact de l’harmonisation des activités de normalisation sur la protection de la santé des consommateurs nous conduira à examiner d’abord la problématique des normes de qualité dans le marché commun (

1

) avant d’examiner la nécessité d’une harmonisation communautaire des activités de normalisation dans l’intérêt des consommateurs (

2

).

1- La problématique des normes de qualité dans le marché commun

Il faut rappeler que la politique d’intégration économique de l’UEMOA n’a pas été suivie systématiquement par une politique communautaire de contrôle de qualité des produits489. Ainsi le contrôle de la qualité des produits était exclusivement encadré par des

dispositions nationales, ce qui pouvait le rendre très complexe dans le marché communautaire. En effet, après l’entrée en vigueur du Traité de Dakar en 1994 relatif à l’intégration économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, le législateur communautaire a attendu jusqu’en 2005 pour s’intéresser aux activités de normalisation afin de mieux contrôler la qualité des produits mis en circulation sur le marché communautaire. Il est important de souligner que bien avant le règlement n°01/2005/CM/UEMOA révisé par le règlement n°03/2010/CM/UEMOA relatif au schéma d’harmonisation des activités de normalisation, d’accréditation, de certification et de métrologie, la plupart des Etats membres de l’UEMOA

488 Voir Guy RAYMOND, droit de la consommation, Litec, 2011, p. 48.

489 En effet, en droit européen, même si le Traité de Rome de 25 mars 1957 comportait déjà des prémisses de

normalisation à travers la politique agricole commune, c’est précisément en 1961 que de véritables activités de normalisation seront élaborées avec la mise en place du CEN (Comité Européen de Normalisation). Ensuite, lors du sommet de Paris en 1972, les chefs d’Etats et des gouvernements ont manifesté leur volonté d’intégrer la défense des consommateurs dans les préoccupations communautaires. Enfin, c’est le 25 avril 1975 que la Commission européenne présentait le premier programme d’action relative à la protection des consommateurs (JOCE, C.92 du 25 avril 1975).

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disposaient déjà de leur propres dispositions encadrant la qualité des produits490. C’est donc à partir de l’adoption du Règlement n°01/2005/CM/UEMOA, que les activités de normalisation trouvent vraisemblablement leur importance au niveau communautaire de l’UEMOA.

Il ressort clairement du second considérant du Règlement révisé de 2010 une nette volonté du législateur de faire du contrôle de la qualité des produits une véritable cause communautaire afin d’assurer une consommation saine sur le marché commun et de rapprocher les différentes législations nationales pour éviter que les Etats élaborent des normes de qualité divergente, susceptibles de porter atteinte à la libre circulation des biens et services sur le marché commun491. Cette volonté du législateur communautaire a été

littéralement suivie par une jurisprudence prometteuse de la Commission de l’UEMOA492. En

effet, il ressort des faits de l’affaire dite « huile de palme » que, l’Etat du Sénégal, en s’inspirant des projets des normes communautaires sur les huiles comestibles issues des travaux des experts des Etats membres de l’UEMOA du 12 au 14 novembre 2007 à Dakar, a adopté en 2008 une norme NS 03-072 sur l’huile de palme enrichie en vitamine « A »493. Un

Décret Présidentiel n°2009-872 du 10 septembre 2009 a rendu obligatoire l’application de cette norme sur le territoire sénégalais. Par la suite, l’Etat du Sénégal envisageait une modification de cette norme afin d’exiger un maximum de 30% de teneur en acides gras saturés dans l’huile de palme raffinée494. C’est ainsi que l’Etat de la Côte D’Ivoire et

l’entreprise sénégalaise West Africa Commodities prétendaient que la modification envisagée par l’Etat du Sénégal sur la norme NS 03-072 était contraire au Règlement n°01/2005/CM/UEMOA du 04 juillet 2005 portant schéma d’harmonisation des activités d’accréditation, de normalisation, de certification et de métrologie dans l’UEMOA495. Le gouvernement de la Côte D’Ivoire et l’entreprise sénégalaise West Africa Comodities ont saisi à cet effet la Commission de l’UEMOA respectivement par les lettres n°2202/MIA/DC-OME du 14 novembre 2009 du Ministère de l’intégration Africaine et n°PDG/ALD/0198 du

490 En effet, il s’agit par exemple : de la loi n°11-207/AN du 24/05/2007 portant institution d’un système national

de normalisation et de la promotion de la qualité au Burkina-Faso, du décret 94-14 du 06/01/1994 instituant un certificat national de conformité au Burkina-Faso.

491 Voir le deuxième considérant du Règlement n°03/2010/CM/UEMOA portant schéma d’harmonisation des

activités d’accréditation, de certification, de normalisation et de métrologie dans l’UEMOA dispose qu’ « un schéma d’harmonisation des activités de normalisation, (…) contribuera à améliorer les échanges des produits et services tant dans l’espace communautaire qu’au plan international, et à constituer le cadre d’actions visant à approfondir et à consolider le marché commun tout en assurant une meilleure protection des agents économiques et notamment des consommateurs ».

492 Voir la Décision 007/2010/COM/UEMOA invitant l’Etat du Sénégal à retirer la norme NS 03-072 modifiée

et les mesures prises pour son application.

493 Ibid., p. 1. 494 Ibid., p. 2. 495 Ibid., p. 2.

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président directeur général de West Africa Commodities496. À cette occasion, une mission d’enquête a été diligentée à Dakar du 05 au 08 janvier 2010 par la Commission de l’UEMOA et s’est soldée par un rapport d’enquête497. Suite à ce rapport, la Commission de l’UEMOA, par la lettre n°1306/PC/DMRC/DCONC du 03 février 2010, ordonne à l’Etat sénégalais de suspendre son projet de modification de la norme NS 03-072 et de lever toutes les restrictions aux importations d’huile d’origine communautaire répondant aux exigences de la norme NS

03-072498. Mais l’Etat du Sénégal, sans donner suite aux réquisitoires de la Commission, a

achevé la modification de la norme contestée le 11 février 2010499. Pour soutenir sa décision,

l’Etat du Sénégal a avancé plusieurs arguments. Il s’agit entre autres : - Que la modification de la Norme NS 03- 072 est une mesure de santé publique, et que l’Etat du Sénégal est en droit de l’adopter, d’autant qu’au niveau communautaire il existe un projet de norme non homologué, qui ne saurait prévaloir sur une norme nationale ; -Que les structures techniques communautaires prévues n’étant pas encore fonctionnelles, il est possible de mener des activités de normalisation limitées au niveau national500. La Décision du Sénégal a conduit à

une nouvelle saisine de la Société West Africa Commodities à la Commission de l’UEMOA le 19 février 2009. Dans cette affaire, la Commission avait à répondre à la question de savoir si la norme NS 03-072 modifiée n’était pas incompatible avec les dispositions communautaires notamment l’article 33 du Règlement 01/2005/CM/UEMOA du 04 juillet 2005 portant schéma d’harmonisation des activités d’accréditation, de certification, de normalisation et de métrologie501 et l’article 6 du Règlement n°02/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux pratiques anticoncurrentielles imputables aux Etats502. À cette question, la Commission de

496 Ibid., p. 2.

497 En effet, il ressort de ce rapport d’enquête trois (03) points essentiels : « -D’abord, qu’une arrivée massive

d’huile de palme raffinée constitue l’un des motifs évoqué par les autorités Sénégalaises, pour prendre des mesures déclarées viser la protection de la santé des populations du pays. –Ensuite, que le principal producteur d’huile au Sénégal, la société SUNEOR, a joué un rôle non négligeable dans l’alerte des autorités nationales et le déclenchement du processus de la modification de la norme mise en cause. –Enfin, que le niveau communautaire n’a pas été associé à aucune des phases de la procédure de modification de la norme NS03-072 contrairement aux dispositions du règlement 01/2005/CM/UEMOA du 04 juillet 2005 portant schéma d’harmonisation des activités d’accréditation, de normalisation, de certification et de métrologie dans l’UEMOA ». Voir le résumé du rapport joint dans la Décision précité, p.2.

498 Ibid., p.3. 499 Ibid. 500 Ibid.

501 L’article 33 alinéas 1 dispose à cet effet, qu’« en attendant la mise en place effective des structures techniques

de la qualité et du Comité Régional de Coordination de la qualité, leurs missions seront assurées par la Commission et les Etats membres ».

502 L’article 6 dispose à cet effet, qu’« en application des dispositions des articles 4(a), 7 et 76(c) du Traité de

l’UEMOA, les Etats membres s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de faire obstacle à l’application du présent Règlement et des textes subséquents. Ils s’interdisent, notamment d’édicter ou de maintenir, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux et exclusifs, quelque mesure contraire aux règles et principes prévus à l’article 88 paragraphe (a), et (b) du Traité de

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l’UEMOA a répondu par l’affirmatif. Elle a décidé que la Norme NS 03-072 modifiée était non conforme aux dispositions communautaires susvisées et a invité l’Etat du Sénégal à mettre fin aux mesures restrictives des importations d’huile de palme raffinée503. Pour soutenir cette décision, la Commission de l’UEMOA avançait plusieurs motivations d’ordre factuel et juridique. Tout d’abord, l’huile de palme raffinée est un produit qui constitue au moins 80% des échanges intracommunautaires, de ce fait, les questions relatives à la qualité de ce produit devraient être traitées au niveau communautaire504, ensuite, la Commission

soutenait que l’Etat du Sénégal, en ne respectant pas les indications qu’elle lui avait données par la lettre n°1306/PC/DMRC/DCONC du 03 février 2010 concernant la conduite à suivre afin d’adapter sa norme NS 03-72 aux exigences communautaires, ne pouvait pas prétendre à un vide juridique communautaire afin d’adopter unilatéralement une norme sur l’huile de palme raffinée qui affectera les échanges intracommunautaires505.

2- La nécessité d’une harmonisation communautaire des activités de

normalisation

La jurisprudence de la Commission de l’UEMOA précitée sur l’affaire de la norme NS

03-072 de l’Etat du Sénégal qui emprunte les mêmes motivations que celles de la CJCE sur

l’affaire cassis de Dijon en 1979506 démontre le bien fondé du contrôle de la qualité des

produits au niveau communautaire. Ensuite, elle vient aussi apporter de solides éclaircissements en matière de contrôle de la qualité des produits dans le marché commun par les dispositions communautaires. Toutefois, elle laisse entrevoir les insuffisances du dispositif communautaire en matière de contrôle de la qualité des produits. En effet, comme nous l’avions précédemment souligné507, la législation et les organes de l’UEMOA n’ont pas

encore adopté de normes communautaires proprement dites à l’image du droit européen508.

Bien-que l’article 33 du règlement 01/2005/CM/UEMOA du 04 juillet 2005 révisé par le Règlement 03/2010/CM/UEMOA tente de combler cette insuffisance législative par la mise en place d’un mécanisme de coopération entre les organes communautaires de l’UEMOA et

l’Union. Les Etats membres s’interdisent en outre, d’édicter des mesures permettant aux entreprises privées de se soustraire aux contraintes imposées par les paragraphes (a) et (b) du Traité de l’UEMOA ».

503 Voir l’article 1 et 2, de la Décision n°007/2010/CM/UEMOA op. cit., p. 6. 504 Ibid., p.4.

505 Ibid., p. 4-5.

506 Voir CJCE, 20 février 1980, cassis de Dijon.

507 Voir les développements sur les points (2) de (A) du paragraphe (I) de la présente section à la p. 118-121. 508 Par exemple le cas de la norme NF associée à la norme EN en cas d’harmonisation souple ou la norme EN

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ceux des Etats membres dans l’élaboration des normes de qualité, nous pensons qu’il ne résout pas entièrement la problématique des normes de qualité sur le marché commun. Or, l’élaboration de normes de qualité au niveau régional peut encourager les opérateurs à se saisir de l’opportunité que constitue cette ouverture du marché pour mieux valoriser leurs produits et améliorer leurs revenus, tout en satisfaisant aux exigences des consommateurs509.

À côté de ce dispositif embryonnaire de l’UEMOA sur le contrôle de la qualité des produits, le législateur s’est intéressé à un domaine particulièrement sensible notamment la sécurité sanitaire des produits afin de garantir aux consommateurs une consommation saine des produits mis sur le marché communautaire.

Paragraphe II- L’harmonisation des législations sur la sécurité

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