• Aucun résultat trouvé

L’implication de l’interdiction des ententes anticoncurrentielles dans le cadre de la protection indirecte des consommateurs

Paragraphe I- La portée de l'interdiction des pratiques anticoncurrentielles en droit de l’UEMOA

A- L'encadrement juridique des ententes d’entreprises

4- L’implication de l’interdiction des ententes anticoncurrentielles dans le cadre de la protection indirecte des consommateurs

«

Cette idée découle du constat selon lequel si de nombreuses règles contenues dans le droit de la concurrence ne sont pas destinées à protéger directement les consommateurs ; elles

142 Voir l’article 298 TFUE ex-article 227 TCEE.

143 Voir CJCE, 14 nov. 1996, Tetra Pak, aff. C 333/94, Rec. p. I-5951 et TPICE, 14 dec. 2005, Honeywell et GE

43

ont néanmoins une importante incidence sur la protection de ceux-ci »144. L’appréciation de l’interdiction des ententes anticoncurrentielles comme une mesure de protection indirecte des consommateurs est très complexe. Il est donc nécessaire de procéder au préalable à une analyse économique pour quantifier les dommages éventuels que subiront les consommateurs à la suite d’une entente145. Cela commence évidemment par une identification des liens de

cause à effet entre l’entente et le désavantage économique des consommateurs146. En effet,

une brève lecture des dispositions encadrant la concurrence laisse penser que ce sont les ententes horizontales seules qui font l’objet d’interdiction. Au regard des travaux de Monsieur David SPECTOR, nous pouvons retenir, qu’une entente, qu’elle soit horizontale ou verticale pourra éventuellement avoir des impacts sur les prix, les quantités et les qualités des produits et services. Dans le premier cas, il s’agit des accords conclus à un même niveau de production ou de distribution (accords entre producteurs ou accords entre détaillants)147. Les accords

horizontaux incluent notamment, les accords portant sur l’échange d’informations, la répartition des marchés, l’exploitation en commun d’une activité et toute autre forme d’entente entre opérateurs du même niveau de production ou de distribution148. C’est le cas

par exemple de l’affaire Sotelema-Malitel contre Orange Mali149, dans laquelle était en cause l'exclusion de Sotelma-Malitel de la gratuité du rooming que s'accordent certaines entreprises de téléphonie mobile. En effet, les compagnies de téléphonie mobile du réseau unique s'accordent une gratuité réciproque du rooming entre le Sénégal et le Mali et Sotelma-Malitel s'est vu refuser cette faveur, du fait qu’elle ne soit pas membre du réseau. Si nous rebondissons sur la théorie de « cause à effet » de Monsieur D. SPECTOR pour essayer de la mettre en évidence avec le cas en espèce, nous constatons que la « cause » ici peut être l’accord de gratuité réciproque du rooming entre les compagnies de téléphonie mobile, tout en y excluant la société Sotelma-Malitel. Les « effets » pourront être éventuellement le manque des faveurs du système rooming aux clients de cette société. Ces accords entre les entreprises de la téléphonie mobile de l’Afrique de l’Ouest peuvent être qualifiés d’entente illicite puisqu’ils sont susceptibles de porter un préjudice aux clients de la société de téléphonie mobile Sotelma-Malitel. Son contrôle suivi éventuellement de sa sanction par la Commission

144 Voir Alassane KANTE, op. cit., p.11.

145 Pour de plus amples informations, voir David SPECTOR, « L’approche économique du préjudice : Problèmes

et techniques économétriques », CNRS, école normale supérieure et LECG, 17 oct.2005. Ce dernier tente d’analyser l’impact des pratiques anticoncurrentielles sur les consommateurs et démontre qu’elles peuvent constituer des handicapes aux intérêts économiques des consommateurs.

146 Ibid.

147 Voir note 5 al. 2 de l’annexe 1 du règlement 3/2002/UEMOA 148 Ibid.

44

de l’UEMOA servirait de bouclier de protection aux clients de la société Sotelma-Malitel. Cela soutient également l’idée selon laquelle, les règles de la concurrence contribuent à protéger indirectement les consommateurs dans le marché commun. Espérons maintenant que, dans l’affaire précitée, la Commission de l’UEMOA s’inspirera de la position de la CJCE. En effet, elle a dégagé un arrêt de principe dans l’affaire Grundig et Consten150 qui nous paraît

raisonnable.

Dans le second cas, il s’agit « des accords conclus entre deux ou plusieurs entreprises, dont chacune opère, aux fins de l’accord, à un niveau différent de la chaîne de production ou de distribution, et qui concernent les conditions dans lesquelles les parties à l’accord peuvent acquérir, vendre ou revendre certains biens ou services »151. Ainsi, des professionnels d’un

même secteur d’activité de bien ou de service entretenant des relations d’affaires verticales, par exemple, dans les rapports entre les producteurs et les grandes distributions, peuvent s’entendre pour fixer le prix de revente des produits ou limiter les sources d’approvisionnement par des accords d’exclusivité (les accords de concession exclusive entre des concessionnaires et leurs concédants). Cela peut occasionner l’élimination des concurrents potentiels dans ce secteur économique et par voie de conséquence restreindre implicitement aux consommateurs leur diversité de choix de produit ou de service voire leur imposer les prix et la qualité des produits et services sur le marché en cause.

Par ailleurs, il est important de rappeler que toutes les ententes ne sont pas systématiquement interdites et sanctionnées, puisque certaines peuvent se révéler bénéfiques pour les consommateurs152. C’est ce qu’on appelle couramment les exemptions individuelles ou par catégories qui ne sont admises que dans certaines conditions bien déterminées par le législateur de l’UEMOA. Ainsi, ce dernier reconnait et encourage certaines ententes du fait de leur effet positif sur le marché153. En effet, il dispose que, « En application de l’article 89 alinéa 3 du traité de l’UEMOA, la Commission peut déclarer les articles 88 (a) du traité de l’UEMOA et 3 du présent règlement(…) inapplicables, - à tout accord ou catégorie d’accords, - à toute décision ou catégorie de décisions d’associations d’entreprises, - et à toute pratique concertée ou catégories de pratiques concertées, qui contribuent à améliorer la production ou

150 Voir CJCE, 13 juil. 1966. En effet dans cette affaire la Cour déclare que, « (…) ; Qu’il doit en être d’autant

plus ainsi que, par un tel accord, les parties pourraient chercher, en empêchant ou en limitant la concurrence des tiers sur les produits, à instituer ou à garantir à leur profit un avantage injustifié au détriment du consommateur ou de l’usage, contraire aux objectifs généraux de l’article 85 » .

151 Voir la note 5 al. 3 de l’annexe 1 du règlement 3/2002/UEMOA. 152 Voir Alassane KANTE, op. cit., p. 12.

45

la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans, a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ; b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence »154. Cette dérogation du législateur justifie sa volonté de

faire concilier les avantages des consommateurs avec ceux des professionnels. Cela va dans le même sens que l’idée selon laquelle, le législateur de l’UEMOA tente de sauvegarder les intérêts économiques et le bien-être des consommateurs par une organisation de la concurrence sur le marché communautaire.

En somme, nous retenons de ce qui précède qu’un parfait encadrement des ententes, accroît et sauvegarde les intérêts et avantages économiques et par voie de conséquence leur assure indirectement et collectivement leur liberté de choix des produits et services. Cette protection semble bien renforcée lorsqu’elle est encadrée au niveau communautaire voire international. Si l'interdiction des ententes d'entreprises en droit de l’UEMOA est quasiment identique en droit de l’UE, il en est tout autrement pour certaines pratiques anticoncurrentielles notamment, les abus de position dominante.

Outline

Documents relatifs