• Aucun résultat trouvé

Les modalités d’application du principe de précaution et son efficacité à contribuer à la protection de la santé des consommateurs sur le

Paragraphe I- Les mécanismes préventifs d’une consommation saine sur le marché commun

A- L’affirmation du principe de précaution en droit de l’UEMOA comme une mesure préventive de protection de la santé des consommateurs

2- Les modalités d’application du principe de précaution et son efficacité à contribuer à la protection de la santé des consommateurs sur le

marché commun

Il faut souligner que si le principe de précaution semble a priori aisé à définir, en réalité sa mise en œuvre semble complexe. Cette complexité prend de l’ampleur avec l’ouverture des marchés. On se pose donc la question à savoir comment appliquer le principe de précaution dans une économie intégrée, dans la mesure où il est susceptible de mettre en péril celui de la liberté de circulation des marchandises dans le marché commun. C’est dans

543 Voir l’article 191.2 du TFUE.

544 Voir l’article L.110-1 du Code de l’environnement et l’article 5 de la Charte de l’environnement qui disposent

que, « Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ».

545 Voir ERIC Nam-Gesbert, « Le monde de la précaution », Revue juridique de l’environnement, n°4 du

143

ce sens que la Commission européenne prétendait qu’il est nécessaire d’emprunter un processus de prise de décision structuré, fondé sur des données scientifiques détaillées et autres informations objectives pour trouver l'équilibre adéquat permettant de prendre des décisions proportionnées, non discriminatoires, transparentes et cohérentes546. Sans s’opposer à cette affirmation, nous pensons qu’il serait plus adéquat que ce principe soit encadré au niveau communautaire. C’est dans cette optique que le législateur de l’UEMOA est intervenu afin de mettre les bases d’un principe de précaution en droit communautaire.

Les dispositions de l’UEMOA ne semblent pas assez claires pour nous permettre de faire une analyse complète des modalités d’application de ce principe. Toutefois, il ressort de ces dispositions des prémices de modalité d’application dudit principe. En effet, le premier alinéa de l’article 7 du Règlement de l’UEMOA précité donne les objectifs visés et les domaines d’application du principe de précaution. Il s’agit notamment d’une mesure de protection de la santé des personnes et de l’environnement547. Au regard de cette disposition,

nous pouvons tirer trois (03) conditions essentielles pour le recours au principe de précaution. Il s’agit premièrement d’un risque de dommage irréversible548, ensuite d’une incertitude totale

scientifique549 et enfin, la prise de mesures proportionnées afin d’éviter d’éventuels risques550.

En outre, au regard des autres dispositions du Règlement de l’UEMOA précité, nous pouvons déduire trois (03) grandes phases dans l’application du principe de précaution que le législateur communautaire a établi afin de faire participer les organes communautaires dans la mise en œuvre de celui-ci. Il s’agit notamment de la phase d’analyse des risques551, de la

communication des risques552 et de la gestion des risques553. Dans la première phase, il s’agit

546 Voir la communication de la Commission sur le recours au principe de précaution, Bruxelles, COM(2000),

p.1.

547 Voir, l’article 7 du Règlement de l’UEMOA précité.

548 Ibid, alinéa 2 qui dispose à cet effet qu’ « en cas de risque de dommage grave ou irréversible en matière de

sécurité sanitaire (…) »

549 Ibid, alinéa 2 et 3 disposent que, « (…), l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de

prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir de tels risques ».

550 Ibid, alinéa 1 dispose que, « (…), des mesures de précaution sont appliquées par les Etats membres selon

leurs capacités ». L’alinéa 3 disposait que, « (…), l’union et ses membres peuvent, dans l’attente ’information scientifiques, des mesures provisoires de prévention des risques pour assurer un niveau de protection de la santé. Ces mesures doivent être proportionnées et ne doivent pas imposer plus de restriction au commerce qu'il ne soit nécessaire pour obtenir le niveau élevé de protection de la santé choisi par l'Union en tenant compte de ses capacités techniques et économiques ». Voir aussi l’article 6 du même Règlement intitulé « participation et accès à l’information ».

551 En effet, l’article 9 du règlement de l’UEMOA précité dispose que, « Dans le cadre du Marché commun et de

la mise en œuvre de la Politique Agricole de l’Union, l’Union a recours à l’analyse des risques comme méthode objective et justifiable pour évaluer et gérer les risques sanitaires et pour communiquer sur ces risques ».

552 Voir l’article 7 alinéa 3 du règlement de l’UEMOA précité.

553 En effet, l’article 12 du règlement de l’UEMOA précité dispose que, « les Etats membres organisent la

participation des acteurs concernés, aux niveaux appropriés, aux processus de prise de décision concernant la sécurité sanitaire des végétaux, des animaux et des aliments. Ils prennent, en fonction de la nature, de la gravité

144

de cerner les éventuels cas de dégradation de l’environnement ou de la santé des personnes, des animaux et de la végétation. Elle est la phase de recherche et d’identification de la première condition d’application du principe de précaution en l’occurrence le « risque de dommage irréversible ». Par ailleurs, cette phase d’analyse des risques englobe également la deuxième condition, notamment celle d’absence absolue de certitude scientifique. Cette première phase comportant les deux premières conditions d’application (le risque de dommage irréversible et l’incertitude totale scientifique) semble être le véritable levier de déclenchement du processus d’application du principe de précaution. Elle peut être en effet une occasion pour les Etats d’instrumentaliser le principe de précaution en le réduisant en une mesure de protectionnisme déguisée. Il existe en effet des divergences dans les procédures d’évaluation des risques, précisément en matière de biosécurité où l’analyse des niveaux de risques tels que définis dans les lois et projets de loi des Etats membre de l’UEMOA fait ressortir une grande diversité dans l’appréciation des situations susceptibles de présenter des risques554. C’est pourquoi, nous pensons qu’il est nécessaire que les actes relevant de la phase

d’analyse des risques soient opérés au niveau communautaire ou soient faits avec la complicité des organes communautaires. C’est peut être dans cette optique que le législateur de l’UEMOA a essayé d’encadrer cette phase d’analyse des risques dans le règlement 07/2007/CM/UEMOA précité, précisément dans ses articles 9555 et 27556. Ce Règlement a été

complété par une annexe autre règlement de très grande importance, relative à la mise en place du programme régional de biosécurité de l’UEMOA. Cette annexe établit les différentes modalités d’évaluation et de gestion des risques en matière de biosécurité dans l’espace de l’UEMOA557. Par ailleurs, un manuel régional de procédure d’évaluation et de gestion des risques lié à l’introduction des biotechnologies modernes et produits dérivés dans l’espace de l’UEMOA, a été adopté dans le but d’orienter les Etats dans leur processus d’analyse des

et de l’ampleur des risques pour la sécurité sanitaire des végétaux, des animaux et des aliments, des mesures appropriées pour informer les acteurs concernés, de la nature de ces risques et les mesures qui sont prises pour prévenir, réduire ou éliminer ces risques. Ils garantissent l’accès aux informations relatives à la sécurité sanitaire qu’ils détiennent, y compris les informations concernant les substances et activités dangereuses ».

554 Pour de plus amples développements, voir le rapport sur l’état des lieux de la mise en œuvre du projet

Cartagena dans l’espace de l’UEMOA sur le site officiel de l’UEMOA : www.biosecurite.uemoa.int, p.8.

555 Voir l’article 9 du Règlement de l’UEMOA précité.

556 L’article 27 du Règlement de l’UEMOA dispose que, « la Commission a recours à l’analyse des risques

comme méthode objective et justifiable pour évaluer les risques sanitaires dans l’Union. A cet effet, elle : - appuie les politiques sanitaires des différents Etats membres ;- réunit régulièrement un groupe d’experts chargé d’analyser les risques sanitaires et lui fournit, par l’intermédiaire du Comité régional de sécurité sanitaire, les avis appropriés ; - fait procéder par des laboratoires accrédités du réseau à la réalisation d’analyses selon les normes et les procédures définies par les organisations internationales compétentes ; - rassemble et rend disponibles les informations nécessaires à la constitution d’un territoire sanitaire commun et, en particulier met en place des bases de données juridiques, techniques et scientifiques ».

145

risques558. Cela permettra d’éviter à l’échelle communautaire une disparité de niveau d’évaluation des risques à caractère constant.

Quant à la deuxième phase du processus de mise en œuvre du principe de précaution, notamment la phase de la communication des risques, elle permet la prise de connaissance par les Etats membres qui ne sont pas directement concernés par le risque afin qu’ils puissent prendre des mesures nécessaires de prévention. Cette phase a le mérite d’être organisée au niveau communautaire car cela évite des mauvaises alertes de certains Etats membres. Sur ce point, le législateur communautaire de l’UEMOA invite les Etats membres à prendre les mesures appropriées pour informer les acteurs concernés de la nature des risques et les mesures qui seront prises pour prévenir, réduire ou éliminer ces risques559. Aussi, ils doivent

garantir l’accès aux informations relatives à la sécurité sanitaire qu’ils détiennent y compris les informations concernant les substances et activités dangereuses560.

S’agissant enfin de la troisième et dernière phase, notamment la gestion des risques, elle est la plus importante dans le processus de déclenchement du principe de précaution, puisqu’elle englobe la dernière condition de ce principe en l’occurrence la prise des mesures nécessaires pour parer aux éventuels risques d’insécurité sanitaire et environnementale. Sur ce point, la position du législateur communautaire de l’UEMOA est plus ou moins confortable. En effet, il autorise les Etats membres à prendre les mesures appropriées afin d’éviter les éventuels risques d’insécurité sanitaire sur leur territoire561. En vertu de cette disposition, ce sont les autorités publiques qui sont en charge de la mise œuvre du principe de précaution sans aucun contrôle au niveau communautaire. Ce pouvoir unilatéral dont disposent les Etats pour prendre des mesures appropriées pourrait éventuellement impacter négativement le marché commun. Toutefois, le législateur essaie d’apporter d’autres précisions plus confortables dans l’alinéa 3 de la même disposition, en précisant que, « (…)dans le cas où il

existe une incertitude scientifique mais où une évaluation des informations disponibles indique des possibilités d'effets nocifs sur la santé des personnes, des végétaux et des

558 Voir sur le site de l’UEMOA : www.biosecurite.int.

559 Voir l’article 12 alinéa 2 du Règlement de l’UEMOA précité.

560 Voir l’article 12 alinéa 3 du Règlement de l’UEMOA précité. Aussi, l’article 14.2 du Règlement

03/2010/CM/UEMOA portant schéma d’harmonisation des activités d’accréditation, de certification, de normalisation et de métrologie da l’UEMOA dispose que, « lorsqu’un Etat membre pose par un texte administratif une restriction à la libre circulation ou la mise sur le marché un produit légalement fabriqué ou commercialisé dans un autre Etat membre, il notifie à la Commission, conformément à l’article 76 alinéa 3 du Traité de l’UEMOA cette mesure, dès lors qu’elle a pour effet direct ou indirect une interdiction générale pour des raison techniques, un refus d’autorisation de mise sur le marché, une demande de retrait du marché ou une demande de modification de ce produit avant sa commercialisation ».

561 À cet effet, l’article 7 alinéa 1 du Règlement de l’UEMOA précité dispose, qu’ « afin d’assurer un niveau

élevé de protection de la santé des personnes, des végétaux et des animaux et de garantir la protection de l’environnement, des mesures de précaution sont appliquées par les Etats membres selon leurs capacités ».

146

animaux, l'Union et ses Etats membres peuvent adopter, dans l'attente d'informations scientifiques, des mesures provisoires de prévention des risques pour assurer un niveau élevé de protection de la santé (…) »562. À ce niveau, on constate une volonté du législateur de faire participer les organes communautaires à la prise des mesures de prévention des risques, sans clairement définir ses pouvoirs et son degré de collaboration avec les Etats membres. Au vu de ce qui précède, on a l’impression ici que les organes communautaires ne jouent pas réellement un rôle déterminant ou n’influencent pas du tout les Etats dans leur prise de décisions. Pourtant, la participation de l’organisation communautaire à la prise de mesures préventives dans le processus de mise en œuvre du principe de précaution aurait un grand intérêt et donnerait à ce principe un véritable sens dans le contexte d’une économie intégrée.

En outre, une condition complémentaire mais très importante dans la mise en œuvre de ce principe est celle de la proportionnalité des mesures que les autorités publiques doivent prendre pour se prévenir contre les éventuels dangers sur la santé des personnes563. Même si

le législateur de l’UEMOA a pris le soin de le mentionner expressément dans ses dispositions564, force est de constater que le respect de cette condition de proportionnalité par

les autorités étatiques serait difficilement effectif565. En effet, il n’est pas évident que la

politique de protection étatique des consommateurs soit conforme à la politique d’intégration économique, dans la mesure où les Etats peuvent prendre des mesures discriminatoires ou protectionnistes déguisées, sous prétexte de protéger les consommateurs, d’où la nécessité de renforcer l’encadrement de la mise en œuvre du principe de précaution au niveau communautaire. C’est dans le même ordre d’idée qu’un auteur affirmait que, « la protection du consommateur doit être assurée sous deux angles souvent délicats à conjuguer, d'une part, la préservation du libre échange, c'est à dire la liberté de choix à des prix compétitifs et, d'autre part, la sauvegarde d'une consommation sécurisée tant du point de vue technique que du point de vue sanitaire»566. Ainsi, l’importance des différentes phases et conditions d’application du principe de précaution nécessiterait qu’il soit plus élaboré au niveau communautaire voire international, mais aussi et surtout qu’il soit contrôlé par des organes communautaires afin d’assurer l’impartialité des mesures prises à cet effet par les différents

562 Voir l’article 7 alinéa 3 du Règlement de l’UEMOA précité.

563 L’article 7 alinéa 3 du Règlement de l’UEMOA précité dispose à cet effet que, « (…).Ces mesures doivent

être proportionnées et ne doivent pas imposer plus de restrictions au commerce qu'il ne soit nécessaire pour obtenir le niveau élevé de protection de la santé choisi par l'Union en tenant compte de ses capacités techniques et économiques (…) ».

564 Ibid.

565 À titre d’exemple, on peut citer l’affaire de la grippe aviaire en Afrique de l’ouest.

566 Voir Patrick MEUNIER, « Le droit communautaire de la consommation et le droit du commerce mondial »,

147

Etats. En droit comparé, le législateur européen a aussi prévu le principe de précaution dans l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’UE et ses modalités d’application sont apportées par la Commission dans sa communication du 2 février 2000. De plus, le législateur européen a donné un pouvoir de contrôle à la CJCE567. Ceci permet au juge communautaire d’avoir un « œil » sur l’application du principe de précaution, et cela permet d’éviter les mesures arbitraires des Etats membres.

En somme, si la contribution du principe de précaution dans la protection de la santé des consommateurs de l’UEMOA n’est plus à discuter, il reste que sa mise en œuvre par les Etats membres sans aucun contrôle des organes communautaires pourrait aussi porter un préjudice injustifié au marché commun, d’où la nécessité d’un contrôle communautaire de ce principe, à l’instar du droit européen.

Par ailleurs, si le législateur communautaire de l’UEMOA a tenté d’encadrer le principe de précaution en tant que mécanisme de protection de la santé des consommateurs par un dispositif juridique moins élaboré, il ne semble pas totalement se désintéresser de la règlementation sur la traçabilité des produits mis en circulation sur le marché commun.

B- L’affirmation de la traçabilité des produits alimentaires comme un

Outline

Documents relatifs