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Chapitre I – La dimension institutionnelle de l’état de droit

Section 2. Les institutions de l’état de droit comme « chaîne pénale »

II. Les activités de soutien à la justice pénale

2. Les révisions de la législation pénale

Une des principales tâches que les Nations Unies se donnent relativement au fonctionnement de la justice consiste en la révision, dans l’ensemble des cas étudiés, des codes pénal et/ou de procédure pénale (que ce soit en collaborant à la rédaction, en engageant des consultants pour rédiger ces révisions, et/ou en procédant à un plaidoyer pour l’adoption de cette législation).

Dès son arrivée, la Minustah met en place un groupe de travail pour s’atteler aux « réformes à apporter d’urgence à la législation pénale »456

. Bien que les codes juridiques haïtiens aient tous été adoptés au début du dix-neuvième siècle (1825 pour le code civil, 1835 pour le code pénal et le code de procédure pénale), la révision soutenue et en partie financée par les Nations Unies a porté uniquement sur le code pénal et le code de procédure pénale457, en parallèle à d’autres « projets de réforme de la législation pénale »458

.

de doctorat, Paris, Université Panthéon-Assas, 2015, p. 261. Voir également le descriptif des fonctions des juges de paix sur le site du ministère de la Justice et de la Sécurité publique haïtien, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://mjsp.gouv.ht/?page_id=115, consultée le 14 novembre 2016.

450 A/64/584 p.43. 451

A/62/631 p.23.

452 Fiche de projet « Renforcement de l’Etat de droit en Haïti » du PNUD en Haïti 2015. 453 Rapport du PNUD en Haïti 2013 p.10.

454 Voir infra, Chapitre V, Section 1, § 2, II, 2, ii).

455 Voir le rapport d’activités du Bureau d’assistance légale (BAL) de Port-au-Prince, document non public. La même information émane d’un entretien avec un membre du BAL, 11 juillet 2016, Barreau de Port-au-Prince, Haïti. Consultable à l’annexe 3.

456 A/63/549 p.29. 457

A/64/554 p.28, A/65/703 p.30, A/66/658 p.24, A/67/605 p.33, A/69/619 p.32.

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En Côte d’Ivoire, « un projet de réforme du droit pénal » est mentionné par le Secrétaire général459, de même que, plus tard, l’examen du code pénal460. Les Nations Unies ont de même activement travaillé à réformer la législation pénale en République centrafricaine461. La révision des codes pénal et de procédure pénale est également une priorité des Nations Unies en Afghanistan462 où en outre le Secrétaire général énumère les réformes législatives suivantes : les « projets de code et de loi concernant l’organisation et la juridiction du Bureau du Procureur général, de la loi anticorruption et de la loi relative à l’équipe spéciale de lutte contre les crimes graves »463.

Il s’agit enfin, en guise de conclusion partielle, de souligner que la présente revue des activités mises en œuvre par les Nations Unies relativement au secteur de la justice n’a rien de sélectif ou de parcellaire, bien au contraire. Si quelques activités concernent effectivement d’autres domaines judiciaires464, dans l’immense majorité des cas, les Nations Unies font uniquement référence au pénal dans la description de leurs activités. Il s’avère donc que la « justice », en tant qu’elle incarne l’état de droit, est pour les Nations Unies essentiellement pénale. Cette approche diffère fortement d’une conception doctrinale plus classique de l’état de droit, en particulier continentale, qui s’intéresse bien davantage à la justice constitutionnelle465

, voire

Haïti depuis plusieurs décennies, les premières tentatives en la matière remontant au moins au milieu des années 1990, dans le cadre de la Commission « Si m'parele », créée en 1994 par l’ancien Président Aristide, en collaboration avec la Micivih. Entretien avec un magistrat haïtien, 27 juin 2016, Port-au-Prince. Consultable à l’annexe 3.

459 A/68/632 p.46. 460 A/70/586, par. 18.

461 C’est le Bureau des Nations Unies en République centrafricaine, antérieurement donc à l’arrivée de la Minusca, qui a « aidé le Gouvernement à mettre la dernière main à la rédaction de nouveaux codes pénal et militaire », S/2009/309 par. 35, à la suite de quoi un Code pénal et un Code de procédure pénale révisés ont été adoptés, S/2009/627 par. 49.

462

La révision du code pénal est « fermement préconisé[e] depuis au moins deux ans » et le « projet de code de procédure pénale [est] considéré comme une priorité législative », de nouveau sans mention d’autres révisions dans d’autres matières judiciaires, S/2012/462, par. 45. Le Secrétaire général rapporte donc que « [l]a révision des textes a été engagée dans les domaines du droit pénal, du code de procédure pénale et de l’administration des institutions judiciaires » S/2003/754, par. 19, puis que « [l]e Code pénal révisé a reçu l’approbation de principe du Conseil des ministres en septembre. Il est actuellement en cours d’examen par le Conseil supérieur de l’état de droit et de la lutte contre la corruption », S/2017/189 par. 31. ONU-Femmes et la Manua ont organisé, dans le cadre de ces révisions, « un atelier de deux jours sur les questions relatives aux femmes dans la réforme du Code pénal », S/2013/133 par. 42.

463

S/2012/133 par. 45, ou encore « un nouveau code de procédure pénale, une loi sur la lutte contre le terrorisme, une autre sur l’organisation du ministère public [Bureau du Procureur général] », S/2006/727 par. 51. 464 De nouveau infraChapitre VII, Section 2, § 1, II, 2.

465 « Le contrôle de constitutionnalité des lois est, on l’a vu, la condition essentielle de l’Etat de droit », J. CHEVALLIER, L’État de droit, op. cit., p.75. Voir aussi D. MOCKLE, « L’État de droit et la théorie de la rule of law », art. cit., pp.843 et 882 ; E. MILLARD, « Etat de droit et démocratie », art. cit., p. 13 ; C. GOYARD, « Etat de droit et démocratie », dans Mélanges René Chapus: droit administratif, Paris, Montchrestien, 1992, pp.299‑314. Voir encore L. HEUSCHLING, État de droit, Rechtsstaat, rule of law, op. cit., p.145 pour cette

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administrative, pour réaliser l’état de droit dans une perspective d’équilibre466

. Ce constat appuie alors l’idée d’un concept d’état de droit proprement onusien.

***

Le premier chapitre de ce travail a mis en lumière la dimension institutionnelle de l’édification de l’état de droit par les Nations Unies dans les situations de conflit et sortie de conflit. Il a ainsi été démontré que l’état de droit, tant en Afghanistan, en Côte d’Ivoire, en Haïti et en République centrafricaine, qu’en Sierra Leone et au Mali – et encore pourrait-on ajouter à cette liste de nombreux autres cas parmi lesquels la Guinée Bissau467, le Libéria468, la République démocratique du Congo469 ou le Kosovo470 – s’incarne dans les institutions de la police, de la justice et des prisons, lesquelles forment un système de justice pénale complet, désigné comme la « chaîne pénale » dans le jargon onusien.

Ce constat vient corroborer de précédents travaux471. Mais la dimension institutionnelle de l’édification de l’état de droit par les Nations Unies ne résume pas la conception que celles-ci se font de l’état de droit dans les situations étudiées, et s’y arrêter empêcherait d’en cerner les fondements et motifs. Il convient donc d’approfondir l’analyse, en s’intéressant en particulier aux fonctions que les Nations Unies attribuent à l’état de droit dans ce cadre.

question relativement au Rechsstaat, p.414 pour l’Etat de droit français.

466 « Contrôle de la légalité des actes juridiques en général et des actes administratifs en particulier, et contrôle de constitutionnalité des actes législatifs sont en effet indispensables à l’Etat de droit moderne », M.-L. BASILIEN -GAINCHE, État de droit et états d’exception, op. cit., p.233.

467

Le Conseil de sécurité demande ainsi au Bureau intégré des Nations Unies en Guinée-Bissau d’« [a]ider les autorités nationales à mettre en place un système de police, d’application des lois et de justice pénale qui soit véritablement efficace », S/RES/1876 par. 3 c).

468

Le Secrétaire général recommande « d’améliorer la coordination [de la police] avec les autres acteurs du système de justice pénale », S/2015/275 par. 46. Voir aussi J. FARRALL, « Impossible expectations? The UN Security Council’s promotion of the rule of law after conflict », dans, Cambridge University Press, 2009, p.151. 469 En matière d’état de droit, le Conseil de sécurité demande ainsi l’élaboration d’un « programme pluriannuel des Nations Unies pour l’appui à la justice axé sur le développement de l’appareil de justice pénale – police, justice et prisons », S/RES/1925 par. 12 o), voir aussi S/RES/2098 par. 15 g) et S/RES/2147 par. 5 j), et les rapports du Secrétaire général S/2012/512 par. 59 et S/2010/164 par. 52.

470 D’après les recommandations du Secrétaire général pour le futur mandat de la Mission des Nations Unies au Kosovo, S/2008/692 par. 30.

471 «[L]egislative reform supported by peace operations is primarily focused on criminal justice, including

criminal law and criminal procedure law », R. SANNERHOLM, « Securitisation, sectorisation and goal displacement: rule of law assistance in UN peace operations », op. cit., p.14. Dans le même sens, «the UN has

elevated its institutional rule of law model to a dominant international rhetoric which emphasises formal criminal justice models», A. LEWIS, Judicial reconstruction and the rule of law, op. cit., p.203.Voir également C. BLEIKER et M. KRUPANSKI, « The Rule of Law and Security Sector Reform: Conceptualising a Complex Relationship », The Geneva Centre for the Democratic Control of Armed Forces, 2012 ; J. FARRALL, « Impossible expectations? », art. cit., p.153 ; D. MARSHALL (éd.), The International Rule of Law Movement, op.

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