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Les outils méthodologiques retenus pour l’analyse de la pratique onusienne

Section 2. La pratique onusienne d’édification de l’état de droit et ses enseignements potentiels

II. La dimension empirique de la recherche

2. Les outils méthodologiques retenus pour l’analyse de la pratique onusienne

La première étape de la recherche empirique a consisté en l’analyse de la pratique onusienne à travers l’étude de sa documentation, complétée par l’organisation d’entretiens avec le personnel onusien et ses partenaires nationaux, et quelques sessions d’observations directe de la pratique – énumérés à l’annexe 2. Une approche empirique consiste en effet, y compris en droit international, en « the systematic use of qualitative or quantitative methods »211.

La documentation onusienne est extrêmement volumineuse et variable, d’une part dans le sens où elle inclut des documents de nature différente et d’autre part du fait que la façon dont les discours et activités sont présentés – et, au demeurant, la façon dont ils sont formulés ou réalisés – change selon les organes desquels ils émanent, selon les cas d’étude, et même d’un document à l’autre dans un même contexte. L’exploration de cette documentation a donc tout d’abord nécessité le recours à des outils d’analyse de texte quasi statistiques sur la base d’une approche « nominaliste » fondée sur les seules occurrences de l’expression « état de droit » et des termes apparentés212. Cette étape nominaliste s’est avérée indispensable pour dégager le sens attaché à la notion d’état de droit dans la documentation onusienne puisque, du fait de l’indétermination initiale de l’objet de recherche, on ne peut que s’en remettre au mot censé désigner l’objet poursuivi213

. A ce stade, le choix a été fait d’exclure de la recherche les

The American Journal of International Law, vol. 95, n° 3, juillet 2001, p.583.

209 Infra, Chapitre VIII, Section 1, § 2.

210 Acronyme de la version anglaise Bureau for crisis prevention and recovery ; la version française de l’acronyme n’est pas usitée.

211 G. SHAFFER et T. GINSBURG, « The Empirical Turn in International Legal Scholarship », The American

Journal of International Law, vol. 106, n° 1, 2012, p.3.

212 Supra, Section 1, § 2, I.

213 « La méthode se doit – puisque l'on est confronté à une expression dont on ignore le sens – d'être axée sur les

mots », L. HEUSCHLING, État de droit, Rechtsstaat, rule of law, op. cit., p. 19., voir aussi pp.11-13. La même approche nominaliste a été retenue par O. CORTEN, « L’Etat de droit en droit international : quelle valeur

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quelques occurrences réellement marginales de la notion, c’est-à-dire les occurrences attribuant au concept un sens excessivement divergent au regard de celui qui se dégageait de l’immense majorité de la terminologie214

. Cela était d’autant plus justifié que ces occurrences figuraient généralement dans des documents relativement peu officiels (par exemple des articles d’information publique produits par des unités en charge de la communication et non de l’édification de l’état de droit, ou des documents de travail internes). Le contenu qui s’est dégagé suite à cette première étape, reflété au chapitre I, a ensuite permis d’intégrer à l’étude l’ensemble de la pratique onusienne correspondant au contenu ainsi identifié, à savoir la mise en place d’une « chaîne pénale » fonctionnelle215

. La pratique onusienne d’édification de l’état de droit comme « chaîne pénale » a alors pu être analysée plus en détail, sans nécessairement s’arrêter aux seules occurrences de l’expression « état de droit ». L’approche décrite ici, qui mobilise des techniques davantage apparentées à la sociologie, correspond en quelque sorte à la technique juridique appliquée à un objet à la normativité douteuse dont les traces sont à rechercher dans un matériau qui n’est pas uniquement composé d’actes juridiques.

Les précédents travaux d’exploration de la pratique onusienne d’édification de l’état de droit dans les situations conflictuelles et post-conflictuelles216, s’ils ont permis de confirmer certaines analyses produites à l’étape empirique, se sont révélés très limités pour ce qui est de l’analyse plus théorique. En conséquence, comme indiqué en introduction de ce passage, il s’est agi pour expliquer le contenu du concept lors de la phase analytique de la recherche, de mobiliser des cadres de référence issus de la théorie du droit, de la sociologie du droit (international), et des relations internationales.

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juridique ajoutée ? », art. cit., p.15.

214 Pour une énumération de quelques unes de ces mentions « marginales »infra, Chapitre VIII, Section 2, § 1, I, 1, i).

215

Infra, Titre I.

216 Voir parmi d’autres, R.Z. SANNERHOLM, Rule of law after war and crisis, op. cit. ; R.Z. SANNERHOLM et al.,

« Looking Back, Moving Forward », art. cit. ; A.G. HURWITZ et R. HUANG (éds.), Civil war and the rule of law,

op. cit. ; J. STROMSETH, D. WIPPMAN et R. BROOKS, Can Might Make Rights?, op. cit. ; J.M. FARRALL, « United Nations peacekeeping and the rule of law », Canberra, Centre for International Governance and Justice, ANU, 2007 ; C. CALL (éd.), Constructing justice and security after war, op. cit. ; N. JOHNSTONE, « What Context Matters? Rule of Law Programming in the Midst of Post-conflict Insecurity », Hague Journal on the Rule of

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La démonstration à venir procède en deux temps, qui s’émancipent cependant des étapes empirique et analytique de la recherche. Le contenu du concept d’état de droit tel qu’édifié par les Nations Unies dans les situations conflictuelles et post-conflictuelles et identifié au cours de la phase empirique est en effet caractérisé par une dichotomie fondamentale entre deux fonctions en tension l’une avec l’autre: sa fonction répressive et sa fonction protectrice. En d’autres termes, cette tension a été très justement décrite par B. Delcourt comme un « subtil équilibre entre « ordre » et « liberté » inhérent à la notion d’Etat de droit »217.C’est ce « subtil équilibre » qui structure l’ensemble de ce travail, lequel se penche tour à tour sur la dimension répressive (partie I) puis la dimension protectrice (partie II) de l’état de droit « onusien » dans les situations conflictuelles et post-conflictuelles. Chacune de ces deux parties fonctionne de façon relativement similaire, prenant pour point de départ la démonstration de l’existence, de la portée et des caractéristiques de la fonction répressive ou protectrice de l’état de droit, avant d’en proposer une analyse plus systémique au regard du contexte, dans un sens large, dans lequel le concept se situe. La dimension répressive de l’état de droit étant la plus flagrante dans la pratique onusienne, il est apparu préférable de s’y intéresser en premier, d’autant plus que la démonstration et l’analyse de la dimension protectrice du concept tel qu’il est édifié par les Nations Unies dans les situations étudiées ne fera pour l’essentiel que confirmer l’importance de la première, au détriment de l’équilibre susmentionné.

217 B. DELCOURT, « De quelques paradoxes liés à l’invocation de l’Etat et du droit », dans K. BANNELIER -CHRISTAKIS et al. (éds.), Le droit international face au terrorisme, Paris, Pedone, 2002, p. 208 (Cahiers

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