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Les institutions de l’état de droit dans les accords entre l’ONU et les Etats

Chapitre I – La dimension institutionnelle de l’état de droit

II. Les institutions de l’état de droit dans les actes encadrant la pratique de terrain

2. Les institutions de l’état de droit dans les accords entre l’ONU et les Etats

L’ensemble des acteurs onusiens est tenu de conclure un accord formel309

avec l’Etat dans lequel ils agissent afin de fonder et encadrer les activités mises en œuvre. Ces documents présentent l’intérêt de décrire de façon relativement exhaustive les activités envisagées par les Nations Unies dans l’Etat concerné, et constituent par ailleurs un point de rencontre (officiellement au moins) entre la vision onusienne et celle des Etats hôtes. Ils sont donc une source d’enseignements non négligeable. Ces accords peuvent être communs à l’ensemble du système onusien dans le pays (i) ou bilatéraux entre chaque entité et l’Etat hôte (ii).

i) Les institutions de l’état de droit dans les accords-cadres

Il existe deux sortes d’« accords-cadres » entre les entités onusiennes agissant dans un Etat et celui-ci. Dans tous les pays où les agences onusiennes interviennent, un « Plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement »310

est élaboré. Dans les Etats où une mission

contenu précis de la notion, telle que S/RES/1702, par. 11 et par. 15. 305 S/RES/1542, S/RES/2070, S/RES/2013, S/RES/2180, S/RES/2243. 306 S/RES/1542.

307 S/RES/1702.

308 S/RES/1780, S/RES/1840. 309

Signé par un représentant de chaque partie. Par exemple, en Haïti, c’est en général le ministre de la Planification et de la Coopération externe qui appose sa signature sur ces documents (voir le Cadre stratégique intégré des Nations Unies pour Haïti 2010-2011, son extension pour 2012, et le Cadre stratégique intégré des Nations Unies pour Haïti 2013-2016).

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de paix est également présente, ces Plans cadres côtoient ou sont remplacés par des « Cadres stratégiques intégrés » (CSI) qui couvrent tant les activités des agences que celles de la mission. La conception de l’état de droit qui émane de ces accords renvoie elle aussi largement au triptyque « police-justice-prisons », à quelques rares nuances près, comme le résume le tableau à la fin de ce passage.

Les Cadres stratégiques intégrés du système onusien en Haïti311 font référence aux « institutions de l’État de Droit » telles que les « cours, tribunaux, police et prisons »312 et les « institutions nationales, y compris celles responsables de la justice et de la sécurité »313. En matière d’état de droit, l’actuel Plan cadre des Nations Unies en Afghanistan évoque les institutions policière, judiciaire et pénitentiaire314, et celui des Nations Unies en République centrafricaine mentionne la justice315. En Côte d’Ivoire, le Plan cadre en cours relève que « [l]e renforcement de l’Etat de droit se poursuit avec des avancées sur le plan judiciaire »316. Un des Plans cadres des Nations Unies pour le développement en Sierra Leone énumère les trois mêmes secteurs policier, judiciaire et pénitentiaire dans le cadre de l’édification de l’état de droit317, tandis qu’au Mali, le Plan cadre – qui inclut cette fois les activités de la Minusma – prévoit que

« [l]es Nations Unies accompagneront les efforts du Gouvernement tendant au

assistance framework ».

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Le seul Plan cadre disponible pour la période considérée n’adopte pas explicitement pour objectif l’édification de l’état de droit, mais il mentionne toutefois une activité d’« [a]ppui au rétablissement de l’état de droit dans les zones défavorisées à travers la réhabilitation des Commissariats en Haïti », Plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement en Haïti 2009-2011, Annexe, p.iii.

312 Cadre stratégique intégré des Nations Unies en Haïti 2010-2011 p.10. Voir également, dans le même document, le « Cadre logique » p.20 et suivantes.

313 Cadre stratégique intégré des Nations Unies en Haïti 2013-2016 évoquant les « institutions nationales, y compris celles responsables de la justice et de la sécurité » pour « appuyer la consolidation d’une culture d’Etat de droit », p.15.

314

« Most rule of law funding supported the [Ministry of Interior] and Afghan National Police (…). In addition,

courthouses have been re-built, judges have been trained (…). Prosecutors have been trained and joint police-prosecutor work has been initiated. Additional prisons and detention centres have been built or refurbished »,

Plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement en Afghanistan 2015-2019 p.15. Le Plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement en Afghanistan 2006-2008 associe l’état de droit à la gouvernance et aux droits humains, de sorte que les institutions ciblées dans le cadre du soutien à l’état de droit ne sont pas présentées distinctement des autres institutions concernées par ce domaine d’action, tandis que le même document pour 2010-2013 ne mentionne aucune institution spécifique. Enfin, le Plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement en Afghanistan couvrant la période entre 2008 et 2010 n’est pas disponible. 315 Plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement en République centrafricaine 2018-2021 p.34. Celui de 2012 cite relativement à l’état de droit « le renforcement du système judiciaire » et « la mise en œuvre de la réforme de l'administration pénitentiaire », Plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement en République centrafricaine 2012-2016 p.15.

316 Plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement en Côte d’Ivoire 2017-2020 p.19. La version de 2003-2007 associait l’édification de l’état de droit au « système judiciaire » et à la Commission nationale des droits de l’homme, Plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement en Côte d’Ivoire 2003-2007 p.11. 317Plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement en Sierra Leone 2008-2010 p.5.

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renforcement de l’Etat de droit, à travers l’appui technique et financier aux initiatives permettant d’améliorer le fonctionnement des institutions judiciaires et pénitentiaires et des organes de lutte contre l’impunité »318

.

Tableau du contenu institutionnel de l’état de droit dans les accords cadres

Cas d’étude Police Justice Prisons Autre

Afghanistan X X X Côte d’Ivoire X X Haïti X X X Mali (X)* X X République centrafricaine X X Sierra Leone X X X

* « organes de lutte contre l’impunité »

Ces documents offrent donc peu ou prou la même conception institutionnelle de l’état de droit que celle précédemment identifiée dans la pratique du Conseil de sécurité. En outre, les mêmes institutions incarnent l’état de droit quel que soit le type de document, qu’il s’agisse des Cadres stratégiques incluant les activités de la mission de paix, ou des Plans cadres couvrant seulement les activités des agences, de sorte qu’on peut estimer que les agences et les missions partagent une même conception de l’édification de l’état de droit319

. Ces documents programmatiques servent en outre de cadre pour les « programmes pays » conclus entre chaque agence ou programme et l’Etat concerné.

ii) Les institutions de l’état de droit dans les accords bilatéraux entre le PNUD et les Etats

Parmi les acteurs onusiens agissant pour l’édification de l’état de droit dans les pays en conflit ou sortant d’un conflit, le Programme des Nations Unies pour le développement occupe une place de choix, entre autres parce qu’il dispose d’un Bureau pour la prévention des crises et le relèvement et qu’à ce titre il est « chef de file » pour l’édification de l’état de droit320. Le PNUD conclut des accords dits « programmes pays » avec chacun des Etats dans lesquels il mène des programmes321. Ces accords sont en outre adoptés par le conseil d’administration du

318 Plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement au Mali 2015-2019 p.19. 319

Hypothèse qui se verra confirmée par l’étude plus détaillée de la pratique : voir, en substance, la section 2 du présent chapitre.

320 Infra, Chapitre III, Section 1, § 1, II, 2, i).

321

Sur la capacité des agences, fonds et programmes à conclure des accords, voir M. VIRALLY, « La notion de Programme — un instrument de la coopération technique multilatérale », Annuaire français de droit

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PNUD, composé de représentants de 38 Etats membres des Nations Unies. Dans les cas étudiés, ces accords révèlent là encore une conception institutionnelle de l’état de droit essentiellement axée sur le même triptyque.

En Haïti, le PNUD prévoit de « renforcer les institutions d’Etat de droit » que sont les « institutions clés du système de justice (…) ainsi que celles du système policier et carcéral »322. Le programme pays du PNUD en Afghanistan en cours d’exécution évoque les institutions policière, judiciaire et pénitentiaire pour l’édification de l’état de droit323, tandis qu’une version antérieure se concentrait sur le secteur policier324

. En République centrafricaine, le PNUD associe l’état de droit à plusieurs autres champs d’action, de sorte qu’il est difficile d’en dégager un contenu précis, si ce n’est qu’il renvoie entre autres aux institutions de la justice, y compris la Cour pénale spéciale (CPS)325, et aux institutions de la sécurité et des droits humains326. En Côte d’Ivoire, le PNUD annonce dans son Programme pays actuel que « [l]e renforcement de l’Etat de droit est engagé à travers, notamment, la réforme du secteur de la justice »327.

Si le PNUD est indéniablement, avec les missions, l’acteur onusien le plus investi dans l’édification de l’état de droit dans les pays étudiés, certaines autres agences ou programmes agissent également dans le domaine. Cependant, dans les cas retenus pour cette étude, ces entités ne disposent pas d’un mandat formel d’édification de l’état de droit inscrit dans leurs accords-cadres : elles agissent plutôt en collaboration avec la mission de paix ou le PNUD. Leur pratique sera donc étudiée ultérieurement.

Les actes juridiques encadrant et fondant la pratique onusienne dans les cas étudiés indiquent sans conteste que ces cas, loin de constituer des exceptions ou anomalies, reprennent et confirment la conception de l’état de droit émanant de l’ensemble de la pratique onusienne dans les situations conflictuelles et post-conflictuelles. Plus largement, le fil des occurrences

international, vol. 14, n° 1, 1968, pp.530‑553.

322 Plan d’action du programme pays du PNUD en Haïti 2013-2016 p.12. De même, il est question des « secteurs de la police et de la justice » dans le cadre d’une réforme de l’état de droit dans le Projet de descriptif de programme pays du PNUD en Haïti 2009-2011, DP/DCP/HTI/1, p.5.

323 Programme pays du PNUD en Afghanistan 2015-2019, p. 3 et p.15. 324

Plan d’action du programme pays du PNUD en Afghanistan 2006-2008 p.14.

325 Juridiction hybride créée par l’Etat centrafricain avec le soutien du Conseil de sécurité, voir infra, Chapitre II, Section 2, § 2, I, 2.

326

Programme pays du PNUD en République centrafricaine 2018-2021 p.5 et 12. 327 Programme pays du PNUD en Côte d’Ivoire 2017-2020 par. 12.

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de l’« état de droit » dans la documentation onusienne, au siège comme sur le terrain, de même que l’architecture onusienne consacrée à la question, ont permis de circonscrire un périmètre institutionnel clair du concept d’état de droit dans les situations de conflit et de sortie de conflit : l’état de droit consiste, pour l’ensemble des acteurs onusiens, en un triptyque institutionnel composé des secteurs policier, pénitentiaire et judiciaire, au sein duquel ce dernier apparaît particulièrement important. Dans le cadre de cette délimitation, il reste à explorer le détail de la pratique onusienne déployée directement auprès des institutions incarnant l’état de droit.

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