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L’architecture institutionnelle de l’ONU pour l’édification de l’état de droit dans les cas d’étude

Chapitre I – La dimension institutionnelle de l’état de droit

I. L’architecture institutionnelle de l’ONU pour l’édification de l’état de droit dans les cas d’étude

L’organisation onusienne interne en vue de l’édification de l’état de droit est révélatrice de la conception que les Nations Unies ont du concept. Au niveau du siège, l’agencement institutionnel désigne deux entités comme « chefs de file » de l’édification de l’état de droit dans les situations de conflit et de sortie de conflit, à savoir le Département des opérations de maintien de la paix et le Programme des Nations Unies pour le développement284. Ce rôle de « chef de file » permet de guider l’analyse de l’organisation de la pratique sur le terrain, plus variable, et qui sera donc surtout centrée sur les missions de paix (1) et le PNUD (2). L’architecture interne de ces entités confirme la prévalence du triptyque police-justice-prisons comme incarnation institutionnelle de l’état de droit, dans le sens où ce sont les unités ou sections en charge des questions de police, de justice et de prisons qui constituent la colonne vertébrale de la coordination interne pour l’édification de l’état de droit. Les rôles et mandats des différents acteurs impliqués dans l’édification de l’état de droit seront en même temps précisés, ce qui permettra par la suite de mieux comprendre l’organisation de la pratique onusienne, les mobilisations dont l’état de droit fait l’objet, et les fonctions qui lui sont attribuées.

1. L’architecture interne des missions de paix en matière d’état de droit

Les missions de paix sont composées d’unités ou sections, elles-mêmes rattachées à un pilier, en général au nombre de deux pour ce qui est des missions de maintien de la paix (l’organisation interne des missions politiques étant plus variable) : un pilier davantage axé sur les questions politiques, et un pilier humanitaire. Cette architecture renseigne sur la conception qu’ont les missions de la façon de mener à bien leur mandat de maintien de la paix, et sur les liens entre les différents domaines d’action envisagés pour ce faire, bien qu’il

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faille prendre en compte que cet agencement dépend aussi parfois de considérations financières ou relevant des ressources humaines, et non uniquement conceptuelles et opérationnelles.

En l’occurrence, plusieurs des missions étudiées sont spécifiquement dotées d’un pilier « état de droit ». En ce qui concerne la Minustah, le pilier « état de droit » était composé en 2016 de la section Police (UNPOL), de l’« Unité Correctionnelle »285

intervenant auprès du système pénitentiaire, et de trois sections émanant de l’ancienne section « Justice » scindée en 2014 : la « section de l'appui institutionnel et de la réforme juridique », la « section des juridictions modèles », et la « section de l'indépendance et de la responsabilité ». Deux autres sections complètent ce pilier : la « section des droits de l’homme » (SDH)286 et la « section de la réduction de la violence communautaire » (RVC)287, qui fut rattachée au pilier « état de droit » en 2014 essentiellement pour des considérations budgétaires, la section RVC étant dotée d’un budget de mise en œuvre, contrairement aux autres sections du pilier. L’Onuci quant à elle disposait, à sa création, d’une « section de l’état de droit, du système judiciaire et des services consultatifs de l’administration pénitentiaire »288

, qui fut ensuite chapeautée par le « Bureau du représentant spécial adjoint principal pour les opérations et l’état de droit », ayant sous sa direction la « section des services consultatifs concernant l’état de droit, le système judiciaire et l’administration pénitentiaire », le « Bureau du chef de la police », le « Bureau de l’assistance électorale » et la « section des droits de l’homme »289. Au sein de la Manua, la section « état de droit », directement sous la tutelle du Représentant spécial du Secrétaire général, a en charge les activités relatives au système judiciaire et comprend également quelques agents de la police civile onusienne290. A sa création, le Bureau intégré des Nations Unies en Sierra Leone était composé de cinq sections dont la « section droits de l’homme et état de droit »291

, section qui a perduré au sein du Bureau intégré des Nations

285 Nous conserverons ce terme malgré l’anglicisme, ainsi que le raccourci de « Corrections », qui sont les termes les plus fréquemment employés par le personnel onusien pour désigner cette section.

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Sur les liens opérationnels et conceptuels entre l’état de droit et les droits humains dans la pratique onusienne, voir infra Titre II.

287 La section RVC est en fait l’ancienne section Démobilisation, Désarmement et Réintégration (DDR). 288 A/59/289 par. 42 et suivants.

289 A/65/736 p.62. 290

Voir entre autres A/C.5/56/25/Add.4, par. 17 et p.46 pour l’organigramme.

291 Elle « aide le Gouvernement sierra-léonais à renforcer la capacité des institutions de l’État de s’attaquer aux causes profondes du conflit, à élaborer un plan d’action national en matière de droits de l’homme, à mettre en place une commission nationale des droits de l’homme et à renforcer, grâce à la formation, la capacité des institutions chargées de faire respecter la loi », S/2006/296 par. 7.

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Unies pour la consolidation de la paix en Sierra Leone292. Enfin, au sein de la Minusca, aucune section ou pilier n’est officiellement labellisé « état de droit »293

, ce qui est également le cas de la Minusma294. En revanche ces missions disposent de sections « affaires judiciaires et pénitentiaires »295.

On retrouve donc, dans l’architecture même des missions de paix sur le terrain, la justice et le système pénitentiaire, voire la police, au cœur de la pratique onusienne d’édification de l’état de droit. Dans son étude sur les composantes policière, judiciaire et pénitentiaire dans les missions de maintien de la paix au Tchad, en Haïti, en République démocratique du Congo, au Kosovo, au Libéria, au Soudan, au Timor-Leste et en Côte d’Ivoire au cours de l’année budgétaire 2008-2009, l’institut de recherche Stimson rend compte de résultats relativement similaires296.

2. L’organisation interne du PNUD en matière d’état de droit

L’organisation interne du PNUD est en général moins explicite, étant donné que celui-ci ne dispose pas systématiquement d’une section spécifique pour l’état de droit. On peut noter toutefois qu’en Afghanistan, la « Rule of Law unit » du PNUD regroupe la gestion du « Law and Order trust fund », programme responsable du soutien fourni à la police afghane, et des programmes « Afghanistan Access to justice » et « Justice and Human Rights in Afghanistan »297. Dans les autres cas étudiés, les Bureaux locaux du PNUD ne disposent pas d’une section consacrée à l’état de droit, mais d’une « section gouvernance » à laquelle les programmes en matière d’état de droit sont rattachés.

292 Le Secrétaire général recommande qu’elle soit « dotée d’un spécialiste des droits de l’homme et de l’état de droit (P-5) et d’un spécialiste de l’état de droit, qui s’emploieraient à renforcer l’état de droit et à renforcer la capacité du système d’administration de la justice », S/2008/281 par. 69, et, sur le plan institutionnel, travaille plus précisément avec la Commission nationale des droits de l’homme et la Commission Vérité et réconciliation, S/2009/59 par. 6.

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Voir les organigrammes dans les rapports A/69/557 p.90 et A/71/819 p.138. 294 A/71/842, annexe II.

295 Ibid., A/69/557 p.90 et A/71/819 p.138 pour la Minusca et A/71/842, annexe II pour la Minusma.

296 W. DURCH et al., « Understanding Impact of Police, Justice and Corrections Components in UN Peace

Operations », Washington, D.C, The Stimson Center, 2012, pp.73‑74.

297 Voir la page du site du PNUD en Afghanistan disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.af.undp.org/content/afghanistan/en/home/ourwork/crisispreventionandrecovery/overview.html, consultée le 28 juillet 2017.

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L’architecture onusienne interne relative à l’édification de l’état de droit dans les cas étudiés engage à s’intéresser plus particulièrement à la pratique des missions et du PNUD, et annonce par ailleurs que l’édification de l’état de droit dans les cas étudiés porte prioritairement sur les trois domaines institutionnels déjà identifiés dans la pratique d’ensemble, soit la police, la justice et les prisons.

II. Les institutions de l’état de droit dans les actes encadrant la pratique de

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