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Les institutions de l’état de droit dans la pratique onusienne relative aux situations conflictuelles et post-conflictuelles au-delà des résolutions

Chapitre I – La dimension institutionnelle de l’état de droit

II. Les institutions de l’état de droit dans la pratique onusienne relative aux situations conflictuelles et post-conflictuelles au-delà des résolutions

Les rapports du Secrétaire général des Nations Unies ont eu une résonance particulière dans la conception onusienne relative, soit aux situations de conflit et post-conflit, soit à l’état de droit, soit à l’édification de l’état de droit dans ces situations. Certains de ces rapports ne sont pas dépourvus d’une portée « doctrinale »272

, du fait de leur formulation qui dénote une

267

A/RES/67/1 par. 19 et 18 respectivement. 268

Ibid., par. 21.

269 Ibid., par. 22.

270 Entre autres, A/RES/68/116 par. 12. 271

Voir la dernière résolution en date, A/RES/71/148 par. 13.

272 La « doctrine » onusienne consiste en « [l]’ensemble d’orientations institutionnelles visant à appuyer l’action du personnel chargé de préparer, de planifier et de mettre en œuvre une opération de maintien de la paix des Nations Unies », d’après les « Principes et orientations des opérations de maintien de la paix des Nations Unies » dits « doctrine Capstone », Département des opérations de maintien de la paix et Département de l’appui aux missions, 2008, p.105. Plus généralement, on peut estimer que la doctrine onusienne s’entend de l’ensemble des directives opérationnelles mais aussi des développements conceptuels visant à orienterla pratique des acteurs onusien. C’est une expression que l’on retrouve plus volontiers dans la littérature anglophone, voir ainsi C. DE

CONING, C. AOI et J. KARLSRUD (éds.), UN peacekeeping doctrine in a new era: adapting to stabilisation,

protection and new threats, Londres - New York, Routledge, 2017 (Global institutions) ; W. MASON (éd.), The

rule of law in Afghanistan: missing in inaction, Cambridge - New York, Cambridge University Press, 2011, p.4.

Voir aussi J. TERCINET, « Les opérations de paix », Paix et Sécurité Européenne et Internationale, vol. 2, 2015, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://revel.unice.fr/psei/index.html?id=508#bodyftn138, consultée le 24 novembre 2018.

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volonté d’indiquer la voie à suivre ou de préciser le contenu d’un concept273

. Mais ce sont les rapports du Secrétaire général décrivant la pratique d’édification de l’état de droit dans les situations conflictuelles et post-conflictuelles qui seront présentés ici, puisqu’ils reflètent la façon dont les missions de paix mais aussi les autres acteurs onusiens mettent en place l’état de droit, et donc le contenu attribué à ce dernier (1). Les documents programmatiques pour l’édification de l’état de droit dans les « situations de crise et de fragilité » du Programme des Nations Unies pour le développement, autre acteur onusien majeur dans l’édification de l’état de droit dans les situations (post-)conflictuelles, viendront compléter la présentation du contenu institutionnel attribué par les entités onusiennes à l’état de droit (2).

1. Les institutions de l’état de droit d’après les rapports du Secrétaire général

Le principal rapport du Secrétaire général pertinent pour ce qui est de l’élaboration d’une conception précise de l’état de droit est indéniablement son rapport de 2004 intitulé « Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit » où, comme déjà mentionné, il propose une définition du « concept » ou « principe » de l’état de droit274. Outre les dispositions de la définition275, le rapport développe, sans surprise au vu de son intitulé associant l’état de droit et l’administration de la justice, une conception largement institutionnelle de l’état de droit dans lesdites situations, axée principalement autour des « institutions judiciaires nationales »276. Enumérant les activités réalisées par les missions de paix dans ce domaine, le rapport cite comme étant au cœur de l’édification de l’état de droit :

« les institutions nationales chargées de faire appliquer la loi et d’administrer la justice, (…) [l]es tribunaux (…), les magistrats et fonctionnaires de l’appareil judiciaire national, (…) les organismes locaux chargés de la réforme du système judiciaire, et (…) les institutions du pays d’accueil chargées de faire respecter la légalité. (…) les services de police et la magistrature assise et debout, (…) des médiateurs et des commissions des droits de l’homme, (…) les associations d’avocats pénalistes, (…) des instituts de formation juridique »277

.

Le Secrétaire général déplore en outre que dans certains cas, « la communauté internationale a

273 Ils ont ainsi contribué à asseoir la conception onusienne de l’état de droit dans les situations de conflit et post-conflit, mais, de même que l’étude des résolutions thématiques du Conseil de sécurité abordant l’état de droit a été réservée à la démonstration de l’institutionnalisation de l’état de droit « répressif », ces documents seront eux aussi abordésinfra, Chapitre III, Section 1, § 1, I, 1, ii).

274 S/2004/616 par. 6.

275 Supra, Introduction générale, § 2, II, 2.

276

S/2004/616 p.3. 277 Ibid., par. 12.

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centré son action sur le rétablissement des services de police, en se désintéressant plus ou moins d’autres aspects du secteur de la justice »278

, désignant enfin « l’appareil judiciaire, les services de police et le système pénitentiaire » comme incarnation institutionnelle de l’état de droit dans les périodes d’après conflit279

. Si donc ce rapport propose de nouveau une conception de l’état de droit comme constitué des institutions policières, judiciaires et pénitentiaires, il s’agit ici de relever également les liens intrinsèques qu’entretiennent l’état de droit et la justice, de sorte que cette dernière occupe, en tant que concept et en tant qu’institution, une place de choix au sein du triptyque susmentionné.

Le Secrétaire général établit également tous les ans un rapport intitulé « Renforcement et coordination de l’action des Nations Unies dans le domaine de l’état de droit », exposant les activités mises en œuvre par les Nations Unies à cette fin, y compris dans les situations conflictuelles ou post-conflictuelles. Le Secrétaire général y désigne un certain nombre d’institutions auxquelles les Nations Unies apportent leur soutien. Ces institutions sont, exclusivement ou non, les systèmes judiciaires, la police, l’administration pénitentiaire280

.

La conception de l’état de droit dans les situations de conflit et de sortie de conflit qui se dégage des observations du Secrétaire général renvoie donc largement à la même conception précédemment identifiée dans les résolutions des organes intergouvernementaux onusiens, en particulier dans les résolutions du Conseil de sécurité, selon laquelle l’état de droit consiste en un ensemble institutionnel composé de la justice, de la police et des prisons.

2. Les institutions de l’état de droit d’après le Programme des Nations Unies pour le développement

Les autres entités onusiennes agissant d’une manière ou d’une autre dans le domaine de l’état de droit dans des situations de conflit et de post-conflit ont également développé une conception théorique ou plus opérationnelle de l’état de droit dans ces situations281

. Parmi elles, le Programme des Nations Unies pour le développement a développé de conséquents

278 Ibid., par. 24.

279 Ibid., par. 27. Voir encore, la mention des « services de police, les services pénitentiaires, l’armée et la

magistrature », par. 52, et le besoin en personnel qualifié pour « encadrer les policiers, les juges, les procureurs et les avocats, les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire », par. 61.

280 Voir en particulier A/69/181 par. 24-27 et A/68/213 par. 45-57. Voir également A/72/268 par. 8-21, A/71/169 par. 29-37, A/70/206 par. 37-44.

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programmes internationaux pour l’édification de l’état de droit dans les contextes de crise dont le premier volet intitulé « Strengthening the Rule of Law in Conflict- and Post-Conflict Situations » a été mis en œuvre de 2008 à 2011, la seconde phase, intitulée « Strengthening the rule of law in crisis-affected and fragile situations », couvrant la période 2012-2015. Ce programme international repose sur l’idée que « the rule of law is based on justice and security »282. Le PNUD y estime que les institutions essentielles de l’état de droit (« critical rule of law institutions ») sont le système judiciaire, le ministère de la Justice, les procureurs, les institutions chargées de faire respecter la loi et le système pénitentiaire (« Law-enforcement and Corrections »)283.

Ainsi, dès lors qu’il est question d’état de droit dans les situations de conflit et sortie de conflit, que ce soit de façon concrète, à travers par exemple les activités confiées aux missions de paix ou les programmes du PNUD, ou de façon plus théorique, dans les résolutions de l’Assemblée générale ou dans certains rapports du Secrétaire général, les entités onusiennes font référence aux institutions policières, pénitentiaires et judiciaires, et plus particulièrement à ces dernières. Ce constat qui porte sur l’ensemble des situations conflictuelles et post-conflictuelles ne va être que confirmé par l’étude plus détaillée de la pratique onusienne dans les cas retenus.

§ 2. Les institutions de l’état de droit dans la pratique onusienne dans les cas d’étude

La revue de la pratique onusienne relative à l’état de droit et à son édification dans les situations de conflit et de sortie de conflit dans son ensemble a permis d’identifier la dimension institutionnelle de l’état de droit et son contenu, soit les institutions de la justice, de la police et des prisons. Le présent paragraphe consacré à la Sierra Leone, à l’Afghanistan, à la Côte d’Ivoire, à Haïti, au Mali et à la République centrafricaine, va montrer que ces cas sont en parfaite cohérence avec la démonstration précédente (II). Un autre aspect de la pratique onusienne d’édification de l’état de droit dans les cas étudiés tout à la fois guide et confirme la conception démontrée jusqu’à présent. En effet, l’architecture institutionnelle du

282 Programme global « Strengthening the Rule of Law in Conflict- and Post-Conflict Situations » du PNUD Phase I, p.5, et Phase II, p.5.

283

Ibid., p.6. On retrouve les mêmes institutions dans la phase II du programme : « the judiciary and prosecution services, line ministries, the police/law-enforcement and corrections », p.6.

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système onusien se rapportant à l’édification de l’état de droit dans les situations de conflits et sorties de conflit constitue un indicateur de l’incarnation de l’état de droit dans les institutions de la police, de la justice et des prisons (I). Son étude permet en outre de mieux s’orienter dans l’exploration de la vaste pratique onusienne en la matière.

I. L’architecture institutionnelle de l’ONU pour l’édification de l’état de

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