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Les liens entre les institutions de la police et de la justice

Chapitre I – La dimension institutionnelle de l’état de droit

Section 2. Les institutions de l’état de droit comme « chaîne pénale »

II. Les liens fonctionnels entre les institutions du système de justice pénale

1. Les liens entre les institutions de la police et de la justice

Certaines des activités réalisées par les Nations Unies dans le cadre de l’édification de l’état de droit visent le secteur policier, et en particulier la police judiciaire, précisément afin de créer ou renforcer ses liens avec le système judiciaire (i). D’autres activités réunissent dans un même cadre à la fois des éléments de l’institution policière et du système judiciaire, contribuant ainsi à la cohésion du système de justice pénale (ii).

i) Les activités de soutien à la police en vue de sa participation au système de justice pénale

Lorsque les Nations Unies mettent en œuvre des activités de soutien et renforcement des institutions policières nationales dans la perspective de l’édification de l’état de droit366

, elles visent en partie, au sein de ces institutions, le personnel, les unités ou autres éléments ayant

361 Voir par exemple l’objectif de la Minusca d’« [a]ugmentation du nombre de représentants nationaux de l’état de droit, y compris la police nationale, la gendarmerie, le personnel judiciaire, les procureurs et les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, déployés et formés à la protection des civils » A/70/604 p.38. 362 Le Secrétaire général parle ainsi de « réaffectation coordonnée des policiers et du personnel judiciaire et pénitentiaire », S/2009/344 par. 12. « La plus grande partie de l’infrastructure judiciaire et pénitentiaire et de celle de police et de gendarmerie a été endommagée ou détruite », de sorte qu’il faut « renforcer les services de police, l’appareil judiciaire et le système pénitentiaire » S/2011/387 par. 24 et 57.

363 Le Plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement en Afghanistan 2015-2019 rapporte que « [p]rosecutors have been trained and joint police-prosecutor work has been in initiated. Additional prisons and

detention centres have been built or refurbished » p.15, voir aussi les rapports S/2002/278 par. 103 et

S/2006/145 par. 58. 364

Organisation de formations communes regroupant « 250 fonctionnaires des institutions de l’état de droit, dont des agents de police et de l’administration pénitentiaire et des magistrats » en Haïti, A/64/554 p.34.

365 S/2014/229 par. 48. 366

Sur la place ambivalente du soutien à la police dans l’édification de l’état de droit, voir infra, Chapitre II, Section 1, § 2, I.

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des liens ou travaillant avec le système judiciaire. Ainsi, les Nations Unies apportent fréquemment leur soutien à la police judiciaire, comme en République centrafricaine367 et en Côte d’Ivoire368, ou à d’autres membres du personnel policier chargés de concourir au fonctionnement de la justice pénale369. En Haïti, le renforcement de la police en vue de faciliter et accroître les liens avec le secteur de la justice fait l’objet d’activités variées, y compris le renforcement matériel370 et l’extension géographique371 de la direction centrale de la police judiciaire, la formation de son personnel372, en particulier en matière de procédure pénale373. Comme le rapporte le Secrétaire général, il est important de « veiller à ce que [les fonctionnaires de police] contactent les fonctionnaires judiciaires »374. En Afghanistan, la démarche onusienne de transformer la police afghane en une « civilian policing force, one that effectively enforces the rule of law »375, par opposition à une police s’apparentant davantage à une force armée376, s’inscrit également dans cette perspective (tout en la dépassant largement), et inclut à ce titre le développement des capacités du « Criminal

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Voir S/2015/576 par. 53 et A/70/604 par. 16 et pp.21 et 22.

368 S/2010/600 par. 52, A/70/586 p.19, A/69/621 p.50, A/68/632 p.43, A/65/615 pp.35 et 39. C’est également le cas au Mali, voir A/69/593 par. 23.

369 Pour la Sierra Leone, voir S/2007/704 par. 25 pour des activités de soutien à la Police nationale dans le cadre de la « réforme du secteur de la justice », de même que la formation « des policiers (…) portant en particulier sur l’administration de la justice et l’état de droit », S/2012/679 par. 55. En République centrafricaine, on peut évoquer l’organisation par la Minusca de formations de la police et de la gendarmerie en enquêtes criminelles, A/70/604 p.35, voir aussi A/70/604 p.25. En Côte d’Ivoire, voir entre autres une « formation aux investigations criminelles et à la préservation des lieux du crime » dispensée par l’Onuci aux forces de sécurité intérieure (police et gendarmerie), A/64/584 p.37.

370 Voir les rapports S/2008/586 par. 28 et A/65/703 p.22.

371 Ainsi du « [d]éploiement du Service Départemental de Police Judiciaire dans 10 départements, comparativement à quatre en 2009 », Cadre stratégique intégré des Nations Unies en Haïti 2010-2011 p.26.

372 « La Mission a déjà assuré une formation (…) au système judiciaire haïtien à des policiers de la PNH à Port-au-Prince, Jacmel, Les Cayes, Gonaïves et Jérémie, et elle poursuivra son action dans ce sens », S/2006/60 par. 47. De même, « la MINUSTAH a dispensé une formation spécialisée à 199 agents de la DCPJ [Direction centrale de la police judiciaire]. De nouvelles procédures opérationnelles ont été élaborées pour renforcer la collaboration entre la DCPJ et les commissariats de police dans les cas d’enlèvement », S/2008/586, par. 28, voir aussi l’« organisation de stages de formation conjoints sur la procédure pénale haïtienne » pour la police, A/65/703 p.31.

373 « Appui technique et logistique à la publication et à la diffusion d’un catalogue des infractions pénales à l’intention des policiers, et appui technique à la rédaction d’un guide complet des pratiques et des formulaires devant être employés par les membres de la Police nationale d’Haïti lorsqu’ils sont confrontés à des infractions pénales », A/65/703 p.31. Voir aussi la distribution de codes pénal et de procédure pénale dans les commissariats, A/66/658 p.26.

374 A/67/605 p.36.

375 Résumé du projet « Law and Order Trust Fund » du PNUD en Afghanistan, décembre 2015 p.1. 376

Ainsi, le PNUD en Afghanistan développe un projet de réforme de la police décrit comme suit : « [t]he

Civilian Policing Model will be designed to bridge the gap between the safety and security needs of the community, the investigative role of the police as part of the Rule of Law system and the ongoing need for a civilian approach to counter-insurgency », « Ba Hum », lettre d’information du projet « Law and Order Trust Fund » du PNUD en Afghanistan août 2014 p.2 et juillet 2014 p.4, voir encore « Ba Hum », lettre d’information

du projet « Law and Order Trust Fund » du PNUD en Afghanistan janvier 2015 p.2. Voir sur ce sujet T. MURRAY, « Police-Building in Afghanistan: A Case Study of Civil Security Reform », International

85 Investigations Department »377.

ii) Les activités communes aux secteurs policier et judiciaire en vue de leur participation au système de justice pénale

Les Nations Unies œuvrent au renforcement des liens entre les institutions policière et judiciaire378, par le biais de mécanismes de coordination379, sous forme institutionnelle380 ou en organisant des réunions communes381. La Minustah organise ainsi dans l’ensemble des communes haïtiennes des réunions dites « sécurité et état de droit » auxquelles sont conviés le personnel policier, des juges de paix et d’autres représentants des autorités locales afin de faciliter la communication entre ces institutions382. Dans cette même perspective, elles organisent fréquemment des formations délivrées conjointement au personnel judiciaire et policier, essentiellement sur des thèmes relevant du déroulement de la justice pénale383.

Plusieurs projets relatifs à l’édification de l’état de droit réunissent les institutions policière et

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Voir tous les rapports relatifs au projet « Law and Order Trust Fund for Afghanistan », par exemple le rapport final 2015 p.18.

378 Voir par exemple le rapport produit par l’Onuci sur « les relations entre les tribunaux et la police », A/67/642 p.44.

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Ainsi, la Minustah propose « un appui technique aux institutions judiciaires et à la Police nationale haïtienne afin de les aider à coordonner les activités menées », A/67/605 p.36. Le Plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement en Afghanistan 2015-2019 rapporte que « joint police-prosecutor work has been in initiated », p.15.

380 Par exemple, en Afghanistan, « [l]a Mission travaillera en étroite collaboration avec les parties prenantes pour élaborer une stratégie visant à resserrer la coopération entre la police et le secteur de la justice », S/2012/462 par. 44, voir aussi « un projet de directives relatives à la coopération entre la police et le parquet dans le cadre de la détection des infractions et des enquêtes », S/2008/617 par. 29. Voir encore le travail effectué par l’Association indépendante du barreau afghan avec les « autorités de police », soutenu par les Nations Unies, S/2011/772 par. 38. De même, en République centrafricaine, sur conseil de la Minusca « le Directeur général et les hauts responsables de la police ont organisé 65 réunions avec le Ministère de la justice, le Procureur général et le Procureur de Bangui pour examiner des questions relatives à la justice », A/70/604 p.36, voir aussi par. 16 et 44. En Haïti, la mission travaille aux « relations entre la police et la justice », A/59/745 p.14. En Côte d’Ivoire, l’Onuci a organisé des « ateliers rassemblant des magistrats et des membres de la police judiciaire en vue de déterminer comment améliorer leur communication mutuelle », S/2010/600 par. 52, et a travaillé à « l’élaboration de consignes permanentes et de mécanismes de coordination entre la justice, la police et l’Administration pénitentiaire en ce qui concerne la détention provisoire », A/64/584 p.44.

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Par exemple, l’« ONUCI a organisé 12 réunions mensuelles d’un groupe de travail mixte composé de policiers de l’ONUCI, de représentants de l’ONG Projustice et de fonctionnaires de la Police nationale, de la gendarmerie et de l’administration de la justice », A/69/621 p.50.

382 Réunions réunissant des représentants de la police et du système judiciaire. Entretien avec un membre du personnel de la Minustah, 31 mai 2016, Port-au-Prince, Haïti, et observation directe de l’auteure à la mairie de Cité Soleil, 8 juin 2016, Cité Soleil, Haïti. Voir aussi l’article « La Chef de la Minustah renouvelle son appui aux autorités de Miragoâne », disponible en ligne à l’adresse suivante : https://minustah.unmissions.org/la-chef-de-la-minustah-renouvelle-son-appui-aux-autorites-de-miragoane, consultée le 10 avril 2017.

383 En Côte d’Ivoire sont organisés des « séminaires à l’intention de 150 officiers de la police judiciaire, procureurs et avocats au sujet de la garde à vue », A/65/615 p.39. Pour Haïti, voir par exemple A/64/554 p.34, S/2018/527 par. 27.

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judiciaire, comme le projet conjoint du PNUD, d’ONU-Femmes et de la Minusca en République centrafricaine384, ou l’approche du PNUD en Afghanistan selon laquelle : « [w]ith the objective of increasing trust in, and access to, the fair, effective, and accountable rule of law, two intervention areas are envisaged: a) Justice and police governance (...) b) Access to justice and police services »385. De même, la Minusma « continuera de renforcer les capacités des pouvoirs publics, notamment la magistrature, les forces de sécurité et de maintien de l’ordre, pour faire respecter l’état de droit »386

. Cela se traduit concrètement, par exemple, par le fait que le déploiement du système judiciaire évoqué précédemment est souvent couplé à celui de la police387. Il est manifeste d’après ces activités que le renforcement de la police doit, au moins en partie, permettre le fonctionnement de la justice, et plus précisément de la justice pénale. Le même constat peut être observé relativement au système pénitentiaire, qui s’avère être encore plus étroitement intégré au système de justice pénale.

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