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La révélation des grands mystères du trésor de la lumière (B16 [54],1–B

Chapitre 4 Le contenu

2. La structure des traités

2.1.5. La révélation des grands mystères du trésor de la lumière (B16 [54],1–B

annonce à ses disciples son intention de leur révéler « les grands mystères du trésor de la lumière, ceux que personne ne connaît dans (la sphère) de l’invisible Dieu » (B16 [54],4-6). Jésus met en garde ses disciples de ne révéler ces mystères à personne, « à moins qu’ils n’en soient dignes. Ne les donnez ni au père ni à la mère, ni au frère ni à la sœur, ni au parent, ni pour de la nourriture, ni pour de la boisson, ni pour des femmes, ni pour de l’or ni pour de l’argent, ni pour rien de ce monde absolument » (B17 [55],5-10)370. Mais avant la révélation des mystères des douze éons divins, du dieu invisible371, de ceux du milieu372 et de ceux de la droite373, Jésus prévient ses disciples qu’il doit d’abord leur administrer les sacrements nécessaires. Ces sacrements, ou mystères (ⲙⲩⲥⲧⲏⲣⲓⲟⲛ) comme le texte les

369 En copte ⲡϫⲱⲱⲙⲉ ⲡⲛⲟϭ ⲗⲟⲅⲟⲥ ⲕⲁⲧⲁⲙⲩⲥⲧⲏⲣⲓⲟⲛ (B15 [53],26-27), un titre qui a causé plus d’une

difficulté de traduction.

370 Référence à Mt 10,8. Les exhortations de Jésus à garder les révélations cachées et à ne les confier qu’à une

élite, digne de les recevoir et de les comprendre, ressemblent à celles des sciences occultes et de la littérature ésotérique des premiers siècles de notre ère. Cette mise en garde est analogue à celle du Livre des secrets de Jean, où Jésus dit à Jean : « “Et en effet je t’ai transmis ces choses pour que tu les écrives et qu’elles soient conservées en sécurité.” Il me dit alors: “Maudit soit quiconque échangera ces (paroles) contre un présent ou contre de la nourriture ou contre de la boisson, ou contre un vêtement ou contre autre chose du même genre.” » (BG 76,7-15; NH II 31,32–32,1; cf. la mise en garde trouvée en Ap 22,10). Dans sa notice sur le système de Ptolémée, Irénée accuse les disciples de ce dernier de demander un fort prix en échange d’enseignements (Contre les hérésies I,4,3; cf. Épiphane, Panarion 31,17,3). De même, au sujet de Basilide et de ses disciples, Irénée affirme que leurs mystères ne doivent pas être divulgués mais tenus secrets (Contre les hérésies I,24,6; Épiphane, Panarion 24,5,4). Pour Carpocrate et ses disciples, selon Irénée, « Jésus aurait communiqué des secrets à part à ses disciples et apôtres, et il leur aurait demandé de les transmettre à part à ceux qui en seraient dignes et auraient la foi » (I,25,5; trad. Rousseau, 1984; cf. aussi Contre les hérésies II,27,2; III,3,1). Hippolyte fait le même type de remarque à propos de ses adversaires : « Lorsque, après épreuve faite, ils ont constaté qu’il (le nouvel initié) est captif du péché, alors ils l’initient et lui transmettent le mal parfait, non sans l’avoir préalablement lié par le serment de ne révéler et de ne communiquer ces secrets à aucun homme qui n’ait été pareillement asservi » (Réfutation de toutes les hérésies I, Prologue; trad. Siouville, 1988). En parlant de Justin et de ses disciples, Hippolyte reproduit même le serment que ceux-ci auraient prêté pour entendre les mystères qu’on promettait de leur révéler (V,IV,27). Un rapprochement est aussi à faire avec les lettres qui ouvrent le corpus pseudo-clémentin, notamment avec l’Épître de Pierre à Jacques.

371 Situé au treizième éon.

372 Jésus pourrait-il parler ici du lieu des trois archontes, au milieu entre les éons et les trésors? 373 Une référence aux trésors?

appelle, sont triples : « je vous donnerai les trois baptêmes, le baptême de l’eau, le baptême du feu et le baptême de l’Esprit Saint. Et je vous donnerai le mystère pour enlever la malice des archontes du milieu de vous. Et après ces choses, je vous donnerai le mystère de l’onction spirituelle » (B18 [56],26-31).

Déçus que Jésus n’ait pas précisé qu’ils recevraient le mystère du trésor de la lumière, les disciples sont toutefois réconfortés par ce dernier, qui précise qu’il leur en donnera toute une série, comme ceux des neuf gardiens des trois portes, de l’enfant de l’enfant374, des trois amen375, des cinq arbres376, des sept voyelles377 et du grand nom de la lumière qui entoure le trésor de la lumière. Pour atteindre le royaume de la lumière378, Jésus spécifie toutefois à ses disciples qu’ils n’ont besoin que du mystère des cinq arbres, des sept voyelles et du grand nom, en plus du mystère du pardon des péchés, dont l’importance pour le traité est capitale379.

L’effet de ces mystères est sans équivoque :

Et lorsque sortiront du corps ceux qui ont reçu ces mystères et le mystère du pardon des péchés, tous les éons se retireront les uns après les autres et ils s’enfuiront à l’ouest, vers la gauche, à cause de l’âme qui aura reçu le mystère du pardon des péchés, jusqu’à ce qu’ils (ceux qui ont reçu ces mystères) atteignent les portes du trésor de la lumière et que les gardiens des portes leur ouvrent. Lorsqu’ils atteindront les rangs du trésor, les rangs aussi les marqueront de leur sceau, leur donneront le grand nom de leur mystère et ils passeront à l’intérieur de ceux-ci (B20 [58],23-32).

374 On trouve ce personnage dans la Pistis Sophia, où il est identifié au sauveur jumeau (entre autres 1; 10; 86;

96). L’enfant de l’enfant est aussi l’épithète d’Éséphech ou d’Éphésèch, un personnage apparaissant dans le Livre sacré du grand Esprit invisible (NH III 50,3; 54,1-2; 55,24; 66,11; NH IV 59,25; 62,2-3; 78,14) et dans Zostrien (NH VIII 13,7-8; 45,1.11; 47,8; 51,25–52,1; 56,25).

375 Les trois amen se retrouvent aussi dans la Pistis Sophia (1; 86; 93).

376 Cf. B13 (51),19; B16 (54),27; B19 (57),32; B20 (58),6.32-33; B32 (70),27-29. Les cinq arbres se trouvent

dans l’Évangile selon Thomas (NH II 36,22-25) : « Vous avez en effet cinq arbres dans le paradis, qui ne bougent été ni hiver et dont les feuilles ne tombent pas : celui qui les connaîtra ne goûtera pas la mort ». Le rang des cinq arbres est aussi mentionné dans la Pistis Sophia (entre autres 1; 10; 86; 93; 96). L’Anonyme de Bruce affirme pour sa part que cinq arbres se tiennent dans le deuxième père (17,31–18,5). On les trouve également dans l’Apocalypse de Baruch 4,6-8 (en vieux-slave seulement), dans un fragment d’un « traité gnostique » de Deir El-Bala’izah (41,14-19; voir Crum, 1943) et dans le manichéisme (dans le Psautier manichéen copte 161,17-18; dans un traité manichéen retrouvé en Chine [Chavannes et Pelliot, 1913, p. 65- 67]; dans le Livre manichéen des géants [frg. h; Henning, 1943, p. 58-59 pour le texte et p. 63 pour la traduction]; et dans Théodore bar Koni, Livre des scholies, XI,59).

377 Cf. Pistis Sophia 1; 86; 143; Livre sacré du grand Esprit invisible (NH III 43,3; IV 52,22). 378 Sur le royaume de la lumière, voir Franzmann, 1993.

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