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Chapitre 2 L’histoire de la recherche

2. Codicologie du codex Bruce

2.4. L’analyse de la direction des fibres

Ces observations nous permettent de formuler les conclusions provisoires suivantes. Comme c’est le cas pour tout manuscrit, nous pourrions nous trouver devant un codex comptant 1) un seul cahier; 2) ou plusieurs cahiers, soit de longueur égale, soit de longueur inégale.

2.4.1. Les Livres de Iéou

2.4.1.1. L’hypothèse d’un seul cahier

Commençons par les Livres de Iéou et envisageons le premier scénario, à savoir que le traité a été copié dans un codex composé d’un seul cahier. Dans cette éventualité, les pages 64 (→) et 65 (→), situées dans la quatrième section, seraient le centre du cahier. Toutefois, deux difficultés surgissent : que faire des pages 69 (↓) et 70 (→), et 85 (↓ à droite, mais → à gauche) et 86 (→ à gauche, mais ↓ à droite), qui viennent briser la régularité dans la direction des fibres? La solution se trouve peut-être dans le caractère particulier des pages 85 et 86. En effet, chacune des pages renferme côte à côte à la fois des fibres horizontales et des fibres verticales. Dans la page 85, on peut observer des fibres verticales à droite (qui couvrent environ les deux tiers du folios) et des fibres horizontales à gauche (un tiers). La page 86 nous offre quant à elle des fibres horizontales à gauche (deux tiers) et des fibres verticales à droite (un tiers).

Une façon d’expliquer de ce phénomène, sinon la seule, est que nous serions, dans le cas de ces pages, en précense d’un protokollon. Si l’on admet cette possibilité, on doit admettre également que le rouleau ne fut pas coupé de la façon habituelle319. S’il tel avait été le cas, la page 85 présenterait des fibres horizontales à droite et verticales à gauche, et vice-versa pour la pages 86. On peut expliquer cette anomalie de deux façons : 1) soit que le rouleau fut tourné à 180 degrés avant d’être coupé, déroulé de la droite vers la gauche et coupé de la droite vers la gauche, de sorte que le protokollon était au début du rouleau au lieu d’être à la fin; 2) soit que le rouleau fut déroulé et coupé de la façon habituelle, mais les feuilles tournées à 180 degrés avant d’être empilées. Dans le premier scénario, les pages 85 et 86 marqueraient donc le début d’un nouveau rouleau et dans le deuxième, la fin d’un rouleau.

319 Rappelons que le protokollon était habituellement collé à l’extrémité gauche du rouleau, et le rouleau,

roulé de la droite vers la gauche, de sorte que le protokollon se trouvait à l’extérieur du rouleau et le protégeait. Lorsqu’il était coupé, le rouleau était déroulé de la gauche vers la droite, et les feuilles coupées de la droite vers la gauche; voir p. 55-56.

P. 85

1) Rouleau tourné à 180 degrés P. 86 Pro to ko ll on

Les fibres des pages 85 et 86

Pour ce qui est des pages 69 et 70, qui ont respectivement des fibres verticales et horizontales, alors qu’on attendrait le contraire, leur présence pourrait aussi s’expliquer par l’hypothèse qu’elles proviennent d’un protokollon. Nous nous trouvons également devant deux scénarios possibles, selon la manière dont on considère les pages 85 et 86 : 1) si on considère les pages 85 et 86 comme le début d’un nouveau rouleau, qui aurait été tourné à 180 degrés avant d’être coupé, il faudrait alors supposer la même chose pour les pages 69 et 70, à savoir qu’une fois le rouleau amorcé par les pages 85 et 86 se fût achévé avec les pages 71 et 72 (ce rouleau aurait ainsi produit huit feuilles), un nouveau rouleau fut entamé, et lui aussi tourné à 180 degrés avant d’être coupé, déroulé de la droite vers la gauche et coupé de la droite vers la gauche. Ce dernier rouleau aurait été utilisé pour compléter le cahier, jusqu’aux pages 64 et 65 (et aurait ainsi produit trois feuilles). La première feuille de ce rouleau, protokollon inclus, aurait formé les pages 69-70 dans la seconde moitié du cahiet et 59-60 dans la première et aurait été pliée sur la kollesis entre le protokollon et le

kollema suivant. En effet les pages correspondantes à 69 et 70 dans la première moitié du

cahier, les pages 59 et 60, sont régulières pour leur positionnement et présentent des fibres verticales/horizontales.

2) En revanche, dans le scénario où les pages 85 et 86 proviendraient de la fin d’un rouleau déroulé et coupé de façon standard, mais dont les feuilles auraient été tournées à 180 degrés

Pro to ko ll on 85 Pro to ko ll on 83 2) Feuille tournée à 180 degrés 81 79 77 75 73 71 58 56 54 52 50 48 46 44 69 67 65 64 62 60

P. 85-86/43-44 et p. 69-70/59-60 au début d’un rouleau qui aurait été tourné

protokollon

avant d’être empilées, un nouveau rouleau aurait été entamé avec les pages 83 et 84. Ce rouleau aurait été employé de la façon habituelle, sans rotation des feuilles, et les pages 69 et 70 + talon constitueraient ainsi le protokollon qui fermait le rouleau. Ce rouleau aurait ainsi produit 7 ½ feuilles.

Les folios renfermant les diagrammes (p. 5-34 Schmidt), avec leur séquence régulière de fibres horizontales/verticales, devraient, selon le scénario d’un cahier, être placés après les pages 85 et 86. Il s’agirait, dans cette éventualité, d’un retour à leur endroit original. En effet, lorsque Woide copie le codex Bruce en 1776, les diagrammes des Livres

de Iéou sont situés à la toute fin du manuscrit, même après l’Anonyme de Bruce, qui se

trouve inséré entre deux sections des Livres de Iéou320.

Toujours selon le scénario d’un seul cahier, la première introduction (p. 1 à 4), qui donne la séquence → ↓ → ↓, devrait être placée dans la deuxième moitié du ou d’un cahier et ne pourrait donc être l’introduction des Livres de Iéou. La deuxième introduction (p. 1a à 4a) pose plus de problèmes. Ses fibres, qui font → ↓ ↓ →, pourraient indiquer deux choses. Si on s’en tient à l’hypothèse d’un seul cahier, alors ces quatre pages peuvent être un unio, c’est-à-dire une seule feuille pliée en deux (quatre pages). L’autre possibilité est que nous nous trouvions devant le même phénomène observé aux pages 69 et 70. Les pages 3a et 4a seraient dans ce cas un protokollon, marquant la fin ou le début d’un rouleau. Étant donné l’étrangeté du phénomène devant lequel nous nous trouvons, et pour lequel nous n’avons toujours pas trouvé d’explication satisfaisante, il est difficile de prendre position. Avec leurs fibres ↓ → ↓ →, les pages 35 à 38 seraient à placer dans la première moitié du cahier et précéderaient la description de la traversée des trésors. Enfin, les pages 88 (↓) et 87 (→), 320 Voir l’Annexe 2, p. 479-483. 83 81 79 77 75 73 71 69 60 58 56 54 52 50 48 67 65 64 62 talon ?? ?? ?? ?? ?? ?? ?? 85 46 44 42 40 ?? ?? ?? ??

P. 85-86/45-46 à la fin d’un rouleau dont les feuilles auraient été tournées et p. 69-70 + talon à la fin d’un rouleau employé de façon standard

dont nous avons inversé la séquence321, seraient à placer dans la première moitié du ou d’un cahier.

2.4.1.2. L’hypothèse de plusieurs cahiers

L’autre hypothèse, à savoir que les Livres de Iéou faisaient partie d’un codex qui comptait plusieurs cahiers, nous oblige à être beaucoup moins précis. Les six sections ne peuvent être catégorisées que comme faisant partie de la première moitié (séquence ↓ →) ou seconde moitié (séquence → ↓) d’un cahier en général, sans qu’on puisse les agencer avec certitude les unes par rapport aux autres. Nous fournissant la plus longue séquence régulière avec trente pages alternant des fibres → ↓, la troisième section nous indiquerait qu’un cahier pouvait atteindre au moins soixante pages. Étant donné l’état du manuscrit, on ne peut non plus savoir si le nombre de pages dans un cahier était régulier ou irrégulier.

2.4.2. L’Anonyme de Bruce

2.4.1. L’hypothèse d’un seul cahier

Reprenons ces deux scénatios pour l’Anonyme de Bruce. Si l’Anonyme de Bruce faisait partie d’un codex à un seul cahier, nous serions devant une situation quelque peu hors du commun, puisque la seule hypothèse envisageable serait que le codex n’aurait pas été fabriqué de façon standard. En effet, dans une séquence de pages que Woide déclare unies les unes aux autres (cohaerent), à savoir les pages 1 à 49, on passe d’une alternance de fibres → ↓ (pages 1 à 24), habituellement caractéristique de la fin d’un cahier, à des fibres ↓ → (pages 32 à 49), que l’on trouve généralement au début. Il n’est cependant pas impossible que nous nous trouvions devant un cas d’espèce, semblable à celui attesté par le codex XIII de Nag Hammadi322. Si tel est le cas, alors les pages 1 à 24 et les dix dernières pages, 52 à 61, se trouveraient dans la première moitié du cahier. Les pages 32 à 51 seraient à placer dans la seconde moitié du cahier, sans qu’on puisse savoir avec certitude où le changement de direction se produit. Si ce scénario d’un seul cahier était retenu pour l’Anonyme de Bruce, il ne serait pas possible qu’il ait partagé un même cahier avec les

321 Voir p. 117-118.

Livres de Iéou. Les deux traités connaissent un changement de direction des fibres dans des

sections dites continues par Woide (cohaerent).

2.4.2. L’hypothèse de plusieurs cahiers

Envisageons maintenant le second scénario, qui place l’Anonyme de Bruce dans un codex comportant plus d’un cahier. Selon cette hypothèse, les 24 premières pages constitueraient la seconde moitié d’un cahier dont il nous manquerait le début. Un nouveau cahier débuterait quelque part entre les pages 25 à 31 aujourd’hui perdues. Cette première moitié de cahier se poursuivrait jusqu’à la page 51. Les dix dernières pages, 52 à 61, feraient quant à elles partie de la seconde moitié d’un cahier, que ce cahier soit le même que celui des pages 1 à 24, ou bien qu’il soit la seconde moitié du cahier allant des pages 32 à 51. Notons que pour Woide, ces dix dernières pages sont situées à la fin du traité.

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