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Chapitre 4 Le contenu

4. La sotériologie et la sacramentaire

4.1. Les sacrements

4.1.2. Les sacrements nécessaires à l’ascension

Dans un deuxième temps, d’autres sacrements sont requis pour l’ascension elle- même, c’est-à-dire que certains lieux ne peuvent être franchis que si les disciples ont préalablement reçus un sacrement en particulier. Dans notre traité, tel qu’on l’a conservé, un seul mystère correspond à cette catégorie, à savoir le mystère du pardon des péchés.

4.1.2.1. Le mystère du pardon des péchés

Ce mystère, dont l’importance est capitale, a toutes les apparences d’un sacrement; apparences, parce que Jésus n’y fait qu’allusion, sans jamais en faire la démonstration à ses disciples. Peut-être son rituel était-il décrit de façon détaillée quelque part dans les pages

34,20,7-8). Les Extraits de Théodote décrivent aussi l’utilisation d’une huile sanctifiée dans le rite des valentiniens (82,1).

aujourd’hui perdues du traité. On le laisse certainement sous-entendre, particulièrement en B38 (76),26-27, où Jésus promet à ses disciples de leur révéler le mystère du pardon des péchés, mais seulement après le mystère des douze éons. La révélation de ce dernier commence en B39 (77),5, mais n’est jamais proprement achevée. En B48 (86),32, tout juste avant une lacune indéterminée, Jésus semble toutefois sur le point de la terminer. Lorsque le traité reprend à la page C1 (5), on y décrit les Iéous et les trésors (p. C1 [5]–C30 [34]). Tel qu’il est conservé et que nous l’avons établi493, le Livre du grand discours mystérique se termine aujourd’hui sur la représentation du vingt-huitième trésor, sur les soixante qu’il devait originellement compter. Le mystère du pardon des péchés était donc présenté soit dans la lacune entre les pages B48 (86) et C1 (5), soit après les soixante diagrammes.

D’après ce que nous pouvons tirer des mentions du mystère du pardon des péchés494, ce dernier apparaît comme absolument nécessaire pour parvenir au lieu ultime du parcours de l’âme, le trésor de la lumière. Le mystère du pardon des péchés permet d’abord à l’âme de passer les « six grands éons »495 : « Lorsque vous atteindrez les six éons, ils vous retiendront jusqu’à ce que vous receviez le mystère du pardon des péchés, car c’est le grand mystère qui se trouve dans les trésors les plus à l’intérieurs, et c’est le salut entier de l’âme » (B30 [68],23-28). Il est aussi requis pour franchir le lieu des trois archontes. Ces derniers, qui ont reçu certains mystères du trésor de la lumière, entretiennent une relation particulière avec le mystère du pardon des péchés. Comme le révèle Jésus, ils n’ont pas encore été « conduits au trésor de la lumière, car ils n’ont pas encore reçu le mystère du pardon des péchés » (B47 [85],32-34). Ce n’est qu’à l’enroulement des éons que Jésus le leur donnera. Parce qu’ils n’ont pas reçu ce mystère, ils chercheront à retenir les disciples, et c’est pourquoi Jésus leur révèle « qu’il n’est pas possible que vous alliez à l’intérieur sans avoir d’abord reçu le mystère du pardon des péchés » (B48 [86],10-12). Enfin, même s’il n’est pas spécifiquement requis pour le trésor de la lumière, Jésus précise qu’une fois l’âme rendue, IÉOU verra qu’elle a accompli ce mystère (B35 [73],8-14).

493 Voir p. 70-71.

494 Pages B20 (58)–B21 (59), B30 (68)–B31 (69), B35 (73), B38 (76) et B47 (85)–B48 (86). 495 Sur ces éons, voir p. 141-142.

Le mystère du pardon des péchés doit être accompli une seule fois par tout homme qui croira au royaume de la lumière et au fils de la lumière496, pour qu’il devienne le « tout- parfait » (ⲡⲁⲛⲧⲉⲗⲓⲟⲥ)497 et qu’il soit achevé en chaque mystère (B20 [58],11-12; B30 [68],34–B31 [69],3). Son effet est alors le suivant : celui qui réalise ce mystère, dit Jésus, verra tous ses péchés effacés, tant ceux dont il connaît l’existence que ceux qu’il ignore, depuis son enfance jusqu’aujourd’hui, de la fondation du monde jusqu’aujourd’hui (B20 [58],13-18). Il sera alors transformé en pure lumière et emmené à la lumière la plus lumineuse (B20 [58],18-19), traversera toutes les sphères, après quoi il pourra se reposer dans les lieux les plus à l’intérieur (B21 [59],19-22). Quiconque recevra ce mystère-là deviendra « enfant (ou fils) de la lumière » (B38 [76],13-14), et sera supérieur à tout dieu et à toute domination de tous les éons, parce que c’est le grand mystère de l’inaccessible (B20 [58],28-33).

Nous n’en savons pas plus sur le mystère du pardon des péchés, sinon qu’il est également explicitement mentionné dans la Pistis Sophia. Au cours de son septième repentir, Pistis Sophia demande à la lumière de la sauver par le grand mystère du pardon des péchés (46). Jésus affirme aussi à ses disciples que le mystère de l’ineffable est censé pardonner les péchés (128) et qu’il leur donnera le mystère du pardon des péchés, pour que celui à qui il est pardonné sur la terre le soit aussi au ciel (141)498. Le mystère du pardon des péchés fait également beaucoup penser à la « rédemption » dont parle Irénée dans sa notice sur Marc le mage. Les disciples de Marc, raconte Irénée, deviennent insaisissables et invisibles pour le Juge grâce à la « rédemption » (Contre les hérésies I,13,6). Un peu plus

496 Les fils de la lumière sont mentionnés dans la Sagesse de Jésus Christ (NH III 119,6), dans la (Première)

apocalypse de Jacques (NH V 25,17-18), dans le Deuxième traité du grand Seth (NH VII 60,19) et dans la Pensée première à la triple forme (NH XIII 41,16; 42,16-17; 45,33; 49,26). Dans la Paraphrase de Sem, c’est le Sauveur qui se qualifie de fils de la lumière (NH VII 4,2). On le retrouve encore au singulier dans le Deuxième traité du grand Seth (VII 51,2-3) et dans la Pistis Sophia (62).

497 Sur ce titre, voir les Notes philologiques et textuelles à B31 (69),2, ⲡⲁⲛⲧⲉⲗⲓⲟⲥ.

498 Si le déroulement du mystère du pardon des péchés n’est pas décrit dans notre traité, peut-être l’est-il dans

la Pistis Sophia. Après la mention, au paragraphe 141, de ce mystère, nous trouvons au paragraphe 142 la description d’un rituel dont les éléments et le déroulement font beaucoup penser aux trois baptêmes du Livre du grand discours mystérique, sans toutefois correspondre précisément à l’un de ceux-ci. Après le rituel, Jésus dit à ses disciples qu’il s’agit du mystère qu’ils opèreront sur les hommes qui croiront en eux. Il leur demande de cacher ce mystère et de ne pas le révéler. Il présente le mystère qu’il vient d’opérer comme celui du baptême de la première offrande qui mène au lieu de la vérité et de la lumière. Peut-être s’agit-il aussi d’une variante du premier baptême, celui d’eau, de notre texte? En effet, au paragraphe suivant, les disciples de Jésus affirment avoir entendu dire qu’il y avait un baptême de feu et un autre de l’Esprit Saint de la lumière, en plus d’une onction spirituelle (143).

loin, Irénée expose la diversité du rite de la rédemption chez les marcosiens : autant il y a de mystagogues de cette doctrine, autant il y a de rédemptions, dit-il, car chacun la transmet comme il le veut (I,21,1)499. La rédemption est donc opérée sous une multitude de formes : les uns disposent une chambre nuptiale et accomplissent toute une mystagogie accompagnée d’invocations sur les initiés, d’autres les conduisent vers l’eau et prononcent sur eux une incantation, d’autres profèrent sur eux des mots en hébreux (I,21,3).

Le rapprochement qu’on peut établir entre la rédemption des marcosiens présentée par Irénée et le mystère du pardon des péchés du Livre du grand discours mystérique repose surtout sur la terminologie employée pour les décrire : la rédemption est nécessaire pour ceux qui ont reçu la gnose parfaite s’ils veulent être régénérés dans la puissance qui est au-dessus de tout, faute de quoi il leur est impossible d’entrer au plérôme. Si le baptême est psychique, en vue de la rémission des péchés, la rédemption est, pour les marcosiens, plutôt pneumatique, en vue de la perfection (I,21,2)500. Irénée fait une dernière fois allusion à la rédemption en III,15,2, cette fois dans un contexte d’initiation valentinienne. Hippolyte mentionne lui aussi la « rédemption » (ajpoluvtrwsi~) dans sa notice sur Marc le mage. Il la qualifie de second baptême, qui permet d’obtenir à nouveau la rémission des péchés par l’imposition des mains et la prononciation de quelque chose d’une voix inintelligible (Réfutation de toutes les hérésies VI,V,42-43)501.

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