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Chapitre 4 Le contenu

4. La sotériologie et la sacramentaire

4.2. Le parcours céleste de l’âme en quête de son salut

Nous ne reprendrons pas ici les détails du rituel entourant la traversée des sphères célestes par l’âme lors de sa remontée vers le Dieu inaccessible. Nous en avons déjà traité indirectement lorsque nous nous sommes penchés sur la structure du traité502. Disons seulement que l’âme devait successivement franchir les quatorze éons503, le lieu des trois

499 Cf. Épiphane, Panarion 34,19,1. 500 Cf. Épiphane, Panarion 34,19,3-4.

501 Les Extraits de Théodote parlent quant à eux de la « rédemption angélique » (22,5), rédemption dans

laquelle les anges ont été baptisés (22,6) et dont Jésus avait lui aussi besoin (22,7; 35,2); voir aussi Extraits de Théodote 35,3.

502 Voir p. 101-112. 503 Voir p. 139-145.

archontes504, de même que les soixante trésors505, selon un rituel plus ou moins identique : l’âme se marque d’un sceau506, prononce son nom une fois tout en tenant un chiffre507 précis dans ses mains, puis dit soit une formule de défense pour les archontes508, soit un nom répété pour les trésors509.

4.2.1. Les éons et le lieu (aérien pur) des trois archontes

Pour les éons et le lieu aérien pur, peuplés d’archontes hostiles à l’âme, le rituel prenait habituellement la forme suivante :

Lorsque vous sortirez du corps, que vous <atteindrez> le premier éon et que se présenteront devant vous les archontes de cet éon-là, marquez-vous de ce sceau. Voici son nom, Zōzezē –

504 Voir p. 145. 505 Voir p. 134-139.

506 Se sceller d’un sceau est une activité qui apparaît dans le Livre des secrets de Jean, où Pronoia raconte ses

trois manifestations. Au cours de sa troisième descente, au milieu de l’Amenté, elle scelle dans la lumière de l’eau celui qui se leva de son sommeil profond, au moyen des cinq sceaux (NH II 31,22-24; NH IV 49,1-4). Les cinq sceaux sont très importants dans le Livre sacré du grand Esprit invisible, où ils font de multiples apparitions (NH III 55,12; 63,3; 66,3; NH IV 56,25; 58,6; 58,27–59,1; 59,27-28; 66,25-26; 74,16; 78,4-5). Le sceau est mentionné au milieu de lacunes dans le Tonnerre, intellect parfait (NH VI 20,3), tout prêt d’un autre terme important dans le Livre du grand discours mystérique, à savoir ⲁⲡⲟⲗⲟⲅⲓⲁ (NH VI 20,6). Zostrien, dans le traité de Nag Hammadi qui porte son nom, affirme avoir été scellé au tout début de son ascension (NH VIII 6-13-14; 129,14). Le scellement et le sceau apparaissent encore à quelques reprises dans cet ouvrage (NH VIII 57,8.11.20.23; 58,13.24). Le Témoignage véritable associe le sceau au baptême (NH IX 69,11.14-15). Marsanès parle quant à lui du treizième sceau (NH X 2,12-13) et mentionne à deux reprises un (ou des) sceau(x) dans des contextes très lacunaires (NH X 34,28; 66,3-4). Les cinq sceaux sont à nouveau mentionnés dans la Pensée première à la triple forme (NH XIII 48,31; 49,27-29; 50,9-10). L’usage que fait la Pistis Sophia des sceaux (entre autres 25; 99; 103; 112; 133) est identique à celui de notre texte. Mis à part les passages où les sceaux lient les archontes, ils ont pour fonction de marquer l’âme. Jésus se promet même de révéler à ses disciples les sceaux et les chiffres de plusieurs mystères (138). Dans l’Anonyme de Bruce, le Christ est chargé de marquer d’un sceau les trois grandeurs (19,11-12). Hippolyte utilise l’image du sceau et de l’empreinte (tuvpo~) qu’il produit sur ce qui vient à sa rencontre pour expliquer à ses lecteurs la conséquence de la rencontre de deux puissances (Réfutation de toutes les hérésies V,III,19). Le sceau est enfin mentionné dans les Extraits de Théodote (80,3; 83; 86), où il est identifié au baptême et met fin aux attaques des puissances (voir l’annexe F sur le baptême dans Sagnard, 1970, p. 229-239).

507 Le chiffre ne se trouve que dans la Pistis Sophia (entre autres 26; 99; etc.), où l’atteinte du chiffre de

Melchisédek rime avec la fin des temps. Comme nous venons tout juste de le voir pour les sceaux, Jésus promet également de révéler à ses disciples les sceaux et les chiffres de plusieurs mystères (138; 143).

508 La défense ou réponse semble être un des titres que se donne la locutrice du Tonnerre, intellect parfait

(NH VI 20,6). La Pistis Sophia affirme que l’âme qui reçoit le mystère de l’ineffable traverse tous les lieux sans avoir à donner de formules de défense aux archontes (96; 109; 112) et parle aussi des défenses des espaces (98-99) et des lieux (132). Dans sa notice sur les archontiques qui fait beaucoup penser à notre traité, Épiphane raconte la remontée de l’âme, qui, si elle a évité le baptême de l’Église et le nom de Sabaōth, fait son ascension ciel par ciel et offre sa réponse ou sa défense à chaque autorité, montant ainsi au-dessus d’elles jusqu’à la Mère et au Père du tout (Panarion 40,2,8).

509 Ces instructions données par Jésus à ses disciples pour la traversée des sphères célestes rappellent la

citation de l’Évangile de Philippe chez Épiphane, Panarion 26,13,2, ou les directives de sa notice sur Héracléon (36,3,1).

dites-le une fois seulement. Tenez ce chiffre dans vos deux mains, 1119 – mille cent dix-neuf. Lorsque vous aurez fini de vous marquer <de> ce sceau et que vous aurez proféré son nom une fois seulement, dites aussi ces formules de défense : « Retirez-vous, Proteth, Persomphōn, Khous, archontes du premier éon, car j’invoque Ēaza, Zēōzaz, Zōzeōz ». Lorsque les archontes du premier <éon> entendront ces noms, ils auront très peur, ils se retireront et fuiront à l’ouest, vers la gauche, et vous avancerez vers le haut (B39 [77],5-21).

4.2.2. Les trésors

Une fois arrivée dans les trésors, l’âme semble rencontrer beaucoup moins d’hostilité et d’embûches que dans les lieux qui précèdent. Mais, même si on n’y fait aucune mention d’entités désirant saisir l’âme ou empêcher sa remontée, celle-ci doit tout de même avoir en mains les outils nécessaires à sa remontée. Le rituel se répétait ainsi :

Par la suite, nous sommes arrivés au cinquante-septième trésor, moi et ma compagnie qui m’entoure. Nous sommes parvenus au lieu de Oiōzōō. Écoutez donc maintenant son déploiement et (celui) de tous ceux qui sont en lui, six lieux l’entourant. Lorsque vous parvenez à ce lieu, marquez-vous de ce sceau. Voici son nom, Ieazōēēzasaez – dites-le une fois seulement, avec ce chiffre dans vos main, 90419. Dites aussi ce nom pour sa part trois fois, Zōzōzōieēzōa, et les gardiens, les rangs et les voiles se retireront, de sorte que vous alliez à leur père, qu’il vous donne son sceau et son nom et que vous traversiez la porte à l’intérieur de son trésor. Voici donc la manière dont on dispose de ce trésor et de tous ceux qui sont en lui (B2 [40],18-30).

4.2.2.1. Le trésor de la lumière

Au-dessus des trésors, dans le lieu le plus élevé de ces sphères, se trouve le trésor de la lumière. Une fois l’âme arrivée au trésor de la lumière, les neuf gardiens des trois portes du trésor510 se retireront une fois que le sceau, le chiffre et l’incantation leur auront été fournis. Le trésor de la lumière compte lui-même plusieurs rangs, révélés par Jésus à ses disciples (B31 [69],33–B38 [76],9). On peut noter ici une certaine rupture par rapport à ce qu’on a vu, jusqu’ici, de la remontée de l’âme. La traversée des rangs du trésor de la lumière par l’initié ne semble en effet requérir aucune connaissance particulière. L’âme reçoit maintenant directement les sceaux et les mystères des mains des entités qui habitent ces rangs, et n’a donc plus aucune pièce à fournir, ni formule à prononcer. Par exemple, on lit :

Lorsque vous irez au rang de l’enfant de l’enfant, ils vous donneront leur mystère, leur sceau et le grand nom. Par la suite, vous irez à l’intérieur. Lorsque vous atteindrez le <rang> des

510 On trouve également dans la Pistis Sophia la mention des neuf gardiens des trois portes du trésor de la

sauveurs jumeaux511, ils vous donneront leur mystère, leur sceau et le grand nom. Vous ire[z] ensuite [à l’intérieur] jusqu’au rang du grand Sabaōth, celui qui appartient au trésor de la lumière. Lorsque vous atteindrez son rang, il vous marquera de son sceau et il vous donnera son mystère et le grand nom. Vous entrerez ensuite à l’intérieur jusqu’au rang du grand Iaō, le bon, celui qui appartient au trésor de la lumière. Il vous donnera son mystère, son sceau et le grand nom (B32 [70],11-23).

Au terme de son périple, l’âme atteint IÉOU, roi et père du trésor de la lumière. Elle ne peut pas accéder directement au Dieu inaccessible, mais peut seulement le contempler et lui rendre gloire.

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