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Chapitre 4 Le contenu

3. Système (cosmogonie, cosmologie et personnages)

3.4. L’établissement des éons et du lieu aérien (le lieu des trois archontes)

3.4.1. Les éons, les archontes et leurs habitants

Tout en bas de la cosmologie du Livre du grand discours mystérique se trouvent les douze455, ou plus précisément les quatorze, éons. Ceux-ci sont discutés à trois reprises dans

453 Sur l’origine des gardiens des portes des trésors, on trouve en B13 (51),7-10 : « Tu (le Dieu inaccessible)

fis émaner une émanation pour qu’elle produise des gardiens pour chacun des trésors, du premier jusqu’au dernier de tous ». Nous ignorons précisément qui est cette « émanation »; peut-être le dieu de la vérité? Pour ce qui est des trois gardiens pour chaque trésor, la (Première) apocalypse de Jacques connaît trois douaniers (telwvnh~), qui réclament non seulement le droit de passage aux âmes, mais les prennent aussi par vol (steresivmw~) (NH V 33,11; 34,23; sur ce terme, voir p. 118 n. 412). On trouve des gardiens postés aux portes du trésor de la lumière (1; 18; 86; 96; etc.) ou des éons (30; 32; 93; etc.) dans la Pistis Sophia. L’Anonyme de Bruce se réfère enfin à Gamaliel, à Strempsouchos, à Agramas et à ceux qui sont avec lui comme des gardiens (18,34–19,1).

454 La notion d’« intérieur » joue un important rôle dans notre traité, comme en témoigne la présentation du

trésor de la lumière comme le lieu le plus à l’intérieur (B21 [59],19-20). La concentricité des trésors ou du monde supracéleste fait appel à un concept connu d’Irénée de Lyon, qui en parle dans sa réfutation des thèses valentiniennes relatives aux émissions : « À moins peut-être qu’ils ne comparent leur Père à un grand cercle contenant un cercle plus petit, celui-ci, un plus petit encore, et ainsi de suite; ou qu’ils ne disent que, à la ressemblance d’une sphère ou d’un carré, le Père contient de toute part au-dedans de lui, constitués eux- mêmes en forme de sphère ou de carré, tous les autres Éons successivement émis, chacun d’entre eux étant contenu par celui qui est plus grand que lui et contenant celui qui est plus petit » (Contre les hérésies II,13,6).

455 Les douze éons sont un lieu commun dans la littérature gnostique. Ils sont mentionnés dans le Livre des

secrets de Jean (BG 33,5–34,18; NH II 8,1-28) et dans l’Anonyme de Bruce (59,28). Douze éons sont créés par Saklas, par l’entremise de Nebrouel, dans le Livre sacré du grand Esprit invisible (NH III 57,21-23). On y fait aussi référence dans Eugnoste (NH III 84,15) et, parallèlement, dans la Sagesse de Jésus Christ (BG 107,5-6), de même que dans l’Évangile de Judas (CT 46,4; 4918). On trouve également douze éons dans la Pistis Sophia (entre autres 14-15; 27-28; 30-31; 46; 52; 57; 66; 84; 136; 138). La Pistis Sophia précise même, au sujet des douze éons, que Sabaōth, l’Adamas, règne sur six de ceux-ci et que Iabraōth, son frère, règne sur les six autres (136). Les Extraits de Théodote font pour leur part référence au douzième éon (31,2). Les archontiques, révèle encore Épiphane, avaient des archontes pour chacun des cieux de leur ogdoade et de leur hebdomade (40,2,3).

le traité, à savoir aux pages A1 (35)–A4 (38), B30 (68), et B38 (76)–B48 (86). Grâce à l’hymne incomplet au mystère primordial des pages A1 (35) à A4 (38), qui célèbre l’établissement des éons cinq à treize, nous savons que ces derniers ont été établis soit par l’entremise de IÉOU, selon le souhait du mystère primordial : « Écoute-moi te chanter un hymne, ô mystère primordial, toi qui as brillé dans ton mystère et fait établir le (ixième) éon par IÉOU »456; soit par le mystère primordial lui-même457. Si nous avons ici une des seules mentions du mystère primordial dans notre traité458, ce dernier est en revanche très important dans le système de la Pistis Sophia459.

De façon général, cet hymne nous apprend que les éons ont chacun un nom et sont peuplés d’archontes (ⲁⲣⲭⲱⲛ), de décans (ⲇⲉⲕⲁⲛⲟⲥ) et de serviteurs (ⲗⲓⲧⲟⲩⲣⲅⲟⲥ)460. Au

sujet des archontes, nous savons seulement qu’ils sont hostiles à l’âme et qu’ils chercheront à retenir cette dernière lorsqu’elle amorcera sa remontée vers le Dieu inaccessible. Pour les passer, l’âme doit se marquer le front d’un sceau (ⲥⲫⲣⲁⲅⲓⲥ) et prononcer son nom une fois, tenir un chiffre (ⲯⲏⲫⲟⲥ) dans ses mains, et dire une courte incantation461. Voyons un peu plus en détail ces lieux inférieurs.

3.4.1.1. Les cinq premiers éons

Les cinq premiers éons n’ont aucune particularité bien précise, sinon d’être habités par un, deux ou trois archontes. Les archontes du premier éon sont Proteth, Persomphōn et

456 Pour les éons six à douze et le lieu des vingt-quatre émanations du treizième éon. On peut cependant

penser que cela s’appliquait également aux éons un à cinq.

457 Pour le treizième éon.

458 Sinon, en B4 (42),16-19, le « mystère primordial » semble être un titre du dieu de la vérité/IÉOU : « Une

multitude d’autres rangs sera dans ce trésor, sans compter ceux-ci, et on fera qu’une tête les gouverne, et on l’appellera “la disposition primordiale et le mystère primordial” ».

459 Voir Pistis Sophia 1; 6; 20; 27; 30; 37; 40-42; 47; 52; 58; 60; 91; 95-98; 117-118; etc. C’est lui, entre

autres, qui donne le vêtement à Jésus et qui l’envoie en mission. Un peu plus loin, une certaine confusion s’installe lorsque Jésus identifie son Père au premier mystère et lorsque ce premier mystère se substitue à Jésus comme narrateur (63; etc.).

460 Il est fait mention de serviteurs dans l’Exposé du mythe valentinien, et encore dans une lacune, dans un

passage où on raconte la création du monde matériel et comment « vin[rent], à l’int[érieur], des i[mages] et des re[ssemblances, et d]es an[ges], et des ar[chang]es, d[es die]ux ainsi que des [ser]vi[teurs] » (NH XI 37,16-19; selon la restitution de Turner, 1990, p. 136 ([ⲗⲉⲓ]ⲧⲟⲩ[ⲣⲅⲟⲥ]). Dans Funk, 2000, p. 324, on trouve plutôt [ⲙⲛⲧ]ⲛⲟⲩ[ⲧⲉ]; à savoir « divinités »). La Pistis Sophia place décans et serviteurs côte à côte (1; 93; 136), et indépendamment (décans : entre autres 21 et 39; serviteurs : entre autres 25 et 144).

Khous (B39 [77],5-21) et celui du deuxième est Kounkheōkh (B39 [77],21–B40 [78],5); le troisième éon est habité par Ialdabaōth462 et Khoukhō (B40 [78],5-19), le quatrième par Samaēlō463 et Khōkhōkhoua (B40 [78],19–B41 [79],3); et au cinquième éon, dont le nom est Psamezza (A1 [35],1-2), se trouvent Ialthō, Aiōkha et Nsōal (B41 [79],3-17).

3.4.1.2. Le sixième éon, petit milieu

Dans sa révélation du mystère des douze éons aux disciples, Jésus fait du sixième éon un lieu important. Le sixième éon, affirme Jésus, est appelé le « petit milieu » (ⲧⲕⲟⲩ

ⲙⲉⲥⲟⲥ), car il appartient aux six éons qui sont parvenus à la foi et dans lesquels se trouve un peu de bonté. Le qualificatif de « petit milieu » vient probablement du fait que le sixième éon est situé au milieu de ces sphères (entre les éons un à cinq et sept à onze), qui occupent une place somme toute modeste dans le traité. Les éons ne représentent en effet que les tout premiers lieux de la cosmologie, d’où peut-être la précision « petit ». Les six éons qui sont parvenus à la foi seraient ainsi les éons six à onze. On trouve, à la page B30 (68), ce que nous croyons être une autre référence au sixième éon et aux « six éons ». Jésus y fait mention à ses disciples de « six grands éons ». Lorsqu’ils sortiront de leurs corps et feront tous les mystères que Jésus leur révèle, tous les éons et tous ceux qui sont en eux se retireront, jusqu’à ce qu’ils atteignent « ces six éons » (B30 [68],21). Ceux-ci les retiendront jusqu’à ce qu’ils reçoivent le mystère du pardon des péchés. Une fois reçu, tous les éons se retireront et la lumière du trésor purifiera le douzième éon, de sorte que tous les chemins menant vers le trésor de la lumière seront aussi purifiés. Une fois tous les éons passés, révèle Jésus, les disciples se trouveront devant le trésor de la lumière et ses neufs gardiens leur ouvriront les portes (B30 [68],23–B32 [70],6). Il est fort probable, à notre

462 Personnage fort important dans d’autres textes de la littérature gnostique, comme le Livre des secrets de

Jean, l’Hypostase des archontes, l’Écrit sans titre, la Sagesse de Jésus Christ, le Deuxième traité du grand Seth et l’Évangile de Judas, Ialdabaōth est relégué ici à un rôle somme toute peu important. Il est aussi présent dans la Pistis Sophia, où il est identifié à la puissance lumineuse à face de lion émise par Adamas (31; et ailleurs 144-147). Ialdabaōth est mentionné aux côtés de Iaō et Sabaōth dans la notice d’Irénée sur les ophites (Contre les hérésies I,30,5) et par Hippolyte, qui se réfère à lui comme le quatrième dieu, le dieu de feu, dans son exposé sur les naassènes (Réfutation de toutes les hérésies V,I,7). Épiphane révèle qu’il est glorifié par les nicolaïtes, qui lui attribuent même certains livres (Panarion 25,3,4-5) et qu’ils le placent au sixième ou septième ciel (Panarion 26,10,2-3).

463 Samaelō/Samael se retrouve dans le Livre des secrets de Jean, l’Hypostase des archontes, l’Écrit sans titre

et la Pensée première à la triple forme. Comme pour Ialdabaōth, s’il est important dans ces traités, sa place ici est négligeable.

avis, que ces « six grands éons » fassent référence aux éons six à onze, les mêmes éons qui sont parvenus à la foi selon B39 (77),17-22. À deux endroits, le texte insiste sur l’importance de ces derniers, particulièrement sur le fait qu’à partir du sixième éon, le mystère du pardon des péchés doit avoir été reçu par l’âme qui veut poursuivre son ascension vers le Dieu inaccessible. Les trois archontes qui habitent le sixième éon, dont le nom est Zaouza (A1 [35],11-12), sont Zōzaōkha, Khōzōazaō et Ōbaōth (B41 [79],17–B42 [80],16).

3.4.1.3. Les éons sept à onze

Comme pour les cinq premiers éons, rien d’important n’est à signaler dans les éons sept à onze, sinon leur nom et ceux de leurs archontes. Le septième éon, appelé Khazabraōza (A1 [35],16-25), est habité par Khōzōa, Zakhō et Iazō (B42 [80],16-28); dans le huitième éon, qui porte le nom de Banaza (A1 [35],26–A2 [36],1), on trouve Iaō(s), Asakhō (ou Nakhoi) et Aōeiō (B42 [80],28–B43 [81],8); le neuvième éon, appelé Dazaōza (A2 [36],2-11), est habité par Bōzēōth, Ēzai (ou Ōzai) et Ēksanatha (B43 [81],9-22); dans le dixième, qui est nommé Tanouaz (A2 [36],11-21), se trouvent Ōbathōi (ou Ōebthōi), Thōsaōr (ou Iōsaōth) et Thōiaz (B43 [81],23–B44 [82],5); et enfin au onzième éon, appelé Plouzaaa (A2 [36],21–A3 [37],5), habitent Ageōne (ou Genēzō), Zōteōz (Autozōkh) et Zēseōn (ou Piatenzakhō) (B44 [82],5-18).

3.4.1.4. Le douzième éon

Jésus révèle à ses disciples qu’au douzième éon, appelé Parnaza . . (A3 [37],5-16), se trouvent le dieu invisible (ⲡⲁϩⲟⲣⲁⲧⲟⲥ ⲛⲟⲩⲧⲉ), la Barbēlos (ⲧⲃⲁⲣⲃⲏⲗⲟⲥ) et le dieu inengendré (ⲡⲓⲁⲅⲉⲛⲛⲏⲧⲟⲥ ⲛⲟⲩⲧⲉ). Il précise que le dieu invisible est dans un lieu qui lui est propre à l’intérieur du douzième éon, et que des voiles sont tirés contre lui. Dans cet éon se trouvent plusieurs autres dieux qui servent le dieu invisible, la Barbēlos et l’inengendré, dont les archontes de l’éon, Kharbuōthō (ou Zamēō), Arzōza (ou Aieōniza) et Zazaksaōth (ou Barbōēu) (B44 [82],18–B45 [83],15).

La triade dieu (ou esprit) invisible, Barbēlo(s) et dieu inengendré, un motif barbéliote, apparaît dans plusieurs traités de la littérature gnostique, le plus célèbre étant

probablement le Livre des secrets de Jean464. Située habituellement au sommet de la hiérarchie céleste, cette triade est réduite, dans notre traité, à jouer un rôle subalterne par rapport à des entités encore plus élevées. Les éons, rappelons-le, ne représentent que la première étape du parcours de l’âme dans sa remontée. On pourrait voir dans la banalisation de cette triade pourtant capitale dans plusieurs autres traités, un indice du caractère plus tardif du Livre du grand discours mystérique465.

3.4.1.5. Le treizième éon

Après le douzième éon se trouve le treizième, dont le nom est Lazazaaa et qui fut pour sa part directement établi par le mystère primordial (A4 [38],6-16)466. Si ce lieu est propre au grand dieu invisible, on y trouve aussi la grande vierge spirituelle et les vingt- quatre émanations du dieu invisible (B45 [83],16–B46 [84],26)467. Ces vingt-quatre émanations occupent d’ailleurs un rang qui leur est propre dans le treizième éon, lieu dont

464 On retrouve ces figures également dans l’Écrit sans titre (où Barbēlos n’apparaît cependant pas), le Livre

sacré du grand Esprit invisible, Eugnoste, la Sagesse de Jésus Christ, l’Ogdoade et l’Ennéade, la Paraphrase de Sem, les Trois stèles de Seth, Zostrien, Marsanès, Melchisédek, Allogène et la Pensée première à la triple forme. Barbēlos (ⲃⲁⲣⲃⲏⲗⲟⲥ) apparaît sous cette variante orthographique uniquement dans la Pistis Sophia, où elle est citée à plusieurs reprises (8; 32; 63; 136-137; 141) et où elle est présentée comme la grande puissance du Dieu invisible (141). Les nicolaïtes, aux dires d’Épiphane, plaçaient Barbélō au huitième ciel (Panarion 26,10,4). Pourrait-on voir dans cette triade une légère variation sur la triade barbéliote Esprit invisible – Barbēlo – dieu inengendré?

465 Sur la datation, voir p. 168-170.

466 Treize éons sont connus du Livre sacré du grand Esprit invisible (NH III 63,18; 64,4; IV 75,6.18-19) et de

Zostrien (NH VIII 4,27). L’Apocalypse d’Adam parle quant à elle de treize royaumes, Marsanès de treize sceaux, et Jésus présente Judas comme le treizième archonte/éon dans l’Évangile de Judas (CT 44,21; 46,19- 20; 55,10-11). Le mystère de ceux qui sont dans le treizième éon est censé se trouver dans les vêtements de Jésus, selon la Pistis Sophia (10). Le treizième éon est également le lieu dans lequel se trouvait Pistis Sophia avant sa chute et l’éon qu’occupe l’Authadès (entre autres 29-32; 39; 50; 52; 54-55; 57; 66; 74; 81; 84; 93). Le treizième éon donne directement sur le trésor de la lumière (76). Toujours dans la Pistis Sophia, Jésus promet de révéler à ses disciples le mystère du treizième éon et la manière de l’appeler, ses chiffres et ses sceaux (138).

467 Le nom de chacune des vingt-quatre émanations est fourni par le texte (B45 [83],24-33) : « La première est

Autogethō; la deuxième Autokhōa; la troisième Agenēzō; la quatrième Aēaa; la cinquième Ōsō; la sixième Ieō; la septième Ōia; la huitième Saōebō; la neuvième Masō; la dixième Sasōthōes; la onzième Althōzō; la douzième Iōabōē; la treizième Thaisabō; la quatorzième Naōi; la quinzième Iaōsae; la seizième Aisōra; la dix- septième Iaaeōs; la dix-huitième . . . aō; la <dix-neuvième> <Ezab>; la vingtième <Bazaō>; la vingt-et- unième Alaeba; la vingt-deuxième Kha . . .; la vingt-troisième Arira . .; la vingt-quatrième Al . . b . . . ». Les vingt-quatre émanations sont mentionnées dans la Pistis Sophia, qui les situe, comme pour notre traité, au treizième éon (29-30; 48; 54; 81; 83-84). Pistis Sophia est d’ailleurs une des vingt-quatre émanations. Ces vingt-quatre émanations ont été émanées, affirment le texte, par le Pro-père invisible et les deux triple- puissants. L’Anonyme de Bruce parle quant à lui de vingt-quatre assistants (parastavth~; 16,2-4).

le nom est Ōazanazaō et où IÉOU installe des archontes, des dieux, des seigneurs, des archanges, des anges, des décans et des serviteurs (A3 [37],17–A4 [38],6)468.

Bien que douze éons aient été annoncés par Jésus, on peut néanmoins comprendre la présence d’un treizième. En fait, Jésus en explique lui-même la présence au douzième éon en précisant que le dieu invisible se trouve dans un lieu qui lui est propre. Mais, comme nous l’avons vu, les éons ne s’arrêtent pas à treize, mais bien à quatorze.

3.4.1.6. Le quatorzième éon.

Le quatorzième éon est, avec les trésors, un des traits les plus originaux de notre traité469. Le quatorzième éon, affirme Jésus, est le lieu du second grand dieu invisible (ⲡⲙⲉϩ ⲛⲟϭ ⲁϩⲟⲣⲁⲧⲟⲥ ⲛⲟⲩⲧⲉ), de même que du grand dieu qu’on appelle « le grand dieu bienfaisant » (ⲡⲛⲟϭ ⲛⲟⲩⲧⲉ), qui est une puissance des trois archontes de lumière. Ces derniers sont trois dieux qui se trouvent entre les éons que nous venons de décrire et le trésor de la lumière, qui se situe encore plus haut. Une multitude d’autres puissances hostiles à l’âme habitent également dans cet éon (B46 [84],26–B47 [85],19).

Trônant sur les éons se trouve donc le second grand dieu invisible, qui apparaît comme la puissance la plus importante de ces sphères. Comme nous n’avons trouvé nulle part une autre mention d’un quatorzième éon et d’un second grand dieu invisible, ni même dans la Pistis Sophia pourtant si proche du Livre du grand discours mystérique, il est plutôt difficile d’expliquer la présence et la nature d’une sphère et d’une entité qui apparaissent aussi artificielles. Peut-être faut-il mettre cette innovation sur le compte de l’imagination fertile d’un auteur cherchant à multiplier les sphères célestes. Toujours est-il qu’on peut

468 On trouve, encore dans la Pistis Sophia, des listes de personnages semblables : anges, archanges,

archontes, dieux, seigneurs, tyrans, etc. (14; 28; 93; 96; 136).

469 En effet, aucun autre texte de la littérature gnostique ne fait intervenir un « quatorzième éon ». Les deux

seules mentions que nous avons pu repérer jusqu’à maintenant se trouvent : 1) dans la notice sur les naasènes d’Hippolyte, qui cite un passage de l’Évangile selon Thomas (différent de celui de Nag Hammadi) qui mentionne un quatorzième éon (Réfutation de toutes les hérésies V,I,7); et 2) dans la notice d’Épiphane de Salamine sur les nicolaïtes, où quatorze éons auraient été émis à partir de quatre éons. Cette émission de quatorze éons aurait par le fait même produit la gauche et la droite, les ténèbres et la lumière (Panarion 25,5,2; 32,1,5).

peut-être y voir, avec la banalisation de la triade barbéliote, un autre indice du caractère plus tardif de l’œuvre470.

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