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Chapitre 1 L’histoire moderne du manuscrit

3. L’acquisition du manuscrit par la Bibliothèque bodléienne (1843-)

Seize ans après qu’eût échoué la vente aux enchères des manuscrits de James Bruce par Christie’s, une autre, qui a lieu le 30 mai 1842, obtient plus de succès. Mis en vente par George Robins82, un lot de quatre-vingt-seize manuscrits parmi lesquels se trouve le codex copte est acheté par la Bibliothèque bodléienne d’Oxford pour £ 100083.

Les autorités de la Bodléienne interviennent une première fois sur le codex Bruce quelque part entre son acquisition et 188284. Les folios du codex Bruce sont alors enchassés entre deux feuilles de papier calque et le résultat collé dans un cadre de carton85. Les feuilles de carton ainsi obtenues sont enfin reliées sous forme de livre par le célèbre relieur

81 Voir le catalogue de Murray, 1827, que nous avons déjà mentionné.

82 Voir le catalogue de leur mise aux enchères de Murray, 1842. Sur Robins, voir Myers, 2004.

83 Voir le catalogue des acquisitions de la Bodléienne pour les années 1826 à 1847 (Bodleian Library, Library

Records e. 195), où il est seulement mentionné que les manuscrits de Bruce ont été achetés dans l’année se terminant le 8 novembre 1843. Voir aussi Craster, 1952, p. 107. L’acquisition par la Bodléienne du codex Bruce ne se fait donc pas en 1848, comme l’affirme Charlotte Baynes dans Baynes, 1933, p. xiii, relayée par Ménard, 1965, col. 822; Violet MacDermot dans Schmidt et MacDermot, 1978a, p. ix; Michel Tardieu dans Tardieu et Dubois, 1986, p. 83; et Puech et Blatz, 1991, 1991, p. 370.

84 Et non 1886, comme l’affirme Michel Tardieu dans Tardieu et Dubois, 1986, p. 83. En effet, Émile

Amélineau est le premier, dès 1882, à rapporter le collage sur carton des feuilles de papyrus du codex Bruce (Amélineau, 1882, p. 220).

85 Après avoir examiné le manuscrit à deux reprises à Oxford, il est impossible, contrairement à ce qu’affirme

Émile Amélineau, que, « comme le papyrus était écrit au recto et au verso, il a fallu couper les feuilles en deux dans leur épaisseur » (Amélineau, 1882, p. 220). C’est vraisemblablement Amélineau que reprend Michel Tardieu lorsqu’il affirme que « les feuillets écrits recto verso furent séparés en deux dans leur épaisseur » (dans Tardieu et Dubois, 1986, p. 84). Charlotte Baynes résume bien, en 1933, le sort subi par le codex dans Baynes, 1933, p. xiv.

oxfordien Alfred Maltby & Son Ltd. en novembre 188686. Le travail n’est malheureusement pas supervisé ou revu par quelqu’un de compétent en copte : les folios sont reliés en désordre, certains sont placés à l’envers, alors que d’autres présentent, sur une même page, un morceau du recto et un du verso du même folio87. Les cadres de carton n’étant pas rigoureusement ajustés aux contours des folios, cette opération a pour effet de masquer le bord de certaines pages, soustrayant du même coup à la vue de minces portions de textes88. C’est au cours de cette opération que disparaissent sept folios du codex (trois folios [six pages] des Livres de Iéou et quatre folios [huit pages] de l’Anonyme de Bruce), parce que probablement trop endommagés89. Peut-être ont-ils été jetés par le relieur lui- même90.

Il faut attendre 1928 avant que la Bibliothèque bodléienne intervienne à nouveau. Dans son édition et sa traduction de l’Anonyme de Bruce, Charlotte Baynes témoigne en effet que l’état du manuscrit n’a cessé de se détériorer depuis 1886 : « Much of the papyrus has perished and is full of holes », affirme-t-elle, et « There are also mildew spots on many of the leaves, which appear to have originated in the paste used at the time of the binding »91. Aussi se réjouit-elle de ce que de nouvelles mesures ont été prises, à la suite de son passage, pour la conservation du manuscrit : « the authorities of the Bodleian Library subjected the papyrus to treatment for the purpose of arresting the mildew, and at the same time re-numbered the pages, adopting the sequence of Dr Schmidt »92.

86 La date se trouve dans le bas du verso de la couverture du volume relié. C’est probablement de là que vient

la confusion autour de l’année où les folios furent collés sur les feuilles de carton. Ce ne serait donc que la reliure de ces feuilles qui ait été réalisée en 1886. Avant d’être reliées, les feuilles de carton étaient apparemment conservées dans une boîte (selon Amélineau, 1890, p. 179).

87 C’est le cas des pages 43 et 44 (le côté droit de la p. 43 est en fait le côté gauche placé à l’envers de la p. 44

et le côté gauche de la p. 44 est le côté droit placé à l’envers de la page 43) et des pages 71 et 72 (le bas de la p. 71 est en fait celui de la p. 72 et le bas de la p. 72 est celui de la p. 71).

88 Les folios de papyrus n’ont donc été totalement accessibles scientifiquement qu’à l’examen de Woide et de

Schwartze. Notre appel lancé le 27 mai 2010 à Colin Wakefield de la Bibliothèque bodléienne d’Oxford pour une nouvelle intervention sur le codex, avant qu’il ne soit trop tard, est resté sans réponse.

89 L’existence de ces feuillets est attestée par la copie de Woide.

90 C’est l’hypothèse qu’avance Charlotte Baynes (Baynes, 1933, p. xiv), qui est reprise comme un fait par

Michel Tardieu (Tardieu et Dubois, 1986, p. 84).

91 Baynes, 1933, p. xv.

92 Baynes, 1933, p. xv. Le réordonnancement des folios est réalisé en mai et juin 1928, selon ce qui est écrit

dans les pages qui précèdent les folios collés sur carton. Une concordance des pages du volume relié avec celles établies par Schmidt avait également été faite avant d’être barrée à la suite du réordonnancement de 1928.

Aucune nouvelle intervention sur le codex n’a été réalisée jusqu’aujourd’hui. Nul besoin de préciser que quatre-vingts années plus tard, l’état du manuscrit ne s’est guère amélioré. Fort heureusement, alors qu’il était encore assez lisible, des négatifs sur verre de chaque folio du codex Bruce ont été produits. Les autorités de la Bodléienne disent malheureusement ignorer le moment où furent prises ces photographies. Il convient de préciser que la facture de production pour les négatifs de l’Anonyme de Bruce et pour ceux des Livres de Iéou diffère. Les négatifs de l’Anonyme de Bruce furent probablement réalisés autour de 1928, lorsque la Bibliothèque bodléienne repagina le manuscrit93. Ces négatifs figurent d’ailleurs dans le volume d’édition et de traduction de l’Anonyme de Bruce de Charlotte Baynes (1933). Quant aux négatifs des Livres de Iéou, ils auraient été réalisés, selon nous, plus tard, peut-être autour des années 1950.

93 Michel Tardieu donne 1923, mais nous ignorons d’où provient cette date (cf. Tardieu et Dubois, 1986,

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