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2 LES AETHIOPES DANS LA LITTÉRATURE LATINE CLASSIQUE

2.1 LES ACTIVITÉS DES AETHIOPES DANS LA ROME ANTIQUE

2.1.2 Les produits et les productions des Aethiopes et des Afr

Afin de satisfaire ses multiples besoins en ressources économiques que la ville de Rome elle-même n’arrivait pas à (offrir – produire), l’Empire Romain se tourna vers ses provinces telles que l’Afrique et les régions avoisinantes comme l’Éthiopie. Bien que s’approvisionnant en grande quantité en Égypte et en Inde, les Romains ne négligèrent guère les produits d’Afrique et d’Éthiopie qu’ils (acheminaient - importaient) par voies terrestre, maritime et parfois fluviale. L’importance et la valeur de ces produits étaient telles qu’il fallait tracer des voies de communications et faciliter la navigation dans ce qu’ils appelaient la Mare Nostrum afin de faire parvenir dans la capitale ces marchandises provenant de régions barbares ou plutôt étrangères. Les cités les plus réputées étaient celles d’Éthiopie, d’Afrique du Nord, plus particulièrement, Carthage, la Maurétanie et la Numidie qui étaient très riches en matières premières. En effet, on faisait venir de ces régions des produits alimentaires, des produits

294 PLINE L’ANCIEN, Naturalis historia 5, 35.

295 J. DESANGES, Catalogue des tribus africaines de l’Antiquité classique à l’Ouest de Nil, Dakar, Publication

de la section d’histoire, n°4, 1962, p. 39, cf. ‘Troglodytes’.

296 ID., ibid., n°4. 297 ID., ibid., n°4.

92 d’origine animale, des produits végétaux, des matériaux de construction, des minéraux, des métaux précieux et enfin des produits textiles.

2.1.2.1 Les produits alimentaires

L’approvisionnement en produits alimentaires occupait une place très importante dans la politique impériale. Les territoires africain et éthiopien étaient connus pour leurs richesses agricoles favorisées par la fertilité de leurs sols et une diversité de gibiers et d’animaux domestiques consommables. En soumettant ces provinces, les autorités romaines avaient une idée bien claire des avantages en nature dont elles pouvaient bénéficier. Rome comblait, avec la colonisation de ces régions, le besoin en céréales, en huiles d’olives et de cèdres, et en élevage. Cette conquête a non seulement permis à l’administration romaine de contrôler les activités économiques provinciales mais aussi d’encourager les riches citoyens de l’Empire, et plus particulièrement de Rome, à développer leur propre commerce et à contribuer ainsi au ravitaillement de la capitale dont la population ne cessait de croître.

2.1.2.1.1 Les céréales

Les céréales les plus exportées à Rome étaient le blé, l’orge et le millet. En raison de la fondation de nouvelles colonies qui occasionnaient l’augmentation des besoins alimentaires notamment en céréales, il fallait appuyer les paysans à cultiver davantage des terres afin d’accroître la production et éviter une disette. M. Sartre et A. Tranoy comprenaient bien cette politique agricole lorsqu’ils disaient que « tout est fait pour éviter le retour à des situations de famine, comme celles que connut Rome pendant les guerres civiles ; c’est pour répondre à ce problème d’approvisionnement que Claude entreprend l’aménagement du port d’Ostie »298. Là,

débarquait une très grande quantité de produits céréaliers provenant pour la plupart d’Égypte, de Sicile et d’Afrique du Nord dont certaines régions étaient exclusivement réservées à ce type de culture.

Pline l’Ancien consacre le livre XVIII à étudier, comme il le dit, « la nature des céréales, des jardins et des fleurs, etc. » 299 (natura frugum hortorumque ac florum). Déjà dans le livre XV de l’Histoire naturelle où il traite des contrées qui produisaient des oliviers et des huiles, il

298 M. SARTRE et A. TRANOY, La Méditerranée antique IIIe siècle av. J.-C. / IIIe siècle apr. J.-C., 2e éd. Paris,

Armand Colin/ Masson, 1990, 1997, p. 156.

299 PLINE L’ANCIEN, Naturalis historia 18, 1. Plus loin dans le même livre, en 18, 9-10 et suivant, il montre la

différence entre les grains classée en catégorie selon l’époque des semailles : ceux d’hivers comme le blé et l’orge, et ceux d’été, comme le millet et le sésame etc.

93 a noté l’exception de la province d’Afrique plutôt réputée pour la qualité et l’abondance de ses grains. Il écrit :

[…] Africae frugifero solo: Cereri id totum natura concessit, oleum ac uinum non inuidit tantum satisque gloriae in messibus fecit.

« […] À l’exception de l’Afrique au sol fertile : La nature l’a cédé toute entière à Cérès, elle ne lui refusa pas autant d’huiles et de vins, mais lui fit assez de gloire dans les moissons »300.

On lit la même assertion sur la fécondité des terres d’Afrique chez son contemporain Columelle, dont l’essentiel de l’œuvre traite de l’agriculture avec beaucoup de sagesse et d’expérience. Son témoignage est intéressant en ce sens qu’il a non seulement voyagé à travers l’Empire et acquis des connaissances agronomiques, mais aussi et surtout parce qu’il s’est beaucoup inspiré des écrits de Caton l’Ancien et de Varron dont les œuvres sont des références dans le domaine champêtre. Il écrit dans son traité d’agriculture :

Sed ad genera frugum redeo. Mysiam Libyamque largis aiunt abundare frumentis; nec tamen Apulos Campanosque agros opimis defici segetibus.

« Mais je reviens aux genres de moissons. On rapporte que la Libye et la Mysie abondent en grains de blé, et cependant les champs d’Apulie et de Campanie ne manque pas de riches champs de céréales ».301

L’Afrique, grâce à ces terres productives, est donc par excellence une des principales provinces fournisseuses de Rome en blé. Selon Charlesworth, elle est même devenue « durant les deux premiers siècles de notre ère, […], un important grenier de l’Empire »302. J. Kolendo

estime, quant à lui, que le ravitaillement de Rome en céréales en Afrique ne date pas du 2e siècle

ap. J.-C. comme le dit Charlesworth ; mais bien des siècles avant. Il écrit que « le développement très rapide de l’agriculture dans le royaume numide débute aux IIIe – IIe siècle

avant notre ère. La preuve du rôle de l’agriculture dans l’État numide peut être cherchée dans le fait que les rois disposaient d’importants surplus en grains destinés à l’exportation vers les pays de l’Orient hellénistique et vers l’Italie. Cinq fois en trente ans, de 200 à 170, on entend parler de livraison aux Romains, gratuitement ou non, de certaines quantités de céréales, variant entre 400.000 et 1350.000 modii. Il est à souligner que la Numidie fournit des céréales durant

300 ID., Naturalis historia 15, 8.

301 COLUMELLE, De l’agriculture 3, 8, 4 ; Voir aussi HORACE, Ode 3, 16, 31. PLUTARQUE, César 55, 1,

rappelle le discours de César au peuple, discours où le général montre la valeur et l’importance de sa conquête africaine en affirmant que les Romains pouvaient désormais bénéficier de « deux cent mille médimnes attiques de blé ».

302 M. P. CHARLESWORTH, Les routes et le trafic commercial dans l’empire romain, traduction française par

94 des années assez rapprochées ou même successives (200 et 198, 171 et 170), ce qui peut prouver qu’elle disposait continuellement de surplus de céréales »303.

On trouve en effet une explication de l’extraordinaire productivité de ces sols chez Varron qui donne la capacité de rendement d’une mesure agraire en Afrique, le iuguerum.

Seruntur fabae modii IIII in iugero, tritici V, hordei VI, farris X, sed non nullis locis paulo amplius aut minus. Si enim locus crassus, plus ; si macer, minus. Quare obseruabis, quantum in ea regione consuetudo erit serendi, ut tantum facias, quod tantum ualet regio ac genus terrae, ut ex eodem semine aliubi cum decimo redeat, aliubi cum quinto decimo, ut in Etruria locis aliquot. In Italia in Subaritano dicunt etiam cum centesimo redire solitum, in Syria ad Gadara et in Africa ad Byzacium item ex modio nasci centum.

« On sème dans un iugerum, en fèves, quatre modii, en blé cinq, en orge six, en froment dix. Cette proportion cependant varie selon la qualité du sol ; en plus, si la terre est grasse ; en moins, si elle est maigre. Pour cette appréciation on fera bien d’observer les habitudes locales, et avec d’autant plus de raison que la même quantité de semence rend en certains endroits dix pour un, et quinze en d’autres ; comme en Étrurie par exemple, et en quelques cantons d’Italie. À Sybaris, dit-on, le rendement ordinaire est du centuple. Il en est de même à Garada en Syrie, et à Byzacium en Afrique »304.

Cette manière de considérer les semences, et surtout le rendement d’un grain qui peut rendre au centuple lorsqu’il est arrivé à terme, était très en vogue. Il est intéressant de remarquer qu’on l’emploie beaucoup pour évoquer les récoltes à Byzacium en Afrique. Est-ce une légende, une tradition ou tout simplement une tournure hyperbolique propre à rendre l’abondante production céréalière de cette ville ? Il est difficile de le dire. En revanche on la relève dans plusieurs notices de Pline l’Ancien, qui note en différents endroits de son œuvre la fécondité des terres de Byzacium. Cela voudrait donc dire que depuis Varron jusqu’à Pline l’Ancien, cette cité avait une bonne réputation en termes de productivité. En décrivant la géographie de l’Afrique, l’auteur de l’Histoire Naturelle dit de cette municipalité :

Libyphoenices uocantur qui Byzacium incolunt. Ita appellatur regio <CCL> p. circuitu, fertilitatis eximiae, cum centesima fruge agricolis faenus reddente terra.

« On appelle Libyphéniciens ceux qui habitent le Byzacium. C’est ainsi qu’on nomme une région de 250000 pas de circuits et d’une rare fertilité, puisque la terre rend aux paysans cent grains pour un »305.

Dans une autre notice, Pline l’Ancien montre bien que ces abondantes récoltes de Byzancium étaient exportées à Rome dont l’autorité impériale s’intéressait à la production de ce secteur. Il écrit que :

303 J. KOLENDO, Le colonat en Afrique sous le Haut-Empire, Annales Littéraires de l’Université des Besançon,

177, Paris VIe, Les Belles Lettres 95, 1976, p. 9. 304 VARRON, De l’Agriculture 1, 44, 2.

305 PLINE L’ANCIEN, Naturalis historia 5, 24. Il souligne aussi cette fertilité en Histoire Naturelle 17, 41 : Contra

in Byzacio Africae illum centena quinquagena fruge fertilem campum nullis, cum siccum est, arabilem tauris, post imbres uili asello et a parte altera iugi anu uomerem trahente uidimus scindi.

95 Tritico nihil est fertilius — hoc ei natura tribuit, quoniam eo maxime alebat hominem —, utpote cum e modio, si sit aptum solum, quale in Byzacio Africae campo, centeni quinquageni modii reddantur. misit ex eo loco diuo Augusto procurator eius ex uno grano, uix credibile dictu, CCCC paucis minus germina, exstantque de ea re epistulae. Misit et Neroni similiter CCCLX stipulas ex uno grano.

« Rien n’est plus fécond que le froment - la nature lui a accordé cette propriété car c’est avec lui surtout qu’elle nourrissait l’homme -, vu qu’il a un rendement de cent cinquante boisseaux pour un si le terrain convient bien, comme celui des plaines de Byzacium en Afrique. De là, un procurateur du divin Auguste envoya à ce prince un grain d’où sortaient un peu moins de quatre cents germes, chose à peine croyable ; il subsiste encore des lettres qui en attestent. De même, un procurateur envoya à Néron trois cent soixante tiges issues d’un seul grain »306.

Tous ces témoignages montrent bien que l’Afrique exportait beaucoup de céréales à Rome. Mais elle ne se limitait pas seulement à fournir ce type de produit. En effet, en plus des grains, les Romains s’alimentaient aussi en denrées servant à la restauration, en fruits, et en bétail.

2.1.2.1.2 Les produits de table

Les Romains étaient friands de produits exotiques. Ils aimaient utiliser dans leur cuisine de l’huile d’olives (ou de cèdre) et servir un gibier de la savane africaine, assaisonné avec des condiments de la région. Ils appréciaient également le vin de cette ville et adoraient manger des fruits savoureux en provenance d’Éthiopie.

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