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Dans les textes juridiques : sur la lex Iulia de adulteriis coercendis

2.1.2.1.2.3 Les fruits

3 LES VISIONS NÉGATIVES DES AETHIOPES DANS LA LITTÉRATURE LATINE CLASSIQUE

3.1 LA SEXUALITÉ DES AETHIOPES : ADULTÈRE ET MÉTISSAGE À ROME

3.1.1 Les Aethiopes et l’adultère dans la littérature

3.1.1.1 Dans les textes juridiques : sur la lex Iulia de adulteriis coercendis

En 17 av. J.-C., Auguste entreprit des réformes générales qui invitaient le peuple, voire l’exigeaient un retour au mos maiorum. Cette politique visait à restaurer les valeurs traditionnelles romaines dont Caton l’Ancien et Cicéron étaient les principaux défenseurs. Afin de contenir la débauche des femmes de familles nobles, une série de lois était promulguée. On retient la lex Iulia de adulteriis coercendis dont le but était justement d’encourager le mariage, d’encadrer les familles et enfin de réprimer l’adultère. « Ce code des mœurs, lit-on dans le

Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio, se rattachait à

l'ensemble des lois d'Auguste sur le mariage, le célibat et la paternité ; il tendait à multiplier les mariages en garantissant la pureté et la stabilité de l'union conjugale »617.

La loi Iulia de adulteriis ne fait aucune mention des Aethiopes dont nous étudions les implications aux cas d’adultère. Toutefois, ce silence n’est pas inquiétant car, il est clair que même si ce texte juridique ne les nomme pas expressément, ils sont tout de même soumis, autant que les Romains et les autres peuples de l’Empire, à cette même loi qui les classe dans la catégorie des étrangers618 extranei619 et celle des esclaves serui620 accusés du crime d’adultère.

En revanche, tandis que les juristes sont restés assez vagues sur cette question, certains auteurs

617DAGR, ibid., p. 85, col. de droite.

618 Suivant la logique de la couleur de peau des peuples occidentaux tels que les Romains, un Aethiops à Rome est

ou bien un esclave ou bien un affranchi, et donc dans ce dernier cas un homme libre. Mais il est par-dessus tout un étranger, c’est pourquoi on peut supposer que la lex Iulia de adulteriis coercendis les concerne lorsqu’elle traite des extranei et des serui.

619 DIGESTE 48, 5, 2 § 7 : Extraneus autem nequaquam lenocinium obiciens, posteaquam reus factus est, se

releuabit, nec maritum poenae subiciet.

620 ID., op. cit., 48, 5, 27, § 6 : Haberi quaestionem lex iubet de seruis ancillisue eius, de quo uel de qua

quaereretur, parentisue utriusque eorum, si ea mancipia ad usum ei a parentibus data sint. Diuus autem Hadrianus Cornelio Latiniano rescripsit et de exteris seruis quaestionem haberi.

194 de la littérature latine antique ont été, pour leur part, assez prolixes critiquant ça et là les dames romaines qui cherchaient les Aethiopes.

Dans le Digeste, deux termes sont employés pour qualifier « l’infidélité » : l’adulterium et le stuprum. Ces deux notions sont très récurrentes dans ce chapitre. Elles caractérisent plusieurs faits et circonstances dans le souci d’englober les cas qui demeuraient présents à l’esprit des auteurs et ceux qui étaient jusque-là rencontrés, mais elles restent assez fermes et concises quant aux fautes sexuelles qu’elles condamnaient. Au livre premier de Modestinus traitant des Règles, se trouve un passage qui présente différentes situations dans lesquelles certains rapports sexuels étaient susceptibles d’être considérés comme crime, et où l’adulterium et le stuprum sont clairement définis :

Stuprum committit, qui liberam mulierem consuetudinis causa, non matrimonii continet, excepta uidelicet concubina. Adulterium in nupta admittitur : Stuprum in uidua uel uirgine uel puero committitur.

« Commet un déshonneur à cause de la relation celui qui retient une femme libre, à l’exception bien évidemment d’une concubine, non pas en vue du mariage. On commet l’adultère avec une femme mariée : le déshonneur avec la veuve, ou la vierge (jeune file) ou un enfant »621.

Dès lors, on s’aperçoit que l’adulterium et le stuprum sont deux termes qui désignent certes le vice qui porte atteinte à la pudicité et à l’honneur, mais ils n’expriment pas juridiquement la même faute. En effet le stuprum, tel qu’il est défini par Daremberg et Saglio, a un sens plus vaste que l’adulterium contrairement à ce qu’affirme E. Cantarella. Dans son ouvrage traduit de l’italien par Marie-Domitille Porcheron, Cantarella écrit : « Le terme adultère est utilisé par Auguste dans un sens large, et comprend aussi le stuprum »622. Or, il est

dit qu’en droit romain le stuprum « désigne au sens large le commerce illicite avec une personne de l’un ou de l’autre sexe, et en ce sens, il comprend même l’adultère, auquel plus tard il s’opposa ; au sens étroit les rapports illicites avec une jeune fille ou une veuve de vie honorable, ou avec une personne du sexe masculin »623, tandis que l’adulterium est défini selon le même

droit comme « le commerce d’une femme mariée avec un autre que son mari »624. En

conséquence, toute personne, quels que soient son statut et son origine, pouvait être frappée par

621 ID., op. cit., 48, 5, 34, § 1 ; ID., op. cit., 50, 16, 101 pr.

622 E. CANTARELLA, Selon la nature, l’usage, et la loi : la bisexualité dans le monde antique, traduit de l’italien

par Marie-Domitille PORCHERON, Paris Éditions La Découverte, 1991, p. 206. Cette affirmation est discutable dans la mesure où c’est plutôt le contraire qu’il faut comprendre, c’est-à-dire que le stuprum englobe l’adulterium. Elle constitue, en quelque sorte selon CANTARELLA, la conclusion qu’on pourrait tirer de la notice du Digeste citée plus haut.

623 CH. LECRIVAIN, DAGR, art. Stuprum, t. 4, vol. 2, p. 1547 col. gauche.

195 ces deux crimes. Nul n’étant au-dessus de la loi, il y avait au banc des accusés non seulement des Romani mais aussi des Afri et des Aethiopes etc.

Assurer une pure descendance était pour les Romains une chose aussi importante qu’épouser une femme pudique et de noble naissance. Or, malgré l’importance que revêt la notion de pureté de sang et en dépit de sa complexité, elle ne constituait pas un critère fondamental dans le processus d’obtention de la citoyenneté romaine. En effet, c’était la femme qui pouvait donner la citoyenneté à son enfant et non l’homme. Dans ces circonstances, on comprend pourquoi l’adultère commis par une femme nommée adultera était sévèrement puni - principalement lorsque son complice appelé adulter était extraneus (étranger), au moment où « le commerce que le mari pouvait avoir avec une autre femme non mariée n’était pas considéré comme une violation légale de la foi conjugale »625. D’ailleurs, à côté de la lex Iulia de adulteriis coercendis, il existait d’autres formes de condamnations non juridiques qui

fustigeaient l’impudicité des dames romaines. L’indignation des conservateurs et surtout la furie des satiristes, qui dénonçaient vigoureusement l’obscénité des courtisanes qui couchaient avec des Aethiopes, étaient très connues.

3.1.1.2 Les Aethiopes dans les cas d’adultère : critique des écrivains

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