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2.1.2.1.2.3 Les fruits

2.8 L’INTÉRÊT DES ROMAINS POUR LES RÉGIONS ÉTHIOPIENNES : AUGUSTE ET NÉRON

2.8.2 L’Éthiopie : une région aux enjeux stratégiques et économiques

Nous pouvons lire dans la suite du texte d’Auguste ce passage concernant la campagne romaine menée en Éthiopie :

Meo iussu et auspicio ducti sunt duo exercitus eodem fere tempore in Aethiopiam et in Arabiam, quae appellatur Eudaemon, maximaeque hostium gentis utriusque copiae caesae sunt in acie et complura oppida capta. In Aethiopiam usque ad oppidum Nabata peruentum est, cui proxima est Meroe ; in Arabiam usque in fines Sabaeorum processit exercitus ad oppidum Mariba.

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« Sur mon ordre et sous mes auspices, deux armées ont été conduites à peu près à la même époque en Éthiopie et dans l’Arabie que l'on appelle Heureuse, et des forces très importantes de ces deux nations ont été taillées en pièces au combat, et de très nombreuses places fortes ont été prises. On est parvenu en Éthiopie jusqu'à la ville de Nabata, dont est proche Méroé ; en Arabie, l'armée s'est avancée jusqu'au territoire des Sabéens, à la ville de Mariba »597.

Les tentatives d’annexion de l’Éthiopie et de l’Arabie n’étaient pas seulement une simple volonté de créer de nouvelles provinces. En effet, Auguste a très tôt affiché le souhait de contrôler cette partie du monde. Il faut comprendre que lorsqu’il dit Meo iussu et auspicio

sunt duo exercitus odem fere tempore in Aethiopiam et in Arabiam, quae appellatur Eudaemon

(« Sur mon ordre et sous mes auspices, deux armées ont été conduites598 à peu près à la même

époque en Éthiopie et dans l’Arabie que l'on appelle Heureuse »), c’est pour montrer la réalisation de ce souhait. Comme dans le passage étudié plus haut, il précise les limites des territoires conquis en insistant à travers la préposition usque sur la profondeur de l’intervention de son armée : In Aethiopiam usque ad oppidum Nabata peruentum est, cui proxima est Meroe (« On est parvenu en Éthiopie jusqu'à la ville de Nabata, dont est proche Méroé »), in Arabiam

usque in fines Sabaeorum processit exercitus ad oppidum Mariba (« en Arabie, l'armée s'est

avancée jusqu'au territoire des Sabéens, à la ville de Mariba »).

2.8.2.1 Les enjeux stratégiques

En effet, en contrôlant cette région, les Romains pouvaient profiter de sa position stratégique et des avantages économiques qu’elle offrait. Les deux pays cités se trouvent de part et d’autre de la Mer Rouge. Or c’est à travers cette mer que transitaient les marchandises en provenance de l’Asie (l’Inde en particulier) et à destination de l’Égypte, avant d’être acheminées à Rome. Dès lors, on comprend l’intérêt pour les Romains de contrôler absolument cette zone afin de sécuriser le commerce maritime qui s’y développait. En outre, Auguste savait que l’Éthiopie était riche en matières premières. Elle fournissait toutes sortes de produits599 à la

capitale de l’empire. De plus, il savait que la colonisation de ce pays pouvait lui rapporter un important tribut.

597 ID., ibid.

598 Nous rappelons que cette campagne en Éthiopie a été conduite par Pétronius alors qu’il venait d’être nommé

préfet d’Égypte.

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2.8.2.2 Les enjeux économiques

Les informations sur l’existence de riches matières premières en Éthiopie étaient très répandues pendant l’Antiquité. Il faut savoir que, en raison de cette richesse, beaucoup de puissants rois avaient tenté par le passé de coloniser l’Éthiopie afin de lui imposer un tribut que ses habitants pouvaient payer facilement. D’après Pline l’Ancien, citant Hérodote, les rois de Perse recevaient des Aethiopes de l’or, de l’ivoire et du bois d’ébénier en guise de tribut. On lit au livre XII de l’Histoire Naturelle ceci :

Herodotus eam Aethiopiae intellegi maluit in tributi uicem regibus Persidis e materia eius centenas phalangas tertio quoque anno pensitasse Aethiopas cum auro et ebore prodendo. […] Non omittendum id quoque, uicenos dentes elephantorum grandes, quoniam ita significauit, Aethiopas ea de causa pendere solitos.

« Hérodote a préféré comprendre que cet arbre se trouvait en Éthiopie, en disant que les Éthiopiens payaient tous les deux ans aux rois de Perse un tribut constitué de cent troncs de ce bois accompagnant la livraison d’or et d'ivoire. […] Il ne faut pas non plus omettre que c’étaient vingt défenses d’éléphant, puisque c’est en ces termes qu’il l’a indiqué, que les Éthiopiens payaient habituellement à ce titre »600.

L’abondance de ces produits chez les Aethiopes pourrait bien avoir poussé Auguste à se lancer dans cette entreprise. Bien que les raisons de sa campagne militaire ne soient pas évoquées dans les Res Gestae, on sait qu’il était motivé par le développement du commerce entre Rome et l’Éthiopie d’où provenaient des produits exotiques qui étaient très recherchés601

dans l’empire. J. Desanges écrit que « l’action d’Auguste en direction de l’Afrique nilotique et érythréenne est encore mal connue. Du moins apparaît-elle importante et féconde. […] Elle a permis à Rome, héritière des Lagides, le contrôle d’une marche nubienne et l’ouverture de rapports économiquement fructueux avec Méroé »602.

En somme, considérant tous ces enjeux et tous les avantages dont ils pouvaient tirer profit, les Romains avaient tout intérêt à soumettre l’Éthiopie. Cependant nous avons remarqué que dans de nombreuses conquêtes, ils dissimulaient toujours leur ambition de dominer les peuples qui étaient visés. C’est ce qu’a fait Auguste dans la campagne menée par Pétronius, et nous verrons dans le prochain chapitre que les aspirations de Néron qui avait envoyé des explorateurs en Éthiopie n’étaient pas non plus sans ambiguïté.

600 PLINE L'ANCIEN, Naturalis historia 12, 17-18.

601 Le sable d’Éthiopie utilisé pour le sciable du marbre. Cf. PLINE L'ANCIEN, Naturalis historia 36, 51 :

Aethiopica haec maxime probatur ; nam id quoque accessit, ut ab Aethiopia usque peteretur quod secaret marmora (« Le sable éthiopien est le plus recherché : car il s’est ajouté la difficulté de devoir aller chercher en

Éthiopie de quoi couper le marbre »).

602 J. DESANGES, Recherches sur les activités des Méditerranéens aux confins de l’Afrique, (VIe siècle av. J.-C.,

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