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2.1.2.1.2.3 Les fruits

2.7 ROIS, REINES ET CONSEILLERS CHEZ LES AETHIOPES

2.7.3 Les conseillers ou ambassadeurs du roi chez les Aethiopes

Il existait en Éthiopie un collège de ‘sages’ qui conseillaient le roi et le représentaient dans certains voyages et échanges diplomatiques. Mais là encore, les témoignages littéraires latins sur leur existence sont rares où presque inexistants. Pourtant, les rencontres et les dialogues ne manquaient pas entre l’empire romain et les royaumes éthiopiens. Il faut rappeler que lors de la campagne militaire menée contre l’Éthiopie par Pétronius ce dernier, après avoir saccagé leur ville, fit escorter des ambassadeurs éthiopiens587 jusqu’à Samos où Auguste se

trouvait afin qu’ils négocient leur reddition. Snowden écrit à propos de cette mission diplomatique : « The maintenance of the peace which followed Augustus’ treaty with Ethiopian queen apparently owed no little to the establishment of diplomatic relations between the two peoples. A precedent for mutual understanding through ambassadors had been set at Samos »588. On notera au passage que Snowden voit bien dans ces ambassadeurs les

représentants d’une Reine noire (« Ethiopian queen ») et non d’un roi. Le même spécialiste indique que sous le règne de Néron plusieurs rencontres eurent lieu entre les Romains et les Éthiopiens au sud de l’Égypte. Il signale aussi une intéressante statue représentant un personnage semblable à un ambassadeur : « un torse en marbre, au musée de Torlonia à Rome, probablement d’époque flavienne, grandeur nature, l’épaule gauche drapée, représente peut- être un de ces Noirs qui participèrent à de telles négociations »589. De fait, si l’époque assignée

à cette œuvre est la bonne, on peut songer à un rapport de cause à effet entre la diffusion de la connaissance de l’expédition et la réalisation de la statue.

587 Voir J. DESANGES, Recherches sur l’activité des méditerranéens aux confins de l’Afrique (VIe siècle av. J.-

C. – IVe siècle après J.-C.), Rome, École Française de Rome (Publications de l'École française de Rome, n°38),

1978, p. 315.

588 Fr. M. SNOWDEN, Blacks in Antiquity : Ethiopians in the Greco-Roman experience, Cambridge, Mass.

Londres, Harvard University Press, 1975, p. 134 et suivantes.

589 ID., « Témoignages iconographiques sur les populations noires dans l’Antiquité gréco-romaine », p. 133-245,

180 Image 28 - Buste d’Éthiopien. Ier siècle ap. J.-C. Marbre. Rome. Museo Torlonia.

Qui donc étaient ces conseillers royaux éventuellement chargés de la mission d’ambassadeurs ? Faut-il penser aux gymnosophistes éthiopiens, ces « sages-nus » qui auraient fréquenté la cour du roi d’Éthiopie et qui l’auraient aidé à prendre ses décisions ? D’après P. Robiano, « la mention de ‘gymnosophistes éthiopiens’ apparaît chez Philostrate dans la Vie

d’Apollonios de Tyane, et chez Héliodore, dans les Éthiopiques, mais semble-t-il, nulle part

ailleurs dans des sources antérieures ou contemporaines »590. L’emploi du terme

‘gymnosophiste’ à propos des Aethiopes est d’apparition tardive dans la littérature gréco- romaine. Les gymnosophistes ont, par ailleurs, toujours été localisés en Inde et jamais en Éthiopie. C’est pour cela que P. Schneider estime que l’on a ici une des nombreuses interférences que les auteurs antiques font entre ces deux peuples. Il écrit : « Alors que la tradition localise depuis longtemps les Gymnosophistes en Inde, un auteur les met en scène comme conseillers du roi des Éthiopiens, le thème fait donc brusquement irruption en Éthiopie »591.

On ne trouve pas de témoignages littéraires latins au sujet de ces gymnosophistes éthiopiens. Seul Pline l’Ancien évoque l’existence en Éthiopie d’un peuple d’hommes nus :

Gymnetes, semper nudi, « les Gymnètes, toujours nus »592. En raison de leur nudité, ils sont

590 P. ROBIANO, « Les Gymnosophistes éthiopiens chez Philostrate et chez Héliodore », dans Revue des Études

Anciennes, t. 94, n°3-4, 1992, p. 413 – 428, ici p. 413.

591 P. SCHNEIDER, op. cit., p. 224.

181 associés aux Gymnosophistes indiens en qui on pourrait voir les Brahmanes d’aujourd’hui. Cependant, Pline n’a jamais mentionné ces Gymnetes en tant que conseillers du roi. S’ils sont pris pour des conseillers, c’est seulement dans le cadre d’une hypothèse de spécialistes contemporains, qui préfèrent d’ailleurs employer le mot de ‘sages’ plutôt que celui de ‘Conseillers’ — quand bien même les premiers sont considérés dans les cours au même titre que les seconds. L’explication de P. Robiano paraît admissible : « Des textes latins et grecs, s’ils n’évoquent pas des ‘gymnosophistes éthiopiens’, mentionnent, à des titres divers, des sages éthiopiens ». C’est le cas de Pline l’Ancien593, poursuit-il, « qui rapporte que Pythagore et

Démocrite ont fréquenté des ‘mages perses, arabes, égyptiens et éthiopiens’ »594.

Conclusion

La question que nous avons abordée ici fait partie de celles qui ne sont guère documentées par les littératures anciennes, et par la littérature latine moins encore que par la grecque. Dans une grande mesure, les auteurs romains reprennent des données grecques dont ils sont, comme souvent, grandement tributaires. Malgré le flou et la confusion de la documentation, on saisit cependant des affirmations originales qui méritent d’être considérées. La réalité ethnologique de certaines ne peut être mise en doute, tant elles sont bien attestées : c’est le cas de l’existence de cette sorte de reine, la Candace « éthiopienne », dont un texte latin d’époque indéterminée, mais tardive, rappellera encore que le Grand Alexandre l’avait affrontée595. D’autres peuvent toucher davantage à l’ordre du symbolique. L’historicité des

relations (explorations commerciales et/ou tentatives guerrières) entre Rome et les régions « éthiopiennes » ressort de textes latins qui s’appuient sur des faits. Tout cela témoigne d’un intérêt à la fois de curiosité intellectuelle et d’espérance marchande à l’égard de royaumes dont le roi est parfois une reine, et où le conseiller peut être nu.

593 ID., op. cit., 25, 13.

594 P. ROBIANO, op. cit., p. 414.

595 FULGENCE, De aetatibus mundi et hominis 10, p. 166 l. 8 Helm : Candacen Aethiopicam, quamuis praeceps,

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2.8 L’INTÉRÊT DES ROMAINS POUR LES RÉGIONS

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