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2.1.2.1.2.3 Les fruits

2.8 L’INTÉRÊT DES ROMAINS POUR LES RÉGIONS ÉTHIOPIENNES : AUGUSTE ET NÉRON

2.8.1 La politique romaine en Éthiopie sous Auguste

2.8.1.1 Auguste à la conquête du monde

Dès le début du 1er siècle de notre ère, les autorités romaines nourrissaient l’ambition

de pousser les limes de l’empire le plus loin possible, c’est-à-dire jusqu’aux peuples situés aux confins du monde connu. La puissance de Rome grandissait et son territoire s’élargissait de tous les côtés. Des campagnes de colonisation étaient menées de toute part. D’Est en Ouest, du Nord au Sud les régions les plus reculées étaient annexées, et les peuples parfois même différents à tout point de vue étaient soumis au joug de l’Vrbs. Cette politique impérialiste avait commencé pendant l’époque républicaine, et elle a été maintenue durant presque tout la période impériale et dirigée contre toutes les nations.

2.8.1.2 La soumission des régions voisines de l’Empire

Dans une certaine mesure, on peut dire que cette vision impérialiste est la ligne de conduite de tous les empereurs romains qui se sont succédé, et d’Auguste lui-même pour commencer. On se souvient d’un passage des Res Gestae qui est en parfaite adéquation avec cette politique :

Omnium prouinciarum populi Romani quibus finitimae fuerunt gentes quae n[on parerent imperio nos]tro fines auxi. Gallias et Hispanias proui[n]cias, item Germaniam qua claudit Oceanus a Gadibus ad ostium Albis fluminis pacaui. Alpes a r]egione ea, quae proxima est Hadriano mari, ad Tuscum pacari feci nulli genti bello per iniuriam inlato. Classis mea per Oceanum ab ostio Rheni ad solis orientis regionem usque ad fin[es

183 Cimbrorum nauigauit, [] quo neque terra neque mari quisquam Romanus ante id tempus adit, Cimbrique et Charydes et Semnones et eiusdem tractus alii Germanorum populi per legatos amicitiam meam et populi Romani petierunt.

« J'ai augmenté le territoire de toutes les provinces du peuple romain dont les nations voisines n’obéissaient pas à notre pouvoir. J'ai pacifié les Gaules et les Espagnes, ainsi que la Germanie, tout ce que limite l'Océan, de Gadès à l'embouchure de l'Elbe. J'ai fait en sorte que la paix revienne dans les Alpes, depuis la région qui est proche de la mer Adriatique jusqu’à la mer Tyrrhénienne, sans faire à aucun peuple une guerre injuste. Ma flotte a navigué sur l'Océan depuis l'embouchure du Rhin en direction de la région du soleil levant jusqu'au territoire des Cimbres, où aucun Romain jusqu’à ce jour n'était allé ni par terre ni par mer. Les Cimbres, les Charydes, les Semnons et d'autres peuples Germains de la même région ont demandé par des ambassades mon amitié et celle du peuple romain »596.

Ce texte offre toutes les caractéristiques de la doctrine impérialiste. Il est un fait établi que l’une des pratiques des puissances impériales est d’envahir une aire géographique qui abrite plusieurs peuples, de les soumettre dans un premier temps et, dans un second temps, de s’ériger en maître et faire l’arbitrage entre ces différents peuples. Telle est la stratégie employée par Auguste qui révèle dans ce passage non seulement le périmètre de sa conquête mais aussi le rôle de conciliateur que ses préfets ont joué dans les régions conquises.

En effet, on connaît bien l’étendue de la conquête d’Auguste à travers l’évocation des différents pays où les Romains sont intervenus. Il l’indique tout en mettant en évidence la toute- puissance romaine dès le début : Omnium prouinciarum populi Romani quibus finitimae fuerunt

gentes quae n[on parerent imperio nos]tro fines auxi (« J'ai augmenté le territoire de toutes les

provinces du peuple romain dont les nations voisines n’obéissaient pas à notre pouvoir »). Il convient d’attirer l’attention sur le fait que Rome, par l’intermédiaire d’Auguste, entend que toutes les nations lui obéissent, d’où le parere imperio nostro, « obéir à notre pouvoir ». Grâce à ce discours, il est possible de tracer la carte des territoires conquis et de montrer la progression de la colonisation romaine. Celle-ci va des provinces des Gaulois, Gallias, qui sont les voisins proches des Romains jusqu’aux provinces des Germains, eiusdem […] alii Germanorum populi (« d’autres peuples de la même région »). Elle englobe les provinces espagnoles (Hispanias), les côtes atlantiques (a Gadibus ad ostium Albis fluminis, « de Gadès à l'embouchure de l'Elbe »), les régions des Alpes (a r]egione ea, quae proxima est Hadriano mari, ad Tuscum, « depuis la région qui est proche de la mer Adriatique jusqu’à la mer Tyrrhénienne »), enfin les régions voisines de l’Océan Atlantique (ab ostio Rheni ad solis orientis regionem usque ad

fin[es Cimbrorum, « depuis l'embouchure du Rhin en direction de la région du soleil levant

jusqu'au territoire des Cimbres »). Auguste vante son mérite en précisant qu’il est parvenu dans

184 des contrées quo neque terra neque mari quisquam Romanus ante id tempus adit, « où aucun Romain jusqu’à ce jour n'était allé ni par terre ni par mer ».

De surcroît, c’est sur cette même superficie qu’Auguste s’impose en maître et fait de Rome l’autorité à laquelle les peuples autochtones doivent se rapporter. Il présente son action dans ces régions tout en montrant son rôle partout où ses troupes sont intervenues. Dans le même temps, on constate qu’Auguste insiste beaucoup sur son « action pacificatrice » et sur sa « justice ». Un relevé des verbes et des expressions employés dans ce discours révèlera cette posture d’autorité qui dévoile son intention de prouver son mérite en tant qu’imperator, mais aussi de s’attirer les faveurs des sénateurs et leur adhésion à son projet. D’un côté, on distinguera la répétition des verbes à la première personne et des possessifs renvoyant à Auguste ainsi que l’évocation du « peuple » représenté par le sénat. De l’autre, on constatera la place qu’il accorde à la construction de la paix :

Omnium prouinciarum populi Romani fines auxi (« J'ai augmenté le territoire de toutes les provinces du peuple romain »)

Gallias et Hispanias pacaui (« J'ai pacifié les Gaules et les Espagnes »)

Alpes […] pacari feci (« J'ai fait en sorte que la paix revienne dans les Alpes »)

Nulli genti bello per iniuriam inlato (« Sans faire à aucun peuple une guerre injuste »)

Classis mea nauigauit (« Ma flotte a navigué »)

Cimbrique […] et alii Germanorum populi […]

amicitiam meam et populi Romani petierunt (« Les Cimbres […] et d'autres peuples Germains […] ont demandé par des ambassades mon amitié et celle du peuple romain »)

En définitive, on s’aperçoit que la politique de Rome est dictée par une idéologie de domination et de soumission. Elle est dirigée contre tous les peuples qui n’obéissent pas au pouvoir romain. Auguste l’affirme clairement : […] finitimae fuerunt gentes quae n[on

parerent imperio nos]tro (« […] les nations voisines qui n’obéissaient pas à notre pouvoir »).

La suite de son texte montre qu’en réalité aucune nation n’est épargnée car la conquête s’étend jusqu’en Éthiopie où, au-delà de cette volonté de suprématie, il y a des enjeux stratégiques et économiques.

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