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1.3 POURQUOI LES AETHIOPES ONT-ILS LA PEAU FONCÉE ? LES RÉPONSES DES ANCIENS

1.3.2 L’effet du soleil et l’influence du climat sur les Aethiopes

1.3.2.2 L’influence du climat 231 sur les Aethiopes

La théorie de l’influence du climat, c’est-à-dire principalement de la chaleur et du froid, sur la nature et les comportements des hommes remonte à la fin du Ve et au début du IVe siècle

av. J.-C. Elle est développée par l’auteur du Traité des airs, des eaux et des lieux, traité préservé dans le Corpus Hippocratique232. Cette doctrine soutient que « physiquement l’espèce humaine

est une ; ce sont le climat, les eaux, le milieu géographique, l’alimentation, les mœurs qui ont fait les peuples différents les uns des autres. Si les Scythes sont blonds ou roux, c’est que le soleil, dans leurs plaines boréales, n’a pas la force de colorer leurs cheveux ; et l’effet du climat, s’ajoutant à celui des mœurs, explique que la natalité soit chez eux si faible : toujours à cheval, les hommes se fatiguent et ne recherchent guère leurs compagnes […]. Si les Asiatiques sont sans ardeur et répugnent la guerre, la faute en est à l’uniformité des saisons. Il n’y a pas en Asie de ces alternances du chaud et du froid, de l’humide et du sec, qui rendent les habitants de l’Europe ardents, courageux et belliqueux. Là n’est pas la seule cause : les lois ajoutent leurs effets à ceux de la nature. La monarchie concourt à rendre lâches les peuples de l’Asie et leur fait une âme servile. Tandis que là où les hommes sont maîtres de leur destin, se développent le courage et le goût du risque. On remarque en passant que la supériorité, en tout cela, appartient à l’Europe, donc à la Grèce »233.

Cette affirmation a suscité un débat qui occupa pendant longtemps les auteurs anciens. Dans les écoles philosophiques234 selon lesquelles la nature de l’homme occupait une place

fondamentale, les adeptes se saisirent de la question, la discutèrent, et tantôt la rejetèrent235,

231 Voir M. PINNA, « Un aperçu historique de ‘la théorie des climats’ », dans Annales de Géographie, t. 98, n°547,

1989, p. 322-325.

232 ID., op. cit., p. 322 ; Voir aussi ID., La teoria dei climi : Una falsa dottrina che non muta da Ippocrate a Hegel

(La théorie des climats une doctrine erronée qui ne change pas d'Hippocrate à Hegel), dans Société Géographique

Italienne, vol. 41, 1988, p. 396 ; P. SALMON, « ‘Racisme’ ou refus de la différence dans le monde gréco-romain »,

dans Dialogues d’Histoire Ancienne (DHA), vol. 10, 1984, p. 75-97, ici p. 77.

233 Voir O. REVERDIN, « Crise spirituelle et évasion », dans Entretiens sur l’Antiquité classique, t. 7, Grecs et

Barbares, Genève, 1961, p. 89, cité par P. SALMON, op. cit., p. 77-78.

234 Nous pensons particulièrement au cosmopolitisme et surtout à la philanthropie de l’École stoïcienne.

DÉMOCRITE, Fragments 247 (Diels) écrivait déjà à la fin du Ve siècle que « pour un homme bien né, le monde

entier est la patrie ». On peut aussi étendre la réflexion à la théorie des besoins de l’École épicurienne, laquelle estime que tout homme a des besoins naturels et nécessaires, des besoins naturels et non nécessaires et des besoins non naturels et non nécessaires. Ces besoins sont considérés par les épicuriens comme étant les caractéristiques et l’identité de l’homme. En outre, l’idée d’une nature identique à tous les hommes été soutenue par Antiphon lorsqu’il écrivait : « Le fait est que, par nature, nous sommes tous et en tout de naissance identique, Grecs et Barbares ; et il est permis de constater que les choses qui sont nécessaires de nécessité naturelle sont (communes) à tous les hommes… Aucun de nous n’a été distingué à l’origine comme Barbare ou comme Grec : tous nous respirons l’air par la bouche et par les narines ». Cf. P. SALMON, op. cit., p. 76-77.

71 tantôt la défendirent236. Ainsi à l’époque romaine, la théorie de l’influence du climat était

tellement répandue dans les milieux littéraires latins qu’elle finit par convaincre Vitruve (dans le livre VI de l’Architecture) et Pline l’Ancien, qui contribuèrent énormément à sa diffusion. Tous les deux soulignèrent, en parlant de cette doctrine, l’opposition entre les hommes du Sud, représentés par les Aethiopes auxquels la chaleur ‘ôte tout courage’, et ceux du Nord, représentés par les Scythes que le froid rend courageux à la guerre. Cette opposition est ainsi expliquée par Vitruve :

Qui autem sunt proximi ad axem meridianum subiectique solis cursui, breuioribus corporibus, colore fusco, crispo capillo, oculis nigris, cruribus ualgis, sanguine exiguo solis impetu perficiuntur. Itaque etiam propter sanguinis exiguitatem timidiores sunt ferro resistere, sed ardores ac febres subferunt sine timore, quod nutrita sunt eorum membra cum feruore ; itaque corpora quae nascuntur sub septentrione a febri sunt timidiora et inbecilla, sanguinis autem abundantia ferro resistunt sine timore.

« Quant à ceux qui sont proches de l’axe méridional et qui sont placés sous la course du soleil, ils ont une taille plus petite, le teint brun, la chevelure crépue, les yeux noirs, les jambes torses237, le sang peu abondant, à

cause de l'ardeur du soleil. C’est pourquoi, à cause de cette petite quantité de sang, ils craignent d’affronter une arme ; mais ils supportent sans crainte les chaleurs et les fièvres, parce que leurs membres se sont développés dans la chaleur. Aussi, les hommes qui sont nés sous le septentrion redoutent la fièvre, à laquelle ils sont vulnérables ; mais ils affrontent une arme sans peur à cause de l’abondance de leur sang »238.

Ces affirmations ne sont pas séparables d’un contexte de géographie mêlée d’astronomie. C’est en mentionnant des éléments propres à cette science, à savoir la partie sud de l’axe du monde et le septentrion (axis meridianus et septentrio) où il place respectivement les deux peuples mentionnés plus haut, qu’il souligne leur opposition dans l’ordre de l’espace, mais aussi et surtout les différences de leur caractère et de leurs mœurs239. Ainsi note-t-on qu’il

fait allusion d’une part aux Aethiopes en les appelant Qui […] sunt proximi ad axem

meridianum subiectique solis cursui (« […] Ceux qui sont proches de l’axe méridional et qui

sont placés sous la course du soleil »), une allusion qui renseigne en même temps sur l’adhésion de Vitruve à la « théorie de la proximité »240 ; et d’autre part, aux Scythes désignés par

l’appellation suivante : Corpora quae nascuntur sub septentrione (« Les hommes qui sont nés

236 Ainsi Platon, Aristote et Galien.

237 Les manuscrits donnent ualidis, c’est-à-dire qu’ils accordent aux Aethiopes des « jambes robustes », en pleine

contradiction avec le caractère indolent qu’ils leur prêtent. Mieux vaut admettre la correction de R. Browning,

ualgis, que reprend l’édition CUF de L. Callebat (2004), p. 6, avec justification à la note 3 p. 72. D’autres

corrections ont d’ailleurs été proposées, à commencer par inualidis. Cf., dans le Satiricon 102, 15, l’allusion aux « jambes en cerceau » des Africains.

238 VITRUVE, De architectura 6, 1, 4.

239 Voir E. THIANDO, L'homme noir vu par les auteurs de l'antiquité : caractères physiques, physiognomoniques

et moraux, thèse de 3e cycle Histoire, sous la direction de Jean Devisse, Université de Panthéon Sorbonne, Paris,

1984.

72 sous le septentrion »). Mais, au-delà de la description physique des Aethiopes241, Vitruve met

en évidence une opposition (Aethiopes – Scythae) qui ne se note pas uniquement dans leur localisation classique, c’est-à-dire aux extrémités du monde connu (meridies – septentrio). En effet, il souligne leurs différences de mœurs et de dispositions morales en montrant que celles- ci sont déterminées par le climat qui règne dans l’une et dans l’autre contrée. Ainsi, soutient-il que les Aethiopes supportent courageusement la chaleur, mais ils appréhendent excessivement le fer : Itaque etiam propter sanguinis exiguitatem timidiores sunt ferro resistere, sed ardores

ac febres subferunt sine timore, quod nutrita sunt eorum membra cum feruore (« C’est

pourquoi, à cause de cette petite quantité de sang, ils craignent d’affronter une arme ; mais ils supportent sans crainte les chaleurs et les fièvres, parce que leurs membres se sont développés dans la chaleur »). Quant aux Scythes, il explique qu’ils affrontent vaillamment le fer, mais redoutent les chaleurs et la fièvre : Corpora quae nascuntur sub septentrione a febri sunt

timidiora et inbecilla, sanguinis autem abundantia ferro resistunt sine timore (« les hommes

qui sont nés sous le septentrion redoutent la fièvre, à laquelle ils sont vulnérables ; mais ils affrontent une arme sans peur à cause de l’abondance de leur sang »).

Toutefois, ne peut-on pas considérer les sentiments de crainte en face d’une arme et la peur de la chaleur que Vitruve prête aux uns et aux autres comme une sorte de prudence, d’intelligence et de conscience du danger chez les Aethiopes, et de témérité chez les Scythes ? Les explications qu’il donne pour justifier l’attitude de ces peuples devant le péril répondent à notre interrogation. En effet, lorsque nous considérons le manque de courage qu’éprouvent les

Aethiopes devant le danger à cause de l’insuffisance de sang (propter sanguinis exiguitatem),

et l’audace des Scythes devant les risques grâce à l’abondance de sang (sanguinis abundantia), nous pouvons alors supposer que les Aethiopes font preuve de subtilité et de discernement tandis que les Scythes sont irréfléchis. Les Aethiopes semblent connaître le rôle important que joue le sang dans l’organisme et savoir qu’une perte importante de cette substance lors des combats qui entrainerait leur mort. Dans le passage ci-dessous Vitruve, en insistant beaucoup sur cette crainte que les Aethiopes ressentent, fait apparaître brièvement et spontanément leur psychologie, c’est-à-dire les traits d’esprit relatifs à l’intelligence et au discernement. Il dit :

Cum sint autem meridianae nationes animis acutissimis infinitaque sollertia consiliorum, simul ad fortitudinem ingrediuntur, ibi succumbunt, quod habent exsuctas ab sole animorum uirtutes ; qui uero refrigeratis nascuntur regionibus, ad armorum uehementiam paratiores sunt ; magnis uirtutibus sunt sine timore, sed tarditate animi sine considerantia inruentes sine sollertia suis consiliis refragantur. Cum ergo haec ita sint ab natura rerum

241 Breuioribus corporibus, colore fusco, crispo capillo, oculis nigris, cruribus ualgis, sanguine exiguo solis impetu

perficiuntur, « ils ont une taille plus petite, le teint brun, la chevelure crépue, les yeux noirs, les jambes torses, le

73 in mundo conlocata et omnes nationes inmoderatis mixtionibus disparatae, ueros inter spatium totius orbis terrarum regionesque medio mundi populus Romanus possidet fines.

« Quant à ces nations méridionales avec leur extrême vivacité d’esprit et l’ingéniosité infinie de leur jugement, dès qu’elles doivent faire un acte de courage, immédiatement elles s’écroulent, parce que leur courage et leur vaillance sont taris par le soleil ; tandis que celles qui naissent dans les pays froids sont mieux préparées à la violence des armes, elles sont d’une grande bravoure et ignorent la peur ; mais à cause de leur lenteur d’esprit et de leur manière de se précipiter sans réflexion, leur manque de finesse fait obstacle à l'exécution de leurs desseins. Telles étant donc les dispositions que la nature a mises en place dans le monde, et toutes les nations étant différenciées par un mélange déséquilibré, c’est le peuple Romain qui, sur l’étendue de l’univers et de ses régions, occupe, au centre du monde, le territoire idéal »242.

L’intelligence des Aethiopes est évoquée clairement au début de ce passage. Vitruve la souligne lorsqu’il écrit : Cum sint autem meridianae nationes animis acutissimis infinitaque

sollertia consiliorum […] (« Quant à ces nations méridionales avec leurs esprits aigus et

l’ingéniosité infinie de leur jugement […] ». Mais vu la construction de la phrase, on a l’impression que Vitruve cherche davantage à démontrer leur lâcheté plutôt que leur jugement réfléchi. Le texte de Pline l’Ancien est un peu différent sur cette question, car là où Vitruve qualifie les Aethiopes de nationes animis acutissimis infinitaque sollertia (« ayant une extrême vivacité d’esprit et une ingéniosité infinie du jugement »), le naturaliste, lui, utilise à leur propos le terme sapientes (« sages »). Dans ce passage, Pline écrit en effet :

Contexenda sunt his caelestibus nexa causis. Namque et Aethiopas uicini sideris uapore torreri adustisque similes gigni, barba et capillo uibrato, non est dubium, et aduersa plaga mundi candida atque glaciali cute esse gentes, flauis promissas crinibus, truces uero ex caeli rigore has, illas mobilitate sapientes, ipsoque crurum argumento illis in supera sucum reuocari natura uaporis, his in inferas partes depelli umore deciduo ; hic graues feras, illic uarias effigies animalium prouenire et maxime alitum multas figuras igni uolucres ; corporum autem proceritatem utrobique, illic ignium nisu, hic umoris alimento ; medio ueros terrae salubri utrimque mixtura fertiles ad omnia tractus, modicos corporum habitus magna et in colore temperie, ritus molles, sensus liquidos, ingenia fecunda totiusque naturae capacia, isdem imperia quae numquam extimis gentibus fuerint, sicut ne illae quidem his paruerint, auolsae ac pro numine naturae urguentis illas solitariae.

« Il faut rattacher à ces faits ceux qui sont liés à des causes célestes. De fait, il est hors de doute que les Éthiopiens sont desséchés par la radiation de l'astre tout proche et naissent semblables à des gens brûlés, avec la barbe et les cheveux frisés, tandis que dans la zone opposée du monde les peuples ont la peau blanche et glacée, avec de longs cheveux blonds, et que les uns sont sauvages à cause du froid de l’air, les autres, à cause de sa mobilité, sages ; et que leurs jambes mêmes prouvent que chez les uns la nature de la radiation solaire attire les sucs vers le haut, tandis que chez les autres ils sont refoulés dans les parties inférieures par la tendance des liquides à descendre ; qu’ici naissent des bêtes de poids, et là des animaux de formes variées, et surtout de nombreuses espèces d'oiseaux que le feu rend rapides. Mais dans l’une et l’autre des deux régions les corps sont de grande taille, d’un côté sous la poussée du feu, de l’autre nourris par l'humidité, tandis que dans la zone intermédiaire, grâce à un salutaire mélange de ces deux éléments, les terres sont fertiles en produits de toutes sortes, la constitution des corps est équilibrée, avec une belle proportion même dans le teint ; les mœurs y sont douces, le jugement clair, l’esprit fécond et capable d'embrasser la nature tout entière ; et ces peuples détiennent des empires que n'ont jamais possédés ceux des régions extrêmes ; au contraire, même ces derniers ne leur ont pas été soumis, parce qu’ils sont à l’écart et solitaires selon la volonté de la nature qui les presse »243.

242 VITRUVE, op. cit., 6, 1, 10. Il faut corriger, vers la fin de la phrase, uero de la plupart des manuscrits en ueros. 243 PLINE L'ANCIEN, Naturalis historia 2, 189.

74 À la différence, donc, de Vitruve qui opposait la crainte des Aethiopes au courage des Scythes, Pline l’Ancien confronte ces deux peuples situés aux extrémités du monde en soulignant la sauvagerie des uns, les Scythes, qui sont truces (« sauvages »), et la sagesse des autres, les Aethiopes, déclarés sapientes (« sages »). Cependant, bien qu’il existe une différence dans les termes employés par les deux auteurs, il reste que la vision qu’ils ont de ces peuples étrangers reflète non seulement la mentalité romaine mais aussi et surtout l’ancrage de la théorie des climats dans la conscience collective romaine en général, et dans les cercles des intellectuels en particulier. On verra qu’au IIe siècle apr. J.-C., cette théorie et cette opposition sont

confirmées par le savant Ptolémée244, ce que Snowden résume en ces termes : « « According to

Ptolemy, the inhabitants of the region from the equator to the summer tropic, known by the general name of Ethiopians, have black skins and thick wolly hair, are shrunken in stature and sanguine in nature because they are burnt by sun which is over their heads. Those in northern parallels, on the other hand – designated by the general name of Scythians – are white- complexioned, straigth-haired, tall and well nourished, have a more abundant share of moisture, and are somewhat cold by nature, since they are far removed from the zodiac and the sun. Climate also explains the habits of the population of Scythia and Ethiopia, for according to Ptolemy, the Ethiopians are for most part savage because their homes are oppressed by the heat and the Scythians are sauvage because their dwelling places are continually cold »245.

La façon de présenter ces peuples soulève la question des critères d’évaluation que les Romains prennent en considération pour expliquer, à partir de cette théorie des climats, le tempérament des étrangers, en particulier celui de ces deux peuples qui sont géographiquement les plus éloignés et les plus différents. Ainsi constatons-nous que d’après ces écrivains romains ou d’époque romaine, l’action prime sur la pensée, la hardiesse sur la prudence, l’emportement et l’inconscience sur la réflexion et la conscience. On assiste donc à une valorisation de l’engagement au détriment de la retenue. Cela n’est pas surprenant, car la bravoure, la vaillance et la promptitude à engager le combat, auxquelles ces écrivains accordent beaucoup d’importance, font parties des vertus qui caractérisent la mentalité des Romains, laquelle est différente de celle des Grecs connus pour leur amour du logos. L’on soulignera que ces auteurs ont repris à leur compte, presque à l’identique, la théorie soutenue dans le corpus hippocratique et ont revendiqué la supériorité des Romains sur les autres peuples, comme les Grecs l’avaient

244 Cf. A. GERMAINE, Claude Ptolémée, astronome, astrologue, géographe : connaissance et représentation du

monde habité, Paris, Ed. CTHS, 1993.

245 Cf. Fr. M. SNOWDEN, Blacks in Antiquity : Ethiopians in the Graeco-Roman Experience, Cambridge, Mass.,

75 fait avant eux. Au-delà de toutes ces considérations, il convient de souligner que cette appropriation, par les Romains, de la théorie de l’influence des climats est un témoignage clé de l’ethnocentrisme romain. Cet ethnocentrisme se manifeste dans les dernières lignes des passages respectifs de Vitruve et de Pline expliquant l’influence du climat sur les mœurs, que nous citons successivement ci-dessous :

Cum ergo haec ita sint ab natura rerum in mundo conlocata et omnes nationes inmoderatis mixtionibus disparatae, ueros inter spatium totius orbis terrarum regionesque medio mundi populus Romanus possidet fines.

« Telles étant donc les dispositions que la nature a mises en place dans le monde, et toutes les nations étant différenciées par un mélange déséquilibré, c’est le peuple Romain qui, sur l’étendue de l’univers et de ses régions, occupe, au centre du monde, le territoire idéal »246.

[…] Medio uero terrae salubri utrimque mixtura fertiles ad omnia tractus, modicos corporum habitus magna et in colore temperie, ritus molles, sensus liquidos, ingenia fecunda totiusque naturae capacia, isdem imperia quae numquam extimis gentibus fuerint, sicut ne illae quidem his paruerint, auolsae ac pro numine naturae urguentis illas solitariae.

« Tandis que dans la zone intermédiaire, grâce à un salutaire mélange de ces deux éléments, les terres sont fertiles en produits de toutes sortes, la constitution des corps est équilibrée, avec une belle proportion même dans le teint ; les mœurs y sont douces, le jugement clair, l’esprit fécond et capable d'embrasser la nature tout entière ; et ces peuples détiennent des empires que n'ont jamais possédés ceux des régions extrêmes ; au contraire, même ces derniers ne leur ont pas été soumis, parce qu’ils sont à l’écart et solitaires selon la volonté de la nature qui les presse »247.

M. Dubuisson, étudiant dans un article l’origine des stéréotypes à l’époque romaine, considère ce discours de Vitruve, qui trouve d’ailleurs un écho dans celui de Pline l’Ancien, comme la manifestation de l’ethnocentrisme romain que nous évoquions plus haut. Selon lui,

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