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La primauté du retrait obligatoire

Dans le document La radiation de la cote (Page 137-139)

Chapitre Second : Perfectionner la radiation pour faible liquidité

Section 2 : La modification des règles Euronext

A. La primauté du retrait obligatoire

Affaire Radiall. Le niveau de détention par le groupe familial Gattaz, au moment même où

l’entreprise de marché considérait que Radiall remplissait les critères d’une radiation de la cote, laisse toute entière la question de l’articulation de l’article P 1.4.2 des règles de marché, et des dispositions du règlement général de l’AMF régissant la procédure de retrait. À ce titre, les sociétés Orfim et La Financière de l’Échiquier, prétendent que les règles du retrait priment sur les règles de marché, et invoquent ainsi la nullité de la décision de conformité, « au motif que l’AMF n’aurait pas répondu à la demande de la société Orfim tendant à ce que soit mise en offre une offre publique de retrait » sur le fondement de l’article 236-1 du règlement général de l’AMF2. Selon la société Orfim, l’AMF aurait fait prévaloir la demande relative à l’offre publique d’achat simplifiée de la société Hodiall, sans se prononcer sur la demande de retrait obligatoire, alors même que, lorsqu’elle est saisie de deux demandes portant sur le même objet, le devoir de l’AMF est de les instruire et de statuer sur chacune d’elles. Toutefois, la cour d’appel de Paris, estime que la décision, telle qu’elle est rédigée, ne statue que sur la demande d’offre publique d’achat simplifiée, et que l’AMF n’a pas, dans cette décision, rejeté la demande de la société Orfim ; par conséquent la décision attaquée ne pourrait être annulée pour défaut de motivation. Par ailleurs, la société La Financière de

l’Échiquier, reproche à l’AMF de ne pas avoir procédé à un contrôle renforcé du prix pour

vérifier qu’il était au moins équivalent à celui qui aurait été fixé en cas de retrait obligatoire, eu égard à l’éviction de fait des actionnaires minoritaires.

1 Cuntz N., « Euronext Paris fait évoluer ses règles de radiation du marché en cas de disparition de la liquidité », Bull. Joly Bourse,

01/10/2015, n°10, p.457

2 Torck S., « Sortir de la cote (II) : retrait obligatoire versus article P 1.4.2 des règles de marché Euronext Paris », Bull. Joly Bourse,

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Difficulté. La question se pose donc de l’articulation de l’article P 1.4.2 avec la procédure de

retrait obligatoire, et en conséquence, du contrôle du prix de l’offre par l’Autorité de marché.

Concurrence. Il est même des cas, où à la fois la voie du retrait obligatoire et celle prévue par

les règles de marché, peuvent entrer en concurrence. Tel serait le cas, lorsque l’initiateur détient au moins 95 % des droits de vote.

La primauté du retrait obligatoire. Naturellement, la primauté du retrait obligatoire sera

envisagée, d’une part, eu égard à la légitimité dans laquelle il trouve son fondement, et d’autre part, eu égard à la protection qu’il offre aux actionnaires.

Une légitimité incontestable. Nul n’est besoin de s’attarder trop longtemps sur ce point, néanmoins, la légitimité qui fonde le retrait obligatoire semble incontestable. En effet, celui-ci trouve son fondement à la fois dans les textes européens1, et bien entendu dans la loi2.

Des effets rigoureux. La société La Financière de l’Échiquier estime que la radiation simple constitue « une éviction de fait » des actionnaires minoritaires qui perdent après la radiation, non seulement le bénéfice d’une information financière complète, mais aussi la liquidité qu’offre la cotation en bourse3. En conséquence ladite radiation doit être assimilée, du point

de vue des actionnaires minoritaires, à un retrait obligatoire. La cour d’appel de Paris balaye cet argument, au motif que les conséquences pour les détenteurs minoritaires de titres ne sont pas identiques, ceux-ci n’étant pas privés de la propriété de leurs actions à l’issue de la procédure. Ad litteram certes, les actionnaires minoritaires ne sont pas privés de leurs actions. Pour autant, l’argumentation de La Financière de l’Échiquier n’est pas totalement injustifiée. En effet, d’une part, certains fonds, à l’image de certains hedge funds, qui ne peuvent investir dans du non coté, seront contraints d’apporter leurs titres à l’offre, et recevront en contrepartie le prix proposé qui n’aura pas le caractère d’indemnité ; il s’agit bien là d’une éviction de fait, étant donné la profonde modification du contrat d’investissement initial auquel ils avaient adhéré. À ce titre, dans un tel cas de figure de radiation simple prononcée par l’entreprise de marché, le rapport Giami-Rameix préconisait le contrôle du caractère « équitable » de l’offre de retrait4. D’autre part, même s’il ne s’agit pas d’une obligation pour eux, mais le bouleversement du contrat d’investissement auquel les actionnaires avaient adhéré sera tel, qu’un choix semblera s’imposer par défaut, les contraignant à céder leurs titres. À ce titre, Monsieur le Professeur Torck met en évidence le faible intérêt qu’auraient des actionnaires

1 Directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil concernant les offres publiques d’acquisition : JOUE 30 avr. 2004, n° L 142/12 2 Loi n°93-1444 du 31 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la Banque de France, à l’assurance, au crédit, et aux marchés

financiers

3 CA Paris, 5-7, 18 mai 2017, n°2016/26029, Orfim et Financière de l’Echiquier c/ Radiall

4 Giami Th., Rameix G., Rapport Giami-Rameix sur le financement des PME-ETI par le marché au ministre de l’Economie et des Finances,

133 ultra-minoritaires à conserver leurs actions dans une société dont ils ne sont associés aux décisions stratégiques et ne bénéficieront plus de l’information due à un actionnaire d’une société cotée1. Et d’ailleurs, la remarque peut aussi s’avérer exacte dans le cas inverse, dans la mesure où il ne sera probablement opportun pour l’actionnaire de contrôle que de garder à son capital quelques minoritaires qu’il entendait évincer.

Contournement. Finalement, le risque qui apparaît serait de créer une compétition entre les

deux dispositifs alors en concurrence, qui conduirait naturellement l’initiateur à préférer la radiation simple, lui permettant d’offrir aux actionnaires minoritaires un prix inférieur à l’indemnité normalement perçue. Et à ce titre, la radiation simple pourrait donc constituer une menace à l’égard des actionnaires bloquant une opération de squeeze out. Cette difficulté avait d’ailleurs déjà été soulevée lors de la rédaction du rapport Giami-Rameix, lesquels avaient conclu qu’en pratique, l’entreprise de marché et l’AMF refuseront probablement d’accéder à la demande de l’émetteur sollicitant la radiation par l’entreprise de marché, à l’exclusion du retrait obligatoire. En effet, l’équilibre doit être trouvé entre la protection des actionnaires minoritaires et les intérêts de l’émetteur qui, pour une raison ou une autre, souhaite quitter la cote2.

Opportunité. Toutefois, les règles de marché, eu égard aux engagements qui doivent être

pris, et notamment à celui de racheter les minoritaires dans un délai de trois mois, pourraient permettre de contribuer au bon fonctionnement de la procédure du retrait obligatoire, l’initiateur réussissant, à l’issue de ce délai, à réunir les quelques scories de capital manquant.

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