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L’opportunité d’une telle transposition

Dans le document La radiation de la cote (Page 63-67)

Chapitre Premier : L’amendement du squeeze out à la française

Section 3 : Les mesures complémentaires envisageables

B. L’opportunité d’une telle transposition

La question se pose alors de savoir s’il est possible d’envisager de geler les acquisitions pendant la période de retrait, voire même pendant un délai après l’offre de retrait, afin notamment, d’éviter les comportements opportunistes. Le dispositif peut être envisagé à la fois cumulativement aux autres mesures proposées, ou bien alternativement.

Domaine. Il semblerait qu’un tel dispositif aurait un champ d’application ratione personae,

relativement étendu. En effet, les actionnaires au comportement opportuniste sont généralement des actionnaires minoritaires de la société visée, et non l’initiateur de l’offre ou la société visée elle-même. Ce champ d’application se retrouve seulement dans le dispositif de l’offre publique d’échange qui vise « les personnes concernées par l’offre », et concerne à la fois la période de préoffre ainsi que la période d’offre. Nous notons déjà que l’offre publique d’acquisition n’est pas soumise aux mêmes restrictions.

De manière générale, un champ d’application à l’image de celui de l’offre publique d’échange serait-il justifié dès lors qu’un retrait est envisagé ?

Cela semble quelque peu excessif dans la mesure où par essence, cette restriction concernant l’offre publique d’échange, a d’une part vocation à lutter contre la manipulation de cours, qu’il s’agisse d’une intervention sur le titre de la société visée ou sur le titre de la société remis en échange, et d’autre part, cette limitation vise également à assurer l’égalité entre l’actionnaire qui vendra sur le marché et recevra du numéraire, et celui qui recevra des titres1. Au cas d’espèce, l’indemnité sera forcément versée en espèces. Elle aurait pu être versée en titres si le retrait obligatoire avait suivi une offre publique d’échange, mais une option aurait tout de même été proposée en numéraire. De sorte que ratione personae, la restriction semble quelque peu trop importante. Peut-être faudrait-il proposer un champ d’application moins large, qui puisse tout de même empêcher ce type de comportement. L’exercice n’est pas simple, nous pourrions peut-être proposer de limiter les acquisitions permettant à un actionnaire de franchir le seuil fatidique de 5 %.

Intérêts supérieurs. Par ailleurs, cette règle visant à geler les acquisitions semblent assez

antinomique avec les règles du marché dont le bon fonctionnement est caractérisé, entre autres, par sa liquidité. Ce à quoi, nous pouvons rappeler que l’intérêt du marché, nous semble être un intérêt public, et certains auteurs parlent même à ce propos d’un ordre public financier2. De surcroît, la limite portée au droit de propriété semble assez excessive compte tenu des autres modifications proposées ; à savoir l’abaissement du seuil du squeeze out, et la

1 Viandier A., OPA OPE et autres offres publiques, Fr. Lefebvre, 5ème éd., 2014, p. 367 2 Méadel J., Les marchés financiers et l’ordre public, Th. Paris II, LGDJ, éd., 2007, p. 25

58 limitation des comportements opportunistes. D’ailleurs, ce blocage ne sera plus tellement utile à supposer que le dispositif tendant à limiter les abus fonctionne correctement. Nous aurions donc une règle, par essence contraire à l’intérêt du marché et au droit de propriété, dont le champ d’application sera très — trop — étendu. Elle aura cependant pour mérite d’être parfaitement objective et prévisible, contrairement à la limitation des comportements opportunistes proposée précédemment. Étant entendu que les acquisitions sur le titre peuvent être justifiées, à l’extrême, par un actionnaire souhaitant acheter des actions, dans le but, non pas de faire échec au processus, mais de le faciliter, par exemple en rejoignant l’actionnaire de contrôle.

Pour qu’une telle règle puisse trouver à s’appliquer, il faudrait donc délimiter le champ d’application de manière bien plus concise, et trouver des critères adaptés pour essayer de contrer les manipulations dues aux seuils décisifs. Cette solution ne semble pas être la plus opportune. S’il est difficile de bloquer les mouvements de titres de la sorte, peut-être faudrait- il a minima proposer d’exclure du seuil de 5 %, les participations acquises par les actionnaires suite à l’annonce de la radiation envisagée.

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Conclusion du Chapitre Premier. Le constat peut être dressé que la protection des

minoritaires est largement assurée, et paraît peut-être même assez déséquilibrée, alors que le majoritaire a été soumis à de nombreuses contraintes, dont celle de parvenir à franchir le seuil de 95 % ; certains diront même que la « protection des petits minoritaires » ne constitue qu’un « alibi »1. De sorte qu’il nous semble que l’abaissement du seuil du squeeze out serait une solution légitime et proportionnée, et constituerait un compromis idéal. Le droit de propriété ne doit pas non plus être élevé à un rang tel, qu’il rende impossible l’efficience d’un processus de marché.

À l’image du droit anglais, un dispositif sociétaire sera envisagé, et pourrait peut-être redonner encore plus de légitimité — si celle-ci doit être trouvée — à l’expropriation des minoritaires. En effet, au Royaume-Uni, il existe deux voies pour prendre le contrôle d’une société. Naturellement, la première prend la forme d’une offre, qui pourra ou non être amicale et conduire à un squeeze out. La seconde prend la forme d’un accord, d’un arrangement, intitulé Scheme of Arrangement, et ce type d’accord peut être utilisé comme alternative au

squeeze out, en ce qu’il permet, toutes autres conditions par ailleurs réunies, de radier une

société à l’issue d’un vote des actionnaires partie à l’accord2.

La majorité des développements de la Section 1 du Second Chapitre, issue de la littérature anglo- saxonne ainsi que des textes législatifs applicables, a été traduite par nos soins ; cette traduction n’est donc qu’imparfaite.

1 Sayer P., Senequier D., « Sortir de la Bourse pour mieux rebondir », Les Echos, le 29/06/2005

2 Boardman N., Weng Wong H., “Public tender offers launched by French Companies in UK”, in Les offres publiques d’achat, G. Canivet,

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