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Un pouvoir normatif

Dans le document La radiation de la cote (Page 106-109)

Chapitre Premier : La légitimité de l’entreprise de marché

Section 1 : Le statut de l’entreprise de marché

A. Un pouvoir normatif

Dichotomie. Les règles applicables au marché sont élaborées par une pluralité d’acteurs,

parmi lesquels figurent l’AMF, ainsi que l’entreprise de marché. L’AMF se voit réserver un

1 Art. L.421-11, I, 3° Code mon. fin. 2 Art. 512-8 RG AMF

3 Art. 514-5 RG AMF

4 Couret A., Le Nabasque H., Coquelet M.-L., Granier T., Poracchia D., Raynouard A., Reygrobellet A., Robine D., Droit financier, Dalloz,

2ème éd., 2012, p. 37, §43

5 Règlement CE n°1287/2006 de la Commission du 10 août 2006 portant mesures d’exécution de la directive 2004/39/CE du Parlement

européen et du Conseil en ce qui concerne les obligations des entreprises d’investissement en matière d’enregistrement, le compte rendu des négociations, la transparence du marché, l’admission des instruments financiers à la négociation et la définition de termes aux fins de ladite directive, publié au JOUE le 02/09/2006, n° L241/1

6 Art. 29 du Règlement CE n°1287/2006 de la Commission du 10 août 2006, art. 514-5 et s. RG AMF 7 Art. 514-9 RG AMF

8 Art. 514-10 RG AMF

101 certain domaine, notamment celui des offres publiques obligatoires, qui s’explique par des raisons d’ordre public, notamment d’ordre public de protection s’agissant de la protection des actionnaires minoritaires, et en raison de la hiérarchie des normes, qui invite à penser que les règles posées par l’entreprise de marché ne sont, en principe, que le prolongement des normes adoptées par l’Autorité de marché1.

Nature des règles adoptées. Cette question de la nature des règles adoptées par l’entreprise

de marché rejoint celle du caractère ou non de service public conféré à la mission de l’entreprise de marché. En découlera ainsi la compétence d’un juge. S’agit-il d’une règle de nature contractuelle, ou bien l’entreprise de marché est-elle investie d’un pouvoir de nature réglementaire.

Analyse contractuelle. L’analyse contractuelle consiste à dire que, étant donné la volonté du législateur d’exclure les entreprises de marché de la qualification d’organisme de droit privé chargé d’une mission de service public et doté de prérogatives de puissance publique, leurs actes ne sont pas des actes administratifs. En conséquence, le juge administratif n’est pas compétent pour connaître de ce contentieux2. Néanmoins, l’entreprise de marché est amenée à

prendre des mesures particulières, notamment à propos de l’admission d’instruments financiers et d’actifs aux négociations3, de la suspension de la négociation, de la radiation d’un instrument financier4 ou pour le contrôle du respect des règles de marché5. Dès lors, un auteur, à défaut de reconnaître des actes administratifs, y voit des décisions unilatérales déterminant les droits et obligations sans l’accord des intéressés, ce qu’il reconnaît comme étant l’une des caractéristiques essentielles de l’acte administratif6. Les décisions de publication prises par l’entreprise de marché, notamment concernant le prix à l’achat et à la vente, et le nombre d’instruments financiers correspondants7, laisseraient à penser que ces décisions sont de véritables actes administratifs. Toutefois, l’article L.421-18 du Code monétaire et financier précise que les relations entre une entreprise de marché et les membres du marché réglementé qu’elle gère sont de nature contractuelle. Le Tribunal des conflits décida en conséquence, qu’il appartient à la juridiction judiciaire de connaître du litige opposant l’entreprise de marché à l’un de ses membres8, qui se plaint du remplacement de la

1 Bonneau T., « De l’inutilité du droit contractuel pour assurer le respect des règles de marché », RTD Com. 1999, p. 257

2 Delvolvé P., « Droit boursier et droit public », in Les offres publiques d’achat, G. Canivet, D. Martin, N. Molfessis (dir.), Lexisnexis Litec,

2009, p .254

3 Art. L.421-14 Code mon. fin. 4 Art. L.421-15 Code mon. fin. 5 Art. L.421-12 Code mon. fin.

6 Delvolvé P., « Droit boursier et droit public », in Les offres publiques d’achat, G. Canivet, D. Martin, N. Molfessis (dir.), Lexisnexis Litec,

2009, p. 254

7 Art. L.421-1 Code mon. fin.

102 cotation à la criée par un système de négociation par voie informatique1. Une sorte de hiérarchie apparaît donc, au sommet de laquelle se situent les organes gouvernementaux, pour lesquels les qualifications de droit public sont incontestables. L’Autorité de marché ensuite, pour laquelle les mêmes qualifications prévalent. Et enfin, les entreprises de marché, qui bien qu’ayant un rôle relativement semblable à une autorité publique, ne sont investies d’une mission de service public, et prennent, en conséquence, des actes de droit privé2. Or, cette seule analyse contractuelle se trouve affaiblie eu égard à la portée des règles adoptées par l’entreprise de marché, puisqu’elles s’imposent à tout investisseur intervenant sur le marché, et non seulement aux membres du marché.

Pouvoir normatif. D’autres affirment que, même s’il s’agit d’une société commerciale de droit privé, l’entreprise de marché est investie d’un pouvoir de nature règlementaire, édictant donc des règles transparentes et non discrétionnaires. Certains ont vu dans les actes pris par l’entreprise de marché, des actes unilatéraux pris sur le fondement d’une délégation de pouvoir consentie par chacun des membres du marché et des émetteurs, les qualifiant ainsi d’actes réglementaires de droit privé ; qualification dont la souplesse confère à son auteur un pouvoir de modification unilatérale, tout en le soumettant au contrôle du juge judiciaire3. La

cour d’appel de Paris proposa ensuite une distinction entre les actes qui relèvent de la satisfaction de l’intérêt général, revêtant donc un caractère administratif à condition qu’ils aient été approuvés et publiés, des décisions d’ordre purement technique et commercial, qui ne sauraient avoir un tel caractère4, en ce compris la gestion quotidienne des marchés5. Si la nature purement privée ou publique de la réglementation adoptée ne peut donc être établie, il n’en demeure pas moins que la majorité de la doctrine s’accorde à y voir des mesures de nature réglementaire ; la loi opérant alors un véritable glissement du pouvoir normatif6. D’autres auteurs voyaient dans les règles établies par l’entreprise de marché, une catégorie hybride, illustrant la force de l’ordre public financier7. Concernant la radiation plus particulièrement, les travaux préparatoires de la loi de 1996 définissaient la radiation comme « une opération technique, du ressort de la seule gestion commerciale du marché »8. Le

1 T.- confl., 13 déc. 2004, Droit des sociétés, n°4, Avril 2005 comm. 75 ; Bonneau T., « Compétence judiciaire », Droit des sociétés, n°4,

Avril 2005, comm., 75

2 Delvolvé P., « Droit boursier et droit public », in Les offres publiques d’achat, G. Canivet, D. Martin, N. Molfessis (dir.), Lexisnexis Litec,

2009, p. 254

3 Barban P., « Précisions relatives aux devoirs d’Euronext et au pouvoir normatif des entreprises de marché », Bull. Joly Bourse, 01/04/2016,

n°04, p. 164

4 CA Paris, 18 mars 2003 : Juris-Data n°2003-204244

5 CA Paris, 28 janv. 2000 : RTD com. 2000, p. 388, note Y. Reinhard

6 Drummond F., Bonneau T., Droit des marchés financiers, Economica, 3ème éd., 2010, §560, pp. 769, 770 7 Méadel J., Les marchés financiers et l’ordre public, Th. Paris II, LGDJ, éd., 2007, p. 380

8 Cuntz N., « Affaire Radiall/Euronext Paris : une porte entre-ouverte pour les émetteurs souhaitant sortir de la Bourse », Revue de Droit

103 contentieux a donc vocation à être porté devant le juge judiciaire, y compris s’agissant du refus de radiation, ce qui n’a pas été remis en question depuis.

À propos de la radiation, l’entreprise de marché dispose donc d’un pouvoir normatif à caractère réglementaire, dont les règles seront toutefois soumises à l’approbation de l’AMF1, et dont le contentieux a vocation à être porté devant le juge judiciaire2. Ces règles ont le mérite de, en raison de leur souplesse, pouvoir prendre en compte les intérêts de l’ensemble des participants au marché, et ainsi de contribuer à son bon fonctionnement3.

L’efficacité de ce pouvoir ne serait pas pleine et entière sans le pouvoir autoritaire dont dispose l’entreprise de marché.

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