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La nature du mécanisme du retrait

Dans le document La radiation de la cote (Page 87-89)

Chapitre Second : La mise en place d’un mécanisme sociétaire

Section 3 : La légitimité du mécanisme

A. La nature du mécanisme du retrait

Afin d’envisager la transposition d’un tel mécanisme en droit français, il convient de s’interroger sur les fondements du Scheme of Arrangement et du retrait obligatoire.

La nature sociétaire du Scheme of Arrangement. La question du fondement, de l’origine

d’un tel mécanisme mérite d’être soulevée, et il est alors légitime de se demander si l’existence d’un tel mécanisme sociétaire, ne trouve-t-elle pas son origine dans la conception contractuelle de la société adoptée chez les anglo-saxons. Ce débat est relativement théorique mais il permet peut-être de saisir le fondement sur lequel repose le dispositif. La théorie contractuelle place ainsi au premier plan la volonté des parties à l’origine de la création du contrat ; ce que les parties ont pu faire ensemble, elles peuvent le défaire. Cette théorie connaît toutefois quelques limites ; l’unanimité n’est généralement pas requise pour la modification des statuts, la réglementation du droit des sociétés est particulièrement détaillée ce qui ne laisse que peu de place à la volonté des parties, et enfin l’intérêt de la société peut être différent de celui des seuls actionnaires. À l’inverse, la théorie institutionnelle, implique que la société est définie à partir d’un ensemble de règles organisant de manière impérative et durable un groupement de personnes autour d’un but déterminé. Pour faire simple, admettons que la conception anglaise de la société soit une conception contractuelle, et que la conception française soit légèrement plus marquée quant à elle par la conception institutionnelle, puisque les intérêts supérieurs de la société semblent souvent prévaloir, modulo la société par actions simplifiées. Nous faisons ici un raccourci en présentant les choses de la sorte, mais cela permet peut-être d’expliquer la nature du mécanisme sociétaire du Scheme of Arrangement implanté en droit anglais. La société étant le fruit d’un contrat, il apparaît alors logique que les actionnaires participent à la décision de radiation ; cela supposerait donc une technique exclusivement sociétaire. Certains confirment alors ce postulat en affirmant que c’est bien l’approbation de l’offre par la majorité de ses destinataires, technique sociétaire donc, qui

82 fonde le droit d’imposer les conditions aux minoritaires ayant choisi de la refuser1. À l’inverse, la nature du retrait obligatoire français, auquel nous cherchons donc une alternative, doit être étudiée.

La nature du retrait obligatoire. Si pour certains auteurs, « Le retrait forcé n’est pas une

opération de marché autonome »2, il n’en demeure pas moins que le mécanisme du retrait obligatoire est quasiment perçu, par l’ensemble de la doctrine, comme un mécanisme uniquement boursier. Certains auteurs s’élèvent même contre celui-ci en affirmant que « le retrait obligatoire n’est rien d’autre qu’un mécanisme boursier que la loi met à la disposition du majoritaire, (…) qui y trouve son propre intérêt sans se soucier de l’utilité publique, de l’intérêt du marché et de l’intérêt de ses coactionnaires3 ». À supposer que l’utilité publique du retrait obligatoire soit bien reconnue, il est légitime de se demander où se trouve le fondement de la nature boursière d’un tel dispositif, qui apparaît alors déconnecté d’une technique sociétaire.

Toutefois, un tel constat ne peut être aussi facilement dressé, dans la mesure où précède au retrait obligatoire, une offre publique qui depuis 2006, peut-être toute offre publique. À ce titre, Madame le Professeur Frison-Roche met en avant l’ambivalence de la nature du dispositif, en ce que la technique sociétaire de l’offre publique de retrait, d’essence contractuelle, puisque conditionnée par la volonté de chacun de contracter ou non, viendrait ainsi dénaturer la technique du retrait obligatoire, technique purement financière et contraignante4. De sorte qu’il semble difficile d’affirmer avec une certaine fermeté la nature exclusivement financière du retrait obligatoire qui reposerait ainsi sur les exigences du marché ; à cela, il faut ajouter le fait que « l’indemnité » versée dépend d’une évaluation multicritères et non uniquement du prix de marché. Ainsi, il semblerait que la logique française se justifie à la fois par la logique du marché, qui autorise l’exclusion, et à la fois par la logique sociétaire, qui la refuse5.

Il apparaît alors que ces deux logiques semblent finalement complémentaires ; le fondement reste le droit des sociétés, sur lequel le droit du marché est plus ou moins prégnant selon les législations.

De sorte que la transposition de ce mécanisme sociétaire en droit français, ne serait pas une hérésie ; tout est question de mesure et de la place qui est accordée aux fondements financier ou sociétaire. Peut-être qu’un tel mécanisme ne serait transposé à l’identique en

1 Baj C., « Problème du droit français : prix ou valeur ? » Les Petites affiches, 29 nov. 1995 – n° 143-17 2 Viandier A., OPA OPE et autres offres publiques, Fr. Lefebvre, 5ème éd., 2014, p. 472

3 Schmidt D., « Réflexions sur le retrait obligatoire », RD bancaire et bourse, nov.-déc. 1999, n°76, p. 214, nous soulignons. 4 Frison-Roche M.-A., « L’acculturation du squeeze out en droit français », Les Petites affiches, 29/11/1995 – n°143, p. 13 5 Baj C., « Problèmedu droit français : prix ou valeur ? » Les Petites affiches, 29 nov. 1995 – n° 143-17

83 droit français, dont les limites seront par la suite évoquées, mais il est question ici de l’essence du dispositif, et celle-ci semble pouvoir trouver sa justification.

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